Des essais sensationnels sur la résistance du corps humain à
la chaleur viennent d’être réalisés en Amérique, par le Dr Craig
Taylor, de l’Université de Los Angeles. Son but était d’examiner le
comportement de l’homme dans les avions à réaction volant à des vitesses
supersoniques.
L’élévation de la température des cabines, par rapport à la
température extérieure, est en effet considérable :
— 33° à 900 kilomètres à l’heure ;
— 66° à 1.200 kilomètres à l’heure ;
— 99° à 1.600 kilomètres à l’heure.
Il est donc intéressant de savoir combien de temps le
personnel pourrait continuer à voler, si les appareils de réfrigération, placés
à bord de l’avion, venaient à être détériorés.
Plus de peur que de mal !
— S’il faut en croire le Dr Taylor, la peur
de la chaleur, éprouvée par la plupart des êtres humains, est plus
mentale que physique. Depuis la préhistoire, l’homme a peur du feu ;
l’homme moderne craint la chaleur parce qu’il ne sait pas du tout à quel moment
celle-ci devient mortelle.
« Il est plus que probable, affirme le D’ Taylor, que,
lorsqu’on connaîtra la tolérance du corps humain aux hautes températures. Armée
et Marine feront subir à leurs pilotes un entraînement à la chaleur.
Déjà, pour les expéditions dans les régions arctiques, les hommes avaient reçu,
au cours de la guerre, un entraînement spécial au froid. Aux vitesses
supersoniques, l’habitude du chaud sera également capitale. »
On se représente généralement sous des couleurs tragiques le
sort d’un corps humain soumis à des températures supérieures à celle de l’eau
bouillante, on imagine la peau du visage et des mains brûlée, les yeux
desséchés, les poumons érailles, le sang porté à l’ébullition !
Ce « tableau clinique » sinistre est heureusement
inexact. On est surpris de voir qu’aucune de ces calamités ne frappe le patient
exposé à une température de 121°, tout au moins durant le premier quart
d’heure. On avait déjà vu les soldats américains originaires des régions
froides du Colorado supporter gaillardement les températures de la jungle, de
Nouvelle-Guinée ou du désert d’Arabie et, à la longue, « oublier leur
confort » (toujours l’aspect mental) ; il en est de même pour les
sujets soumis à la « chambre chaude ».
La « chambre Chaude ».
— Ceux-ci savent parfaitement ce qui les attend et
quelles températures leurs prédécesseurs ont pu supporter. Bien assurés de
n’être pas brûlés, ils débutent par une température de 38°, à peine supérieure
à celle d’un jour d’été. On élève ensuite cette température à 60°, ce qui correspond
à un midi d’été en Égypte ; au-cours des exercices suivants, on atteint
80°, puis 104° et enfin 127°. Après chaque épreuve, les sujets se révèlent plus
aptes à supporter la chaleur ; le corps apprend à résister au chaud,
de même que, chez les alpinistes ou les explorateurs polaires, il apprend à
résister au froid.
La chambre chaude utilisée par le Dr Taylor
est constituée par un cylindre de 1m,50 de diamètre, avec une
circulation d’air chaud de 2 mètres cubes par minute. Huit « thermo-couples »
(thermomètres électriques de petite dimension) étaient fixés au bras, aux
jambes, au corps, et introduits dans le nez et la bouche du patient, qui
communiquait ses impressions par téléphone.
Impression d’un homme « au four ».
— Voici les principaux résultats. Rien de grave ne se
produit pendant le premier quart d’heure, avec une température de l’air de
121°. Le corps lutte pour s’entourer d’une enveloppe froide d’air ; la
chambre se trouvant à 128°, les thermocouples indiquent en effet les
températures suivantes :
Tête : 38 ,5. |
Abdomen : 37°,6. |
Poitrine : 38°,5. |
Bras : 37°,6. |
Dos : 39°. |
Mollets :
40 ,5. |
La température centrale ne dépasse pas 38°. L’œil, qui
semble particulièrement fragile à la chaleur, « s’arrange » pour ne
pas dépasser 41°,5, pour une température de la chambre égale à 82°.
En opérant à une température de 104°, on a constaté que l’air
aspiré ne dépassait pas une température de 88° derrière les lèvres et 60° à
l’arrière-bouche ; la température était de 40° à l’expiration.
Les parties du corps les plus sensibles au froid : bout
du nez, oreilles, doigts, qui « gèlent » les premières lors des
expéditions dans les régions froides, sont également les plus sensibles à la
chaleur.
Il est nettement possible de respirer quelque temps, sans
dommage, à des températures excessives. La transpiration est abondante ;
c’est elle qui sauve l’homme. Elle augmente avec la température ; la perte
de poids par heure est de 145 grammes à 38° et de 2.125 grammes à 104°. Le
pouls atteint 132 pulsations par minute à 104°.
Le sujet retrouve son état normal assez rapidement à la
sortie de la chambre ; une sensation de fatigue persiste toutefois durant
vingt-quatre heures environ. Le Dr Taylor compte poursuivre ses
essais jusqu’à 150°, peut-être même davantage, car il a recueilli la
déclaration d’un Allemand qui affirme avoir supporté, durant trois minutes
— étant porteur d’épais vêtements — la température fantastique de
230° C.
Pierre DEVAUX.
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