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Causerie juridique

Locations de chasse

Personne n’ignore ce qu’est une location de chasse ni quelle est, en substance, la portée de ce contrat. On n’en rencontre pas moins, dans la pratique, d’assez nombreuses difficultés naissant de son application ; le cas se présente surtout quand il s’agit de déterminer les limites exactes des droits conférés par un tel contrat ; et nous sommes bien souvent appelés à fournir à cet égard des renseignements aux lecteurs de cette revue.

Dans son principe, une location de chasse a pour objet essentiel de conférer à une personne le droit de chasser sur la propriété d’une autre personne, moyennant le paiement périodique d’une certaine somme, qui constitue le loyer. Le bénéficiaire de la location obtient ainsi le droit de chasser sur les terres faisant l’objet de celle-ci ; mais la première question susceptible de se poser consiste à savoir quels sont les moyens qu’il se trouve autorisé à employer pour s’emparer du gibier ; en d’autres termes, quel mode de chasse lui est concédé ; il faut, en second lieu, savoir si le droit de chasser n’est accordé qu’au locataire, personnellement, ou s’il lui est permis d’y faire participer tous ceux qu’il lui plaira, soit gratuitement, soit moyennant payement d’une rétribution.

Ce sont là des points qui sont, le plus souvent, réglés par les clauses du bail de chasse ; auquel cas c’est le bail qui répond aux questions posées. Mais si le bail est muet sur ces points, la difficulté soulevée se règle d’après les usages le plus ordinairement suivis.

Sans vouloir entrer ici dans des explications détaillées sur ces questions qui sont bien connues, il suffira de préciser qu’en principe, et à défaut de précision dans le bail, le locataire de la chasse peut pratiquer la chasse à tir dans les conditions où peut le faire tout propriétaire sur les terres qui lui appartiennent, et qu’à défaut de stipulation le lui interdisant formellement il peut faire participer tous ceux qu’il voudra au droit qui lui est conféré par le bail.

Nous nous arrêterons plus longuement sur une question à l’occasion de laquelle nous avons été récemment consulté.

Un propriétaire ayant loué la chasse sur sa propriété désirait savoir si le locataire de la chasse avait le droit de passer en action de chasse et accompagné de ses chiens sur des parcelles que le propriétaire avait fait entourer de grillages et où il mettait à pâturer des moutons ou autres bestiaux, alors que le bail de chasse ne contenait aucune réserve sur ce point.

À cet égard, il faut distinguer suivant que les grillages ont été installés avant la conclusion du bail de chasse ou seulement après cette conclusion ; il faut, en outre, se rappeler qu’il est admis sans discussion, et qu’il a été fréquemment jugé, que le propriétaire qui a loué la chasse sur ses terres ne peut rien faire qui soit de nature à gêner le locataire dans la pratique de la chasse, notamment qu’il ne peut faire établir des clôtures susceptibles d’entraver la circulation des chasseurs ou du gibier. Si donc les clôtures ont été mises en place postérieurement à la conclusion du bail de chasse, le locataire pourrait en exiger l’enlèvement ; s’il ne l’exige pas, mais franchit les grillages et laisse ses chiens en faire autant, le propriétaire ne peut se plaindre ; tout au plus pourrait-il le faire si des dommages étaient causés aux animaux parqués.

Si les grillages étaient en place au moment où a été conclu le bail de chasse, et si ce bail ne contient aucune réserve relativement aux parcelles clôturées, le locataire ne pourrait exiger l’enlèvement des grillages, car on doit présumer qu’il a traité en connaissance de cause et après avoir visité la propriété ; mais, d’autre part, le propriétaire ne peut interdire au locataire de chasser sur les parcelles clôturées ; pour pouvoir le faire, il aurait fallu qu’il fît mentionner dans le bail une réserve formelle quant à ces parcelles.

En ce qui concerne les dommages susceptibles d’être causés au bétail par l’exercice de la chasse, la question nous paraît se présenter ainsi qu’il suit. Pour que la responsabilité du locataire de la chasse soit engagée, il faut qu’il soit établi que ces dommages ont été la conséquence directe d’une faute commise par le locataire de la chasse. Et cette faute devrait être appréciée avec plus ou moins de sévérité, suivant que les animaux étaient déjà au pacage lors de la conclusion du bail ou qu’ils n’y ont été mis que postérieurement ; dans le second cas, le locataire pourrait même formuler des réserves au sujet des accidents susceptibles de survenir et soutenir que le propriétaire, en mettant son bétail aux champs, le faisait à ses risques et périls.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d’appel de Paris.

Le Chasseur Français N°627 Mai 1949 Page 436