Comme les arbres fruitiers, la vigne doit subir la taille en
vert. Mais, si les premiers peuvent au besoin se passer de cette opération,
celle-ci est indispensable pour la vigne, dont certains cépages ont tendance à
prendre un développement exagéré.
La taille en vert de la vigne obéit à des règles que
l’opérateur doit connaître s’il ne veut pas compromettre la récolte des années
suivantes et désorganiser l’équilibre physiologique du cep.
Dans la taille en vert, on distingue les opérations
suivantes : l’ébourgeonnage, l’épamprage, l’écimage, le pincement,
l’incision annulaire, l’effeuillage.
Comme son nom l’indique, l’ébourgeonnage consiste à
supprimer tous les bourgeons inutiles, qui ne sont pas sur le bois de
taille ; sur ce dernier bois, on peut supprimer un ou deux bourgeons s’ils
sont trop nombreux.
Le travail se fait après le débourrement et doit être
exécuté, autant que possible, par celui qui a taillé la vigne et qui est le
seul juge, au cas où il faudrait laisser un ou des bourgeons pouvant servir à la
taille de l’année suivante.
Certains cépages, comme le terasse, demandent un
ébourgeonnage sévère.
L’épamprage se pratique sur les jeunes rameaux, dès
qu’ils ont atteint 5 à 10 centimètres de long.
Si des gelées sont à prévoir, l’épamprage est retardé, les
jeunes sarments sont alors plus longs et on les coupe aussi près que possible
du bois.
Au cas où le bois de taille porterait un nombre insuffisant
de pousses, il serait bon de laisser quelques sarments fructifères bien
placés ; on appelle ces derniers « tire-sève ».
Lorsque la végétation est vigoureuse et l’épamprage
important, il est recommandé d’opérer la suppression en plusieurs fois pour ne
pas fatiguer la souche et permettre un équilibre entre l’apport de la sève et
la partie herbacée.
L’écimage consiste à supprimer le sommet des jeunes
rameaux, il se fait avec l’ongle, quand les pousses n’ont pas plus de 20
centimètres de long, opération qui prend le nom de pincement.
Après la véraison, on supprime une partie plus ou moins
longue de l’extrémité des sarments ; ce dernier travail, qui se fait à
l’aide d’un outil, s’appelle quelquefois rognage.
Dans les tailles, comme celle de Guyot, il faut faire
attention de ne pas écimer trop sévèrement les sarments émis par le courson
devant servir à la taille de l’année suivante.
L’écimage régularise la végétation, assure aux sarments un
développement plus vigoureux et permet de préparer les futurs bois de taille.
Les pousses émises par les sarments écimés seront
elles-mêmes pincées.
Le vieux proverbe « le bois mange le raisin » a
été confirmé scientifiquement. Il y a longtemps que les chimistes
physiologistes ont établi que, si le raisin demandait peu d’éléments nutritifs,
par contre la partie bois et feuillue en exigeait beaucoup.
L’écimage pratiqué avant la fleur a d’heureux résultats sur
la fécondation, en diminuant la coulure.
L’écimage qui laisse seulement 8 à 10 feuilles
au-dessus de la grappe donne des raisins plus riches en sucre.
Les raisins de table sont en général écimés plus sévèrement,
on ne leur laisse quelquefois que 5 feuilles au-dessus de la grappe.
De plus, on a observé que le rognage court de 4 à 5 feuilles
donne de grosses grappes, mais dont la maturation n’est pas toujours complète,
tandis que les pousses d’abord écimées courtes, puis rognées plus tard à 10 feuilles
au-dessus de la grappe, donnaient des raisins venus à maturité.
Nous avons, pour une question d’opportunité, décrit l’incision
annulaire dans le numéro de mars de la présente publication ; nous
n’avons rien à y ajouter.
L’effeuillage consiste, comme son nom l’indique, à
supprimer progressivement les feuilles après la véraison, lorsque les grains ne
redoutent plus le grillage, dans les régions aux expositions peu ensoleillées
par exemple. Cette pratique amène une meilleure aération de la grappe, une
bonne insolation et permet de dorer les raisins blancs, en particulier le
chasselas.
L’effeuillage diminue l’acidité de la grappe et, par voie de
compensation, en augmente la teneur en sucre.
Enfin, on comprend quelquefois, dans la taille en vert de la
vigne, l’évrillage, qui permet de supprimer les vrilles trop nombreuses
ou trop développées, et le ciselage, opération qui consiste à retirer de
la grappe, à l’aide d’une paire de ciseaux, les raisins malades ou mal formés.
Ce travail est en général réservé pour l’obtention des
raisins de table et de certains vins fins.
De ce qui précède, nous constatons que la taille en vert,
ajoutée aux autres travaux : façons culturales, lutte contre les
parasites, etc., demande pour la vigne un grand effort et des soins constants,
donnant une récolte qui peut être détruite ou amoindrie par les conditions
atmosphériques défavorables.
Malheureusement, cet aléa existe aussi pour toute autre
production agricole.
Nous connaissons une petite exploitation de polyculture où
on consacre un jour par semaine, et toujours le même, au vignoble.
C’est peut-être la bonne formule.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
|