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Chronique ménagère

Les petits pois

Qui n’aime pas les petits pois ? Surtout ceux qui viennent d’être cueillis au jardin, qui sont vitalisés par le soleil ; surtout les premiers petits pois, premiers légumes frais arrivant au printemps. Ils paraissent si bons après le long hiver où les légumes secs, les pommes de terre, les pâtes faisaient la base de notre alimentation.

Mais attention ! Les petits pois, quoique légumes nouveaux, sont très nourrissants. Le Dr Henri Leclerc nous dit : « Il arrive journellement que des malades, à qui leur médecin impose un régime ayant pour base les légumes verts, croient obéir à cette prescription en se bourrant de petits pois. Il n’y a cependant, à part la couleur, rien de commun entre les fantômes d’aliments que sont la plupart des herbes potagères et les pois, dont la valeur nutritive, à peine inférieure à celle de la lentille, dépasse de quelques calories celle du haricot. »

Les petits pois ne sont-ils pas des légumes frais ? Certes, oui. Mais attention ! Quelle partie de la plante en consomme-t-on ? Ce ne sont pas les feuilles ou les tiges, pas même la gousse, mais les graines, c’est-à-dire des concentrés de matières nutritives. Voilà pourquoi ils renferment trop de matières albuminoïdes pour être associés à des aliments qui en contiennent eux-mêmes une forte proportion, tels que viandes, œufs, poissons, fromages.

Que les arthritiques n’en abusent pas ! Les bien-portants, surtout s’ils accomplissent un travail de force, peuvent, en cette saison, se régaler de petits pois, si frais, si tentants. Mais que la cuisinière se garde bien de les servir au même repas, avec des aliments trop riches en azote : viandes, poissons, œufs, fromages. La sagesse recommande plutôt de les associer aux salades, aux légumes verts très aqueux, aux pommes de terre, aux pâtes.

La viande est chère, dites-vous ? Excellente raison pour faire figurer des petits pois dans un repas sans viande. Vous n’y perdez rien puisque, à pesée égale, ils renferment plus d’albuminoïdes que la viande ; ils contiennent autant d’hydrates de carbone que les pommes de terre et beaucoup plus de sels minéraux et de vitamines que les deux réunis. Servez un plat bien préparé de petits pois appétissants : c’est comme si vous serviez en même temps un beefsteak et des frites. Cela vous ennuie de ne servir qu’un plat ? Comme entrée, mettez une salade, comme second plat quelques carottes ou quelques épinards, terminez par un fruit frais, et votre plat de petits pois, base de ce repas, remplacera avantageusement à la fois viande et pommes de terre.

Les petits pois conviennent particulièrement aux travailleurs qui sont astreints à de fortes dépenses d’énergie musculaire. Ils peuvent entrer dans les menus des sédentaires aussi, mais à condition d’y remplacer viande, œufs, poissons, fromages, et non de s’ajouter à eux.

Et voici maintenant quelques recettes pour accommoder les petits pois.

Cuisson des petits pois.

— Ils doivent être cuits à petit feu très lentement : c’est là un principe dont toutes les ménagères devraient se pénétrer.

Quand les petits pois sont fins et tendres, après les avoir écossés, on les met dans une casserole avec un morceau de beurre frais (ou un corps gras quelconque), un bouquet composé de persil en branches et d’un cœur de laitue, une pincée de sel. On couvre la casserole, on met d’abord le feu un peu vif, mais quelques minutes seulement, puis on laisse cuire sur un tout petit feu. Quand les petits pois sont cuits, c’est-à-dire attendris sans être ridés, on retire le bouquet, et on lie la cuisson avec un peu de crème fraîche ou un peu de farine.

Quand les petits pois sont plus gros, ajouter un peu d’eau au début de la cuisson et un morceau de sucre par livre de petits pois.

