Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°628 Juin 1949  > Page 494 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Le nouveau standard
du beagle-harrier

J’ai souvent entendu des chasseurs, certainement mal fixés sur les races canines, parler de leur « grand beagle ».

Presque toujours ce grand beagle était un chien tricolore de 0m,48 à 0m,50 et qui, naturellement, n’avait rien du beagle.

La taille officielle du grand beagle est de 0m,42 au maximum.

Tout chien présenté comme grand beagle et qui toise plus de 0m,43 a certainement du sang d’une autre race : simple briquet tricolore parfois, ou petit anglo-français, ou beagle-harrier.

Pour beaucoup, en effet, le beagle-harrier est un grand beagle. Il est bon de mettre le grand public en garde contre cette erreur.

Le véritable beagle-harrier est en réalité assez rare et mal connu de la plupart des petits chasseurs.

Ainsi que l’indique son nom, il est le produit du croisement beagle et harrier. Mais il peut être plus ou moins beagle ou plus ou moins harrier, selon qu’il est un produit direct de beagle X harrier ou le produit beagle-harrier X beagle-harrier, ou le produit beagle X beagle-harrier, ou le produit beagle-harrier X harrier.

Étant données ces diversités de productions, étant données aussi les préférences de tels ou tels éleveurs, le beagle-harrier manque souvent d’uniformité.

Ce manque d’uniformité a conduit à de nombreuses modifications de son standard, et, en réalité, on ne savait trop quelle formule lui assigner officiellement.

Son premier standard était tout à fait vague. Il tenait tout entier en ces simples mots : « Chien mesurant de 0m,43 à 0m,48 et, comme modèle, tenant le milieu entre le beagle et le harrier. »

En 1925, on a voulu préciser. On a rédigé un standard complet, tellement complet et tellement net qu’il ne correspondait pas à la réalité.

Vers 1933, on décida de simplifier ce standard. L’idée dominante fut celle-ci : le beagle-harrier devait être nettement à prédominance beagle.

J’ai été à cette époque chargé de la rédaction définitive du projet de standard. Mais, personnellement, je redoutais les conséquