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Causerie médicale

Le foie du dyspeptique

Quand on se représente l’énorme travail qui incombe au foie à chaque période digestive, on s’étonne que cet organe ne trahisse pas plus fréquemment sa fatigue.

Il reçoit, en effet, tout ce que l’intestin a élaboré avec les aliments ingérés, doit en regrouper les éléments pour les rendre assimilables, en emmagasiner certains pour les remettre en circulation au fur et à mesure des besoins ; il doit encore neutraliser les déchets, dont beaucoup seraient toxiques sans cela.

À chaque période digestive, le foie reçoit un fort afflux sanguin qui le congestionne pendant un certain temps ; lorsque cette congestion dépasse les limites normales, et surtout si elle les dépasse trop fréquemment, le foie manifeste sa lassitude, mais d’une façon si discrète, au début du moins, que les malaises qui en résultent sont rarement rapportés à leur véritable origine.

Le cas le plus fréquent est celui d’un homme dans la force de l’âge, d’apparence vigoureuse, qui, à la suite de quelques excès, ou après une courte maladie comme la grippe, vient se plaindre de troubles divers qu’il rapporte presque toujours à l’estomac. Il lui prend des envies de dormir après le repas, après celui de midi plus spécialement ; il a la tête lourde, parfois avec un état migraineux ; très souvent, il ressent à ce moment un besoin impérieux d’aller à la selle.

Ces malaises s’atténuent dans le courant de la journée et il se trouve beaucoup plus dispos le soir ; lorsqu’il finit par aller se coucher, il a de la peine à s’endormir et se réveille généralement vers quatre heures du matin ; bien souvent, il ne peut plus se rendormir ou bien tombe dans un demi-sommeil qui le laissera, à son lever, plus fatigué que la veille au soir ; il a fréquemment la bouche amère, plus rarement un véritable état nauséeux.

Examinons-le d’un peu plus près : l’apparence est bonne, l’embonpoint plutôt un peu exagéré ; la pression sanguine est un peu élevée ; le cœur, les poumons ne présentent pas de signes anormaux ; la peau montre, par endroits, un léger reflet jaunâtre, parfois plus marqué sur les sclérotiques, on peut même voir un véritable cercle jaune qui infiltre les paupières ; sur les pommettes, sur les joues et sur l’abdomen, on remarque de petits points, des « taches rubis ». À la palpation, on trouve le foie un peu gros, débordant plus ou moins les fausses côtes, un peu sensible sans être franchement douloureux.

Ces petits signes suffisent pour affirmer le diagnostic ; en cas de doute, les épreuves de laboratoire, les analyses d’urine, de sang, de fèces, la radioscopie viendraient apporter la certitude.

À ce petit malade, il faudra tout d’abord enjoindre d’abandonner les cachets antinévralgiques ou somnifères dont il a abusé, puis on lui conseillera de mettre son foie au repos, en s’imposant quelques jours de diète assez rigoureuse dont les fruits et les légumes frais formeront la base ; le lait, qu’on recommande souvent, est parfois mal toléré.

Après quelques jours, on lui conseillera un régime sobre, sans excès de sobriété, un régime de base semi-végétarien, avec un peu de viande deux ou trois fois la semaine, peu importe qu’elle soit blanche ou rouge, rôtie, grillée ou bouillie, mais il faut éviter les viandes grasses, les viandes conservées, les charcuteries, le gibier faisandé.

Il faudra aussi être très réservé pour les œufs, la crème et, d’une façon générale, pour tous les aliments gras, ne pas abuser des légumineuses ; on usera abondamment de tous les autres légumes, l’oseille exceptée, de tous les fruits, et l’on fera bien de commencer, le repas de midi surtout, par un hors-d’œuvre végétal cru (sans mayonnaise).

Il s’agit là d’un régime de base ; pour avoir tant soit peu fatigué son foie, on n’est pas condamné, sa vie durant, à un régime d’anachorète. Un léger excès, de temps à autre, à condition qu’il ne se renouvelle pas trop souvent, est sans grand inconvénient, surtout si on a soin de le compenser ensuite par quelques jours de plus grande sobriété.

Le chapitre des boissons a son importance, le mieux est de ne rien boire du tout en mangeant (à la rigueur un verre de vin à la fin du repas, dès que l’état se sera amélioré) ; le meilleur moment pour boire est de le faire une demi-heure avant les repas ; ce sera le moment de prendre avec un verre d’eau, chaude ou froide, une des poudres alcalines que le médecin n’aura pas manqué de prescrire.

Bien entendu, ces règles d’hygiène n’excluent pas les médications que le médecin traitant estimera nécessaires, pas plus que les cures thermales.

À propos de ces dernières, qu’on n’oublie pas qu’il s’agît d’une thérapeutique sérieuse qui ne doit être entreprise que sous une direction compétente. Il y a des sujets qui, sachant que l’eau est bienfaisante, s’imaginent qu’on n’en saurait trop boire ; or c’est là un excellent moyen pour congestionner le foie, c’est-à-dire pour aller à l’encontre du but.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°627 Mai 1949 Page 471