S’il est intéressant de connaître les diverses montures
décrites le mois dernier, c’est afin de pouvoir les utiliser pratiquement et à
bon escient.
Généralement les pêcheurs au ver s’intéressant surtout à la
truite, nous commencerons par essayer de prendre ce beau poisson.
Toutes les fois que la rivière roulera une eau trouble, la pêche
au ver sera seule praticable et efficace, en employant les montures simples des
figures 1 et 2, plombées juste en tête (1). Inutile de mettre un
flotteur, mais, si l’eau n’est pas trop rapide, il n’y aura aucun inconvénient
à en utiliser un.
À l’aide d’une canne mi-rigide et légère, portant une soie
plus courte qu’elle, terminée par un nylon de 50 centimètres, de diamètre
2/100 environ, posez votre ver en amont de vous et laissez-le descendre le long
du bord en le soutenant, canne haute, pour éviter son accrochage dans le fond
et contrôler sa marche. Au moindre arrêt, un petit mouvement de la canne en
hauteur, sans brusquerie, vous en indiquera la cause, pierre, branche ou ...
truite. Si vous sentez le moindre frémissement, n’hésitez pas, accentuez le
ferrage, vous avez accroché une truite.
Généralement, le poisson trahit sa présence par deux
« toc-toc », bien caractéristiques pour les initiés ; attendez
quelques secondes et ferrez sans violence.
N’arrachez pas votre victime à bout de bras et ne lui faites
pas décrire une courbe aérienne qui la projettera dans l’arbre voisin ou dans
le pré, derrière vous. Je n’exagère rien et je suis certain que quelques
lecteurs se reconnaîtront dans cette manière de faire ...
D’ailleurs, si la truite est assez grosse, le claquement sec
de votre nylon vous convaincra de la sottise de votre geste intempestif. J’ai
entendu souvent dire aux novices : « C’est plus fort que moi, quand
je sens que la truite mord, je l’arrache rapidement de l’eau. » Enfin vous
voilà prévenus !
Vous n’avez rien senti près du bord ? Essayez, de la
même façon, plus au large, encore plus loin, à bout de fil et opérez ainsi en
prospectant la rivière d’aval en amont. Je sais bien que certains pêcheurs
opèrent à la descente, mais je ne le conseille pas.
Dans les trous profonds et sans courant, posez votre ver un
peu partout, ne laissez pas de place inexplorée, car, dans ces endroits, la
truite rôde de tous côtés ; sous une chute, c’est à la sortie du trou que
se tient le poisson, sur le glacis de dévers, par où passent les petits
poissons assommés dans leur culbute.
C’est dans un tel lieu à la sortie d’un barrage sur la Loue,
en Jura, dans 10 centimètres d’eau, que j’ai capturé une énorme truite au
vairon mort.
Revenons à notre courant :
Avec la monture « Steward », vous pouvez pêcher plus
au large, sur fond propre et régulier, où le gros ver roule à son gré ; au
moindre arrêt, ferrer très légèrement pour vous rendre compte de la
cause ; vous accentuerez le ferrage si c’est une truite qui a arrêté le
voyage du ver.
L’emploi des montures précédentes peut aussi se concevoir en
pêchant au large, mais le ferrage sera moins sûr, et le gros ver restera moins
longtemps en position convenable sur un hameçon que sur trois.
Nous avons parlé d’une eau trouble et d’un ver volumineux,
mais, en diminuant la grosseur de ce dernier, nous pouvons opérer de la même
façon en eau claire.
Il m’arrive de pêcher, avec ma canne à mouche et un petit
ver en caoutchouc rouge, que je manœuvre comme une mouche noyée, et je réussis
parfois des pêches convenables en tous genres de poissons. C’est une méthode
agréable pour qui sait se servir d’une canne à mouche.
Un moulinet à tambour fixe vous permettra d’arriver au même
résultat, mais votre ver devra être d’un certain poids pour pouvoir être
lancé ; le nylon sera obligatoirement d’un faible diamètre : 13 à
15/100. Il faut cependant que je vous mette en garde contre un inconvénient de
ce procédé : comme vous n’avez pas de flotteur, le contrôle de la marche
du ver est impossible, et il va s’accrocher à tous moments, si vous pêchez
d’amont en aval.
