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Le vol à voile

Le vol à voile, sport sans rival !

C’est le slogan d’une affiche diffusée par le service des sports aériens ... Certes, pour le profane, pour le passionné d’un autre sport, il peut apparaître prétentieux, et pourtant combien il me semble justifié ! Il suffirait d’ailleurs, pour s’en convaincre, d’interroger un de ces jeunes gens, un de ces pilotes qui ont touché le manche à balai et qui ont volé à bord d’un planeur. Le vol à voile, c’est la possibilité offerte à l’homme de voler sans l’appoint d’une puissance mécanique, de voler en utilisant uniquement les forces naturelles propres à notre planète ... C’est la source de joies extraordinairement puissantes et incomparables.

Nous voici tout près des hangars d’un centre de vol à voile, l’aube pointe, une équipe de jeunes gens, de quelques jeunes filles, est déjà là et s’affaire, les moteurs des treuils de lancement ronronnent, les câbles sont déroulés et les grands oiseaux silencieux installés face à la brise ; si le temps veut se mettre de la partie, c’est une délicieuse journée qui débute.

Point de moteur, point de roues sur ces délicats et dociles appareils, mais des ailes immenses, un fuselage et une cabine aux formes aérodynamiques particulièrement affinées, tout ayant été l’objet d’une construction excessivement légère et possédant un coefficient de sécurité élevé.

Avec le soleil qui déboule derrière la colline voisine, voici le premier « lancer ». Là-bas, vers le fond de la piste d’envol, un moniteur et un élève sont installés aux commandes d’un planeur, le câble y est accroché. Signaux réglementaires ... le moteur du treuil vrombit, le câble se tend et s’enroule sur son tambour, rapidement le planeur glisse sur son patin et voici que déjà il a décollé et qu’il grimpe allègrement :

20, 50, 100, 150 mètres de hauteur, encore quelques secondes de traction et il serait à la perpendiculaire du treuil ... Mais le dispositif de largage a joué, lourdement le câble retombe au sol, tandis qu’avec une grâce incomparable, dans un léger sifflement, le planeur amorce son premier virage, essayant d’ « accrocher » l’ascendance ou le courant thermique qui le « pompera », peut-être lentement, peut-être beaucoup plus vigoureusement, lui faisant gagner ainsi une altitude précieuse.

Hélas ! ces ascendances, ces courants thermiques ne sont pas aussi nombreux que nos pilotes le désireraient ; sur de nombreux centres locaux, le vol est ainsi singulièrement écourté, deux, trois, quatre, cinq minutes sont les temps de vol les plus courants enregistrés dans beaucoup de centres. C’est peu, direz-vous ! Mais, lorsque vous aurez contemplé le visage illuminé de joie du pilote qui cède la place à son camarade, vous comprendrez que c’est déjà beaucoup.

Un jour le temps sera plus propice, un cumulus ou un cumulo-nimbus « pomperont » formidablement, et ce sera enfin la joie sans mélange, la performance réalisée : une, deux, trois, cinq, sept heures de vol peut-être, en imitant les orbes délicates de la buse ou de l’aigle.

Après des prospections méthodiques, plusieurs régions particulièrement favorables au vol à voile ont été découvertes en France. Des centres nationaux y ont été créés et spécialement aménagés : La Montagne-Noire, Saint-Auban-sur-Durance, Challes-les-Eaux sont les plus célèbres ; pendant la belle saison, c’est la ruée des meilleurs pilotes français, délégués par leurs clubs, c’est aussi l’afflux des pilotes anglais, espagnols, égyptiens vers ces centres, et leur activité est immense. C’est à Challes-les-Eaux, l’an dernier, qu’il m’a été donné d’assister à des performances incomparables. Près de vingt planeurs évoluant ensemble, entre 1.000 et 1.500 mètres d’altitude, autour du mont Saint-Michel, face au célèbre Granier. Pendant des heures, ces planeurs évoluèrent majestueusement, tels des aigles royaux ... Spectacle grandiose et inoubliable !

Oh ! certes, il n’est pas donné à tous, et tout de suite, la possibilité de participer à un pareil « carrousel ». Le vol à voile, c’est l’école de la patience, de la volonté, de l’esprit d’équipe, et c’est en y fortifiant ces qualités que chaque « vélivole » pourra y participer un jour.

Maurice DESSAGNE

Le Chasseur Français N°626 Avril 1949 Page 406