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La corne

Un lecteur m’ayant demandé de reproduire un code de la corne d’appel, et bien que j’aie déjà écrit sur ce sujet, il y a une vingtaine d’années il est vrai, nous allons voir assez rapidement ce qu’il faut savoir de cet instrument, de la façon de corner, et surtout de la manière de le faire à bon escient.

La corne, ou pibole, descend du cor recourbé dont se servaient, il y a des siècles, nos ancêtres chasseurs ; elle possède donc, en quelque sorte, ses lettres de noblesse et demeure l’accessoire presque indispensable du chasseur au chien courant qui opère à pied.

Ils ne sont pas les seuls cependant et j’ai connu d’excellents veneurs, entre autres le maître d’un célèbre équipage de chevreuil, qui, ne sonnant pas de la trompe, se servaient de grandes piboles au son grave et fort que les chiens connaissaient parfaitement.

Qu’elle soit en métal ou en corne, peu importe si elle est sonore. Il faut la choisir d’un modèle assez grand et ne pas tomber dans le travers de tant de débutants qui donnent leur préférence à la minuscule « tutute » de raccommodeur de porcelaine, dont le son aigre et criard est une véritable insulte à la fanfare des chiens. Munie d’une, bonne courroie en cuir, elle se porte en sautoir.

Il n’y a pas, comme paraît le croire mon aimable correspondant, « un code officiel » de la corne et qui serait noté comme les fanfares classiques pour la trompe, mais bien « des codes » qui reposent tous sur l’emploi de notes brèves et longues et que les chasseurs choisissent souvent à leur convenance pour indiquer soit les différentes sortes d’animaux, soit pour faire connaître les diverses circonstances de la chasse.

En voici, comme exemple, un assez simple :

La vue du : lapin : un coup long ; renard : 3 coups longs ; sanglier : 5 coups longs ; lièvre : 2 coups longs ; chevreuil : 4 coups longs ; cerf : 6 coups longs.

Il est bon d’insister sur ce terme : la vue, car on ne doit sonner qu’étant sûr de l’animal ; au moment du lancer, on peut indiquer (si les chasseurs à tir chassent tout comme c’est leur habitude) le premier animal qui saute, autrement, pendant la chasse, il ne faudra indiquer par cette sonnerie que l’animal mené par les chiens et non pas un change.

Le débucher : série de 1 coup long, 1 coup bref.

Hallali : rigodon à volonté.

Les chiens sont arrêtés ou Rentrée au chenil : six coups longs doublés.

La direction : coups prolongé pour attirer l’attention, puis : 1 coup bref pour le nord ; 2 coups brefs pour le sud ; 3 coups brefs pour l’ouest ; 4 coups brefs pour l’est.

Cette dernière sonnerie est très commode pour suivre en grande forêt, à condition toutefois que les chasseurs présents sachent s’orienter et ne donnent pas de fausses indications, comme je l’ai vu faire trop souvent.

Dans tous les cas, il est bon de répéter ces signaux une deuxième fois à une demi-minute d’intervalle ; souvent les chasseurs, en marchant, n’en perçoivent qu’une partie et risquent de mal l’interpréter, mais, attentifs lorsqu’on sonne de nouveau, ils peuvent rectifier leur erreur et agir en conséquence. Bien détacher aussi les sons pour qu’ils soient perceptibles aux grandes distances.

Comme il est difficile parfois, sinon impossible, à des piétons d’être aux chiens, il est très commode de savoir de quel côté la chasse se dirige, et c’est pour cela que cette sonnerie de la direction rend de grands services. Employée par des hommes connaissant bien la chasse, on arrive vite à posséder une gamme de sons permettant de correspondre au loin dans les bois, de suivre aisément et de gagner le poste éloigné où on pourra sonner l’hallali.

Mais, pour ce faire, il ne faut user de cet instrument sonore qu’avec circonspection, cette corne, capable de rendre, nous l’avons vu, les plus grands services, peut être la cause d’ennuis employée mal à propos. Retenons donc qu’il faut savoir sonner dans certaines circonstances et être plutôt chiches de fanfares, car, en sonnant trop souvent, on arriverait à déranger et gêner les chiens, et surtout ne pas sonner à faux, c’est-à-dire tromper chasseurs et chiens par une fanfare qui ne conviendrait pas, ou en sonnant sur un autre animal que l’animal de chasse, ou encore sur une chasse qui ne serait pas la bonne.

Faudra-t-il répéter, une fois encore, que l’on ne doit pas sonner ni crier sur le dos de la bête de chasse, afin de ne pas l’effrayer et d’occasionner une de ces chutes de voie qui sont parfois impossibles à relever.

Un chasseur qui aime la chasse au chien courant et qui possède cet instinct de la chasse que l’on reçoit en naissant, je pense, arrivera très vite à corner à propos, aussi facilement qu’il sait suivre ou se poster. Les moins doués feront bien d’être prudents, afin, s’ils sont incapables de rendre des services dans ce jeu d’équipe ou tout le monde doit concourir vers la prise ou la mort de l’animal de meute, d’essayer tout au moins de n’être, pas gênants, ni importuns. Avec un peu d’attention, ils y arriveront vite et pourront alors porter avec honneur leur corne d’appel, qui est bien l’attribut du chasseur au chien courant.

Guy HUBLOT.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 483