Surtout, utilisez vos petits pois aussitôt que possible après la cueillette. Ramassez des petits pois dans votre jardin à 10 heures, écossez-les tout de suite et mettez-les à cuire à petit feu pour midi : vous m’en direz des nouvelles. Conservez une partie de ces mêmes petits pois pour le surlendemain, faites-les cuire exactement de la même façon ; on les dirait tout à fait différents : moins sucrés, moins fondants, ce n’est plus un régal. Surtout, ne les écossez pas la veille au soir pour le lendemain midi : ils se dessèchent à la surface, « s’échauffent », c’est-à-dire fermentent dans leur masse.

Petits pois à l’anglaise.

— Faire cuire à petit feu un litre de pois avec deux oignons et un bouquet de thym et de laurier. Verser dans un légumier avec un morceau de beurre frais. Saupoudrez de sel fin et remuez à table seulement.

Petits pois aux laitues.

— Mettre dans une casserole profonde une noix de beurre (ou d’un corps gras quelconque), une pincée de sel, deux oignons, un bouquet de persil, un litre de petits pois fraîchement cueillis et écossés. Bien mélanger et mettre au milieu des petits pois quatre ou cinq laitues ficelées (une par personne). Faire partir sur feu vif, puis couvrir et cuire doucement pendant quarante-cinq minutes. Retirer le bouquet de persil et les laitues. Ajouter aux petits pois une noix de beurre de plus. Les dresser sur un légumier et disposer dessus les laitues.

Purée de pois verts (recommandée aux personnes qui ne digèrent pas la peau des petits pois).

— Écosser un demi-litre de petits pois frais ; les cuire dans un peu d’eau bouillante salée, sans couvrir la casserole. Dès qu’ils sont cuits, les tamiser, ajouter à la purée obtenue un morceau de beurre frais et quelques cuillerées de crème fraîche si possible.

Petits pois en ragoût végétarien.

— Faire revenir dans un corps gras trois ou quatre oignons entiers, des carottes (entières si elles sont petites et nouvelles, ou coupées en morceaux si elles sont vieilles et grosses), un navet, quelques petites pommes de terre, un verre d’eau, un bouquet de persil, thym, laurier. Ajouter des petits pois, couvrir et laisser mijoter deux heures.

Cet excellent ragoût vaut, au point de vue nutritif (et aussi au goût), le meilleur des ragoûts à base de viande.

Petits pois et carottes.

— Prendre des carottes nouvelles et une double pesée de petits pois. Diviser les carottes en petits dés. Faire revenir dans du beurre (ou corps gras) un oignon coupé. Ajouter les carottes, les faire revenir aussi, puis ajouter les petits pois. Verser un peu d’eau et laisser cuire doucement une demi-heure. Découvrir alors la casserole pour faire réduire l’eau s’il y a lieu. Ajouter un peu de beurre ou de crème et servir aussitôt.

Petits pois à la poulette.

— Mettre à fondre un corps gras dans une casserole et faire revenir quelques petits oignons. Ajouter un bouquet garni (thym, laurier, persil), une laitue, du sel et les petits pois. Faire cuire à petit feu pendant une heure ou une heure et demie. Au moment de servir, faire réduire le jus s’il y a lieu, puis lier avec un jaune d’œuf battu.

Petits pois aux navets.

— Cuire à part les navets et les pois. Les réunir et les faire sauter au beurre.

Petits pois mayonnaise.

— Faire cuire dans très peu d’eau des petits pois, des carottes, des navets, des pommes de terre nouvelles entières (on peut employer des sachets en mousseline ou en tulle dans chacun desquels on met séparément chaque qualité de légumes et faire cuire dans le même récipient, ou bien faire cuire dans quatre récipients différents). Disposer les légumes sur un plat en faisant des sortes de dessins : navets au milieu, un triangle de pommes de terre, alternant avec un triangle de petits pois et un triangle de carottes, etc. Préparer, d’autre part, une mayonnaise bien dure. Déposer la valeur d’une cuillerée à café de mayonnaise sur chaque tas de pois, une plus grosse quantité sur le tas de navets du milieu.

Excellent plat froid quand il commence à faire chaud ! ...

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°627 Mai 1949 Page 473