Une loi du 31 décembre 1948 a institué une nouvelle
prorogation conditionnelle pour les preneurs de baux de locaux ou d’immeubles à
usage commercial, industriel ou artisanal.
Pour bien comprendre la portée de cette mesure, il importe
de rappeler la législation des trois dernières années à ce sujet.
Législation antérieure.
Loi du 18 avril 1946.
— Cette loi avait déjà établi une prorogation de plein
droit jusqu’au 1er janvier 1948 pour les baux industriels,
commerciaux ou artisanaux.
Elle s’appliquait aux preneurs dont les baux échus depuis le
1er septembre 1939, encore en cours au moment du vote de la
loi, n’avaient pas été renouvelés à cette date du 18 avril 1946.
Cette prorogation ne faisait cependant pas obstacle au droit
de reprise du propriétaire qui voulait habiter lui-même les lieux ou les faire
habiter par son conjoint, ses ascendants ou ses descendants.
Elle ne comportait pas de révision du prix du bail pendant
la période comprise entre la fin du bail et le 1er janvier
1948, à moins que cette possibilité de révision ne résulte déjà soit d’une
clause du contrat lui-même, soit de dispositions législatives.
Les preneurs, qui n’avaient pas fait en temps voulu la
demande en renouvellement du bail et qui se trouvaient ainsi forclos, voyaient
s’ouvrir un nouveau délai pour formuler cette demande.
Enfin, les preneurs qui avaient déjà fait leur demande de
renouvellement, sans que le bail ait été encore renouvelé, devaient la refaire,
s’il y avait lieu, par suite de cette prorogation, pour qu’elle intervienne
dans le délai imparti par la loi, c’est-à-dire deux ans au plus tôt et six mois
au plus tard avant la fin du bail expiré ou prorogé.
Loi du 3 septembre 1947.
— Cette loi a institué deux sortes de prorogations.
Tout d’abord elle a reporté du 1er janvier
1948 au 1er janvier 1949 la fin de la prorogation de plein
droit qui avait été établie par la loi du 18 avril 1946.
Cette nouvelle prorogation jouait pour tous les baux en
cours au 3 septembre 1948 et non renouvelés, qui devaient venir à échéance
avant le 1er janvier 1949.
La seconde prorogation, qui est encore appliquée puisqu’elle
va jusqu’au 1er janvier 1951, bénéficie de plein droit aux
preneurs de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal qui, par suite
de faits de guerre directs ou indirects, n’ont pu exploiter ou faire exploiter
leur fond à leur profit pendant une durée totale d’au moins un an.
En aucun cas, le droit de reprise du propriétaire ne pouvait
ou ne peut être opposé au locataire bénéficiant de ces prorogations.
Le prix du bail pouvait ou peut être révisé pendant la durée
de ces prorogations, suivant les règles de la propriété commerciale.
Les décisions de justice à intervenir à la suite de la
procédure déjà engagée au moment de la promulgation de la loi ou déjà rendues,
mais non encore exécutées, n’étant pas opposables à ces prorogations, ne
devaient ou ne doivent recevoir effet qu’à l’expiration de celles-ci, soit le 1er janvier
1949 ou 1951 suivant le cas dont il s’agit.
Enfin le délai de six mois à deux ans avant la fin du bail,
que doit observer le preneur pour demander le renouvellement de son bail,
devait ou doit se calculer par rapport à la fin de ces prorogations et non pas
du bail lui-même.
Loi du 31 décembre 1948.
— Cette loi a reporté au 1er janvier
1950 la fin de la prorogation de plein droit qui était précédemment fixée au 1er janvier
1949.
Comme par le passé, cette nouvelle prorogation fait obstacle
au droit de reprise du propriétaire.
Le prix du bail peut être révisé semble-t-il, s’il y a lieu,
pendant la durée de cette prorogation, conformément aux règles de la
législation sur la propriété commerciale.
Mais, pour cette prorogation jusqu’au 1er janvier
1950, la loi du 31 décembre 1948 a édicté certaines dispositions
nouvelles.
Tout d’abord, il est précisé que cette prorogation ne
constitue pour le preneur qu’une faculté, à laquelle il lui est permis de
renoncer. Il se peut, en effet, que celui-ci, pour des raisons diverses,
préfère obtenir directement le renouvellement de son bail au lieu de le
solliciter à l’expiration de cette nouvelle prorogation.
Aussi la loi du 31 décembre 1948 dispose-t-elle
que : « Cette prorogation ne porte pas atteinte au droit du locataire
d’exiger le renouvellement de son bail à compter de l’expiration de celui-ci
ou, s’il est déjà expiré, à compter du 1er janvier 1949. »
En second lieu, le preneur a droit à la prorogation jusqu’au
1er janvier 1950, alors même qu’il ne serait pas en mesure de
bénéficier du renouvellement de celui-ci.
C’est ce qu’exprime la loi en disant que : « Le
bénéfice de la prorogation n’est pas subordonné à l’existence du droit à
renouvellement. »
Comme pour les prorogations antérieures, la nouvelle
prorogation prolonge d’autant le délai de six mois à deux ans avant la fin du
bail accordé au preneur pour demander le renouvellement de celui-ci. Ainsi bien
des commerçants, qui étaient forclos pour demander ce renouvellement, se
trouvent ainsi habilités pour le solliciter.
Mais la loi innove en la matière lorsqu’elle dispose
que :
« Les demandes en renouvellement et les demandes en
reprise formées antérieurement à la promulgation de la présente loi n’auront
pas à être renouvelées. »
Cette disposition est très importante.
Il advenait, en effet, auparavant, que des commerçants,
ayant formulé leur demande en renouvellement de bail dans le délai voulu de six
mois à deux ans avant la fin de celui-ci, se trouvaient, par suite de
l’institution d’une prorogation postérieure à cette demande, avoir sollicité le
renouvellement plus de deux ans avant la fin de leur bail ainsi prorogé.
Ils étaient ainsi forclos et la plupart du temps
n’apprenaient leur situation véritable qu’à la fin de leur jouissance,
lorsqu’il était trop tard pour y remédier.
Pareil inconvénient ne sera donc plus à redouter.
La loi du 31 décembre 1948 contient enfin un dernier
article à caractère fiscal qui est ainsi conçu : « En aucun cas les
majorations de loyers de locaux ou d’immeubles à usage commercial, industriel
ou artisanal intervenues après le 1er janvier 1948 ne pourront
donner lieu, ni pour les propriétaires, ni pour les locataires, à des
majorations d’impôts et de taux, exception faite du droit d’enregistrement du
bail.
L. CROUZATIER.
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