Beaucoup de Français se font une idée assez inexacte
de ce qu’est réellement le modélisme et le considèrent simplement comme un
passe-temps agréable (quoique assez mystérieux) réservé aux enfants, ou tout au
plus aux adolescents ; le modélisme est pourtant bien autre chose que
cela ...
Dès l’apparition dans le ciel des premiers avions construits
par les hommes pour les emporter dans les airs, les enfants de ces hommes, avec
leur sens inné de l’imitation, voulurent faire en petit ce que leurs pères faisaient
en grand et ils se mirent donc, eux aussi, à construire leurs petits avions.
Quel est celui qui ne se souvient d’avoir, étant gosse, fabriqué tant bien que
mal, avec des moyens de fortune, de petits avions en bois, en papier surtout,
et qui volaient parfois admirablement bien ? ... Le modélisme
aéronautique était né et il allait faire son chemin. Où en est-il
maintenant !
En France, il est regrettable qu’il ne soit pas considéré
plus sérieusement et qu’il n’ait pas pris l’importante place qu’il occupe à
l’étranger.
En Amérique, en Angleterre, l’on compte plusieurs centaines
de milliers de modélistes de tous âges et de toutes conditions sociales, de
nombreuses revues y sont entièrement consacrées et une industrie puissante
fournit les matières premières et les pièces détachées aux modélistes. Des
compétitions très spectaculaires, patronnées par les grandes firmes d’aviation,
rassemblent le grand public et obtiennent un succès toujours plus grand. À
New-York, au cours de l’été dernier, un meeting de modèles réduits d’avions
réunit 150.000 spectateurs ... 2.000 petits appareils prirent l’air,
présentés par 1.700 concurrents ; les plus grandes firmes américaines de
construction aéronautique y avaient délégué leurs équipes à bord d’avions
géants ; les diverses compétitions étaient dotées de plusieurs millions de
francs. Le premier prix ne fut autre qu’un magnifique appareil de tourisme.
Les enseignements et la documentation fournis par les
travaux de tous ces modélistes sont très importants et les bureaux d’études des
grands constructeurs y ont très souvent recours.
D’autre part, beaucoup d’ingénieurs, qui occupent maintenant
des places de premier plan et qui conçoivent les meilleurs appareils actuels,
étaient des modélistes et restent très souvent des modélistes fervents. Le
modélisme est un champ d’expériences merveilleux ; le premier autogyre de
l’ingénieur La Cierva fut un modèle réduit et certains moto-modèles réalisent
des performances qui sont meilleures que celles des avions grandeur.
Du côté moteur, la place du micro-moteur n’en est pas moins
brillante. Sait-on, par exemple, que de petits moteurs à explosion de 2 à 10 centimètres
cubes ont un rendement souvent supérieur à nos meilleurs moteurs d’automobiles
et qu’ils arrivent à donner 40 CV au litre de cylindrée, tout comme nos
moteurs d’aviation les plus poussés ? Sait-on que ces petits moteurs,
construits par des modélistes, sont aussi — et les Français sont en tête
de ce domaine — souvent des moteurs à auto-allumage (Diesel) et qu’ils
fonctionnent admirablement bien ? La propulsion à réaction n’a même plus
de secrets pour certains modélistes, et quelques modèles réduits ont volé
récemment propulsés par des réacteurs.
Le grand public ignore tout cela en France et c’est dommage.
Il faut, dès maintenant, multiplier les concours de modèles réduits et y
intéresser le plus de monde possible ; lorsque quelques belles
performances y sont réalisées, c’est plus captivant que n’importe quel autre
spectacle. Il est rare qu’un spectateur occasionnel d’une de ces compétitions
n’en revienne considérablement et agréablement surpris. Il faut aussi, pour
donner au modélisme français la place qu’il mérite, que les parents orientent,
ou du moins laissent leurs enfants aller vers ce dernier, ils n’y perdront pas
leur temps, bien au contraire ; c’est une école de patience et de goût qui
leur servira dans la vie, et puis, demain comme hier, ce sont des rangs de nos
modélistes que sortiront nos meilleurs techniciens, nos meilleurs
constructeurs.
Maurice DESSAGNE.
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