Aussi, je vous conseille d’employer un léger bouchon dans
cette pêche à longue distance. Vous le réglerez sur la profondeur la plus
petite de la rivière, si vous la connaissez, sinon à 50 centimètres dans
une rivière moyenne.
Certes, il serait bien préférable que le ver roulât sur le
fond, mais on ne peut pas tout concilier. Quant à connaître l’état du lit de la
rivière, un pélagoscope serait de rigueur, et je doute fort que beaucoup de
pêcheurs s’en encombrent ...
Je ne connais qu’un seul procédé parfait de pêche au ver à
longue distance, c’est à l’aide d’un ver en caoutchouc bourré de grains de
liège et suffisamment lourd, destiné à évoluer sur les longues chevelures
d’herbes aquatiques, vrais nids à truites, ou dans les cours d’eau de faible
profondeur, par eau claire évidemment.
Notez bien que je parle toujours par expérience et que je ne
préconise rien qui n’ait été soumis à une vérification probante.
En été, par eaux basses, très basses même, dans les cours
d’eau à gros blocs de pierre, une méthode particulière permet de sortir
quelques truites imprenables de toute autre façon, mais il faut être
patient : elle consiste à poser le ver (montures 1 et 2 plombées ou non)
tout autour des grosses pierres immergées et non ensablées, le long des trous,
des cavernes, susceptibles d’abriter une belle pièce, et de le laisser quelques
instants sur le fond, soie tendue. La truite n’hésitera pas à saisir
l’imprudent qui vient rôder devant sa cachette, surtout qu’à cette époque elle
reste toute une journée sans manger, ne sortant qu’à la nuit.
Il va falloir sortir votre prise de l’eau, et ce ne sera
souvent pas commode : aussitôt qu’elle s’est emparée du ver, la truite a
réintégré son abri, parfois tortueux ; inclinez la canne, tirez
obliquement, afin d’éviter le frottement du nylon sur le rebord de la pierre,
si vous le teniez à la verticale ; mais, de toute façon, ne brusquez rien.
C’est un moment bien palpitant de sentir cette résistance animée sous la
pierre ; on ignore le poids du poisson tant qu’il n’est pas en pleine eau.
Délaissons maintenant la truite pour les autres gros
poissons : carpes, barbeaux, etc. Ils se pèchent exclusivement à fond, sur
les montures 1 et 2, plombées fortement sur le bas de ligne, selon la méthode
de la pêche à la calée. Les gros vers à tête noire sont excellents ; bien
les faire remonter sur le bas de ligne dans la monture no 1.
Pour l’anguille, c’est au cordeau de fond, la nuit, ou en plein jour par eau
très trouble, que vous la prendrez au gros ver, sur un gros hameçon, avec une
monture quelconque.
Les espèces moins importantes : goujons, tanches,
brèmes, etc., se pêchent au petit ver rouge ou rose, sur hameçons nos 14
ou 15 (monture 1, sans crins d’arrêt), au bout d’un nylon très, très
fin ; un léger flotteur est utile, pour maintenir l’appât à hauteur voulue
pour la brème, les deux autres poissons se pêchant sur le fond.
Enfin venons-en à l’emploi de la monture à ver avec hélice.
Vous vous servirez d’une longue canne ou d’une canne à
lancer léger, pour pêcher au large en pleine eau vive ; vous tâchez de
faire descendre le ver moins vite que le courant pour obliger l’hélice à
tourner ; vous donnez même quelques coups de manivelle- pour faire
remonter l’appât, puis vous le laissez redescendre ou, si vous préférez,
faites-le descendre par saccades. Si vous ne sentez pas de touche, laissez
décrire à la monture un vaste arc de cercle dont vous êtes le centre : c’est
le même mouvement que pour la pêche à la mouche noyée en descendant.
Enfin, agissez toujours de façon que l’hélice tourne, soit à
l’aide du courant, soit grâce à la récupération. Ramenez lentement près de
votre bord pour terminer.
Nous dirons que la pêche au ver peut s’exercer en tout
temps, mais que, par une journée tiède et pluvieuse du début de la saison, elle
est particulièrement efficace.
Marcel LAPOURRÉ.
(1) Voir Le Chasseur Français de mars 1949.
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