Pour être potable, une eau doit être fraîche, aérée,
limpide, inodore, exempte de matières organiques et ne tenir que peu de
matières minérales. Ces qualités ne sont pas toujours faciles à réunir, et trop
souvent l’eau dont on dispose à la ferme ne répond pas à ces conditions.
Il ne saurait être question d’utiliser pour l’alimentation
humaine les eaux de mares, qui sont réservées à l’abreuvement des animaux. Il y
aurait cependant là bien des réserves à faire, et on ne saurait recommander
pour eux ce qui est strictement proscrit pour nous. Même pour le bétail, la
mare n’est qu’un pis aller.
Les citernes auxquelles on est obligé de recourir dans
maintes régions ne sont pas non plus un idéal. Tout au moins leur
demandera-t-on de répondre à un certain nombre de conditions : elles
seront rigoureusement étanches, non pas tant pour éviter les déperditions que
pour empêcher les infiltrations des eaux de ruissellement. Pour faciliter le
nettoyage, la maçonnerie intérieure ne présentera aucun angle vif ; bien entendu,
un trou d’homme permettra d’y pénétrer facilement. Si la disposition du terrain
le permet, on aménagera une bonde de vidange. Pour maintenir l’eau relativement
fraîche, on enterrera la citerne, qu’on recouvrira de 0m,50 de
terre.
On s’efforcera de n’y recueillir que de l’eau propre. Il
faudra, par conséquent, éliminer soigneusement les premières eaux qui viennent
de laver l’atmosphère chargée de poussières et les toitures. Il sera bon de
compléter cette précaution par l’installation d’un filtre à sable fin. Au bout
d’un certain temps, celui-ci s’encrassera et deviendra alors, si on n’y prend
garde, plus nuisible qu’utile. On renouvellera donc périodiquement le sable. La
prudence voudra même que l’eau provenant de la citerne soit filtrée à nouveau
quand elle sera destinée à servir de boisson.
Les eaux de source sont bien meilleures, à condition,
évidemment, que la source n’ait pas été polluée par la proximité d’un fumier,
d’un clos d’équarrissage ou d’un cimetière. Il faut également que les eaux qui
alimentent la source soient saines, ce qui n’est pas toujours le cas dans les
régions granitiques ou calcaires, où le terrain fissuré laisse passer les eaux
d’infiltration sans les filtrer. Là où elles sont appelées à traverser une
couche suffisamment épaisse de sable fin, la sécurité est bien plus grande et
les eaux généralement bonnes à consommer.
Il en va un peu de même des puits ; les puits
superficiels sont souvent souillés et leurs eaux suspectes. Les puits profonds
donnent des eaux fraîches bien plus agréables et surtout plus certainement
saines. Il sera cependant de précaution élémentaire de fermer le puits, non
seulement pour éviter les accidents, mais surtout pour éviter qu’il soit
souillé par négligence, maladresse ou sottise. On évitera de disposer le tas de
fumier à proximité, ou la fosse d’aisances. Bien des gens ont vécu jusqu’à un
âge fort avancé en négligeant ces élémentaires précautions, mais d’autres en
sont morts.
La distribution de l’eau.
— La corvée d’eau est un des plus rudes travaux de la
ferme. Elle est habituellement laissée aux femmes, voire aux enfants. Ce
travail, pénible en tous temps, l’est particulièrement en hiver, et sa rigueur
n’est pas étrangère à la désaffection de bien des jeunes filles pour la vie
rurale.
Au cours des manipulations qu’elle subit, l’eau risque
d’être souillée ; elle n’est même pas en abondance suffisante et on
comprend que les usagers en soient économes. Les règles les plus élémentaires
de l’hygiène voudraient cependant qu’il en fût autrement et qu’on pût l’utiliser
sans ménagement.
Dans bien des fermes, on voit encore tirer l’eau au puits
avec un seau tenu par un crochet de bois ou suspendu au bout d’une chaîne.
L’exercice n’est pas sans danger, et bien des fois le seau va au fond du puits.
Quelle mauvaise organisation ! Quel gaspillage de force et
d’énergie ! Un premier perfectionnement serait dans l’installation d’un
treuil avec manivelle, d’un maniement encore pénible cependant, et même
dangereux pour les enfants, qui risquent de lâcher la manivelle.
Pourquoi ne pas installer une pompe ? Peu de capitaux
seront placés à aussi formidable intérêt. Elle risque de geler ? Pour
éviter cet inconvénient, il suffit d’adopter un dispositif spécial qui vide le
corps de pompe sans la désamorcer. Et, pendant qu’on y est, pourquoi ne pas
mettre la pompe dans la maison au lieu de la placer dans la cour, juste
au-dessus du puits ? Cela fait quelques mètres de tuyaux de plus. C’est
bien peu de chose, et cela sera tellement plus commode !
Pourquoi même ne pas installer l’eau sous pression ? Un
bac, un petit moteur électrique, quelques dizaines de mètres de tuyaux,
quelques robinets, ce n’est pas tellement coûteux, et quelle facilité pour tous
les travaux, pour l’abreuvement des animaux. Quelle économie de peine ! Un
robinet à tourner, et l’eau coule abondante et propre. Tous ceux qui en ont
fait l’essai ont été convaincus et seraient consternés s’ils venaient à être
privés de cet élément primordial du confort. La grosse majorité des citadins en
jouit. Il faut souhaiter qu’il en soit bientôt de même dans toutes les
campagnes.
Les eaux usées.
— Si on amène l’eau à la ferme, cela pose le problème
de l’évacuation des eaux usées. Trop souvent celles-ci stagnent autour des
bâtiments, sous les fenêtres de la cuisine, ou croupissent dans quelque fossé
sans écoulement suffisant. Il existe des cuisines sans évier et des éviers sans
siphon ni tuyau de vidange. Ce n’est pas seulement incommode, c’est malsain, et
il ne faut pas s’étonner si, dans ces conditions, les mouches pullulent.
Certes, nous sommes, avec les insecticides récents, armés contre ces
insectes ; ce n’est pas une raison pour favoriser leur multiplication.
Tout évier, tout lavabo doit être muni d’un siphon et d’un tuyau de décharge
assez large et assez long pour emmener au loin les eaux usées, dans un égout ou
un terrain perméable qui les absorbera.
Il est peu de problèmes plus urgents à résoudre que celui de
l’eau potable à la ferme. Il conditionne toute la vie, l’hygiène et l’agrément.
Du manque de confort de trop d’habitations rurales, les jeunes se rendent
compte et, à juste titre, posent comme condition pour rester à la terre qu’ils
y puissent jouir d’un minimum d’aisance, et dans ce minimum ils font figurer la
distribution d’eau. On ne saurait les en blâmer.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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