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Le camping

Mode de vie nouvelle.

Tous nos lecteurs n’ont pas été, depuis plusieurs années, sans remarquer un nombre toujours croissant de campeurs parcourir routes et chemins de France, et s’installer, le soir venu, dans un coin de prairie ou de bois.

À quels mobiles obéissent ces adeptes du plein air ? Que recherchent-ils, ainsi, au sein de la Nature ?

C’est ce que nous avons demandé à Jacques-J. Bousquet qui, en dehors de sa fonction de président du Camping-Club de France, vient d’être élu, en 1948, président de la Fédération internationale des Clubs de Camping.

ORSQUE, il y a vingt ans, j’ai commencé à faire du camping, au milieu de bons camarades, qui, tous, à l’heure actuelle, font figure de pionniers, c’était, déjà, un sentiment d’évasion qui m’avait poussé à rechercher la solitude des bois et des prés. Mais j’étais loin de m’attendre à ce que le camping connût une telle vogue, exprimât un tel besoin pour les nouvelles générations. L’extension énorme qu’il a pris, surtout depuis 1936, le nombre immense et toujours plus important de ses pratiquants en font un des aspects nouveaux de notre civilisation surindustrialisée ...

L’homme des villes a, de plus en plus, besoin de s’évader hors des horizons bornés et enfumés de la cité pour retrouver, au sein de la Nature, l’air pur, la liberté et la beauté ... Ce n’est plus un engouement passager, mais une véritable nécessité ; c’est un nouveau mode de vie qui s’est ainsi, peu à peu, créé ...

Que recherchent, au juste, tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ces jeunes gens, qui, tant au cours des week-ends que de leurs vacances, abandonnent, le cœur plein de joie, leur habitation habituelle et leur confort, pour pratiquer la vie plus rude et plus saine du campeur ?

Si tous recherchent, dans le camping, ce besoin d’évasion et même de réaction contre une vie trop mécanisée, tous n’y viennent pas poussés par les mêmes sentiments.

Les uns viennent y chercher, simplement, les joies du plein air, respirer à pleins poumons l’air tonique de nos montagnes et de nos forêts, se retrouver entre vieux amis loin des contingences de la vie courante, se reposer d’une semaine passée à l’atelier ou au bureau, entre quatre murs ...

Certains — et ils sont de plus en plus nombreux — voient dans le camping un mode bon marché de tourisme. Le budget familial est très souvent trop modeste pour permettre des vacances ordinaires, en villa ou à l’hôtel ... Le camping permet, à ceux-là, d’attendre des temps meilleurs et met à leur portée des vacances possibles en montagne ou à la mer ...

Sont-ce là les buts que doit rechercher un vrai campeur ? Non, à mon sens ! Ceux qui se sentent attirés par le plein air, uniquement pour une question d’économie ou d’attrait vers une vie plus libre, « font du camping », mais ne sont pas forcément des « campeurs » au sens que nous attachons à ce mot.

Être campeur, c’est avoir l’esprit campeur ..., comme être bourgeois, c’est avoir l’esprit bourgeois. Cela ne dépend pas de la situation du pratiquant, de sa classe sociale, de son éducation, mais de l’esprit dans lequel il pratique le camping.

Il y a des campeurs automobilistes pourvus d’un matériel impeccable qui ne seront jamais des « campeurs », et il y a des petits gars au matériel hétéroclite et fabriqué aux moindres frais qui sont de vrais et purs campeurs.

Que recherchent donc, dans le camping, ceux que l’on baptise de cette épithète de « vrais campeurs » ?

C’est toute une série de joies plus hautes que celles que je viens de citer. Tout d’abord, la joie de l’aventure et de la découverte qui pousse le campeur à abandonner les chemins battus pour aller, peu à peu, plus loin, rechercher le coin le plus sauvage, le pays le moins connu, le moins fréquenté. Et, si, dans notre beau pays de France, il reste de ces coins isolés, s’il est ridicule de parler d’aventure, il y a néanmoins des coins perdus où l’homme se bat encore contre la nature adverse, bords de mer sauvages ou coins de montagnes reculés ... Et la joie de l’exploration peut, alors, s’ajouter à celle de l’aventure, surtout pour un alpiniste faisant un sommet par une voie nouvelle, ou pour le spéléologue qui, lui, « explore » vraiment un nouveau gouffre vierge ...

Un autre plaisir est la joie de l’effort surmonté. Celle-ci, comme les précédentes, est l’apanage du campeur itinérant ; et qui d’entre nous n’a pas ressenti une fois cette fierté d’avoir triomphé de la fatigue, du coup de pompe, et d’être arrivé au but fixé ?

Mais il n’y a pas que des sportifs, parmi les campeurs ; à ces derniers comme aux autres, il est une autre joie que la nature accorde à qui sait voir, celle de la beauté : beauté des formes et des lignes, des couleurs et des valeurs, beauté des ensembles, harmonie des paysages, beauté des œuvres humaines rencontrées au hasard de la route.

Un campeur n’est jamais blasé, car jamais la nature ne se répète. Et le même paysage, contemplé, en hiver, sous le givre étincelant, ne procurera pas la même impression lorsqu’on le reverra, à nouveau, sous les rayons brûlants d’un soleil de juin, dans le bourdonnement des insectes butinant chaque fleur.

Leçon de choses passionnante où se mêlent des questions botaniques, de zoologie, de géologie, de géographie physique et humaine, d’ethnographie, de préhistoire, d’archéologie, etc. ... Voilà ce que représente le camping pour le « campeur ».

Ajoutons-y, également, l’attrait de toutes les questions folkloriques et humaines, et enfin, sur un autre plan, le charme de se trouver en pleine communion d’idées avec d’autres équipiers.

Et je ne voudrais pas terminer cet article sans indiquer aux lecteurs du Chasseur Français un autre aspect du camping ... Certains de mes camarades, des chasseurs et des pêcheurs, se sont trouvés fort bien de pratiquer ces deux sports en campant ... L’avantage primordial est de se trouver, dès l’aube, sur les lieux de chasse ou de pêche, et de pouvoir, dans la Nature, surprendre la vie des animaux sauvages, traces, habitats, etc. ... Certes, ce n’est pas dans notre pays, très peuplé, une nécessité absolue comme dans l’Empire français, mais c’est une manière de faire du plein air intégral et d’allier la joie de la veillée au camp au plaisir de la chasse et de la pêche.

Nous avons examiné quelques-unes des raisons qui poussent bon nombre de nos contemporains vers le camping. Dans un prochain article, nous donnerons quelques renseignements sur le matériel nécessaire pour le pratiquer dans de bonnes conditions.

Jacques-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

Le Chasseur Français N°626 Avril 1949 Page 408