La pratique de la haute montagne demande un certain
entraînement physique. Si quelques alpinistes ont un genre de vie et des moyens
athlétiques qui leur permettent d’aborder sans préparation des courses longues
et difficiles, ce n’est pas le cas général. La plupart des citadins qui
viennent passer quelques semaines d’été à la montagne doivent chaque années se réentraîner
et perdre une semaine de ces précieuses et courtes vacances à se réadapter aux
longues marches d’approche, à l’altitude, à des efforts physiques inhabituels.
Cette période de réadaptation pourra cependant être écourtée
et parfois supprimée si l’on a la possibilité de se maintenir « en
forme » par un minimum d’une sortie mensuelle de fin de semaine : les
sports alpins ne manquent pas pour cela.
Durant les premiers mois de l’année, les nombreuses stations
françaises de sports d’hiver, bien équipées de moyens de remontée mécaniques,
permettent de pratiquer le ski de piste. Avouons que, pendant longtemps, les
alpinistes ont dédaigné ce sport, qu’ils jugeaient indignes d’eux, jaloux au
fond du skieur qui, en quelques minutes de téléphérique, atteignait le but pour
lequel eux-mêmes avaient peiné autrefois pendant plusieurs heures. Évidemment,
le ski de piste, qui vous permet de descendre en une seule journée deux ou
trois fois la hauteur du mont Blanc, est un sport bien tentant qui risque fort
de donner des habitudes de paresse. Mais on se laisse convaincre en se
persuadant que l’hiver n’est pas une saison bien indiquée pour parcourir la
haute montagne hors des chemins battus ou damés.
Cette parenthèse fermée, le ski de piste est un entraînement
excellent au point de vue des jambes et du souffle ; il permet en outre au
skieur de montagne de perfectionner sa technique, ce qui lui est pratiquement
impossible au cours des randonnées alpines.
Au printemps, l’alpiniste parcourt les hauts sommets à skis.
L’entraînement change complètement : cette fois, il refait connaissance
avec les longues montées, lourdement chargé s’il veut allier les joies de
l’escalade aux plaisirs du ski de glacier : vivres, corde, crampons,
piolet, et parfois les skis par-dessus le marché, permettent de composer un sac
plus que confortable. Les départs sont difficiles : le souffle est court,
les jambes molles, on a l’impression d’être un poids mort et le but semble
inaccessible ; c’est dans ces moments que l’on rêve d’un séjour au bord de
la mer.
Mais tout cela ne constitue que la partie la plus facile de
l’entraînement, celle qui vous prépare aux longues randonnées en montagne, sans
difficultés techniques particulières. Pour pouvoir aborder les grandes courses
rocheuses, celui qui durant toute l’année mène une vie sédentaire devra
s’astreindre à faire au printemps un peu d’école d’escalade, sous peine de
payer ses premières courses de la saison de courbatures sévères ... ou
même d’échecs.
Les terrains d’écoles d’escalade sont nombreux en France, et
assez variés, tant par la hauteur que par la qualité du rocher. L’un des plus
anciennement pratiqués est celui des rochers de Fontainebleau, blocs de grès
lisse plus ou moins fissurés dont la hauteur moyenne n’atteint pas dix mètres
(quinze comme limite supérieure). Elle n’en est pas moins l’une des plus
célèbres écoles d’escalade de France, et c’est là que se sont formés les
meilleurs alpinistes de notre pays ; d’abord les premiers « sans
guide » d’après la guerre de 1914, Jacques de Lépiney, et ses amis,
fondateurs du Groupe de Haute Montagne ; quinze ans plus tard, les
vainqueurs de la face nord du Petit Dru, et encore aujourd’hui de nouvelles
générations de grimpeurs, qui repoussent chaque année un peu plus loin la
limite des possibilités humaines en escalade.
Si les Parisiens sont favorisés par la proximité des rochers
de « Bleau », les Dijonnais n’ont rien à leur envier, car les
falaises calcaires de trente à cinquante mètres sont nombreuses au voisinage de
leur ville, à proximité des crus les plus fameux de Bourgogne.
Lyon est moins bien servi et partage avec Saint-Étienne le
fief de Roche Corbière, haute et belle aiguille granitique aux nombreuses voies
difficiles. Les Lyonnais trouvent également, aux Moines de Torcieu et dans les
rochers d’Yzeron, d’autres terrains d’entraînement. Je laisse de côté Grenoble
ou Genève, si proches de la montagne que leurs terrains d’escalades, pour être
considérés comme facilement accessibles, doivent l’être par un tramway, comme
les Trois Pucelles ou le casque de Néron pour l’un, et les célèbres falaises du
Salève pour l’autre. Enfin le plus magnifique des terrains, dans le site le
plus admirable, est sans contestation possible celui des Marseillais. Entre
Marseille et Toulon, les Calanques offrent au grimpeur. face à la Méditerranée,
une variété extrême d’escalades de parois, d’arêtes, d’aiguilles calcaires
petites ou grandes où se trouvent tous les degrés de difficultés, de la simple
grimpée jusqu’aux passages de surplombs en artificiel.
Et, au terme d’une longue journée de varappe, quelle joie de
pouvoir se délasser par quelques instants de baignade avant de reprendre sac au
dos le chemin de la ville !
C’est à ces écoles d’escalade que la plupart des jeunes
prendront le goût de la montagne, guidés dans leurs premiers pas par leurs
aînés ; dans ce but, la plupart des sections du Club Alpin organisent de
fréquentes sorties collectives où les apprentis grimpeurs se familiarisent
rapidement avec les finesses de la technique alpine, se préparant ainsi à
affronter avec plus de sûreté les difficultés que leur réserve la montagne.
Pierre CHEVALIER.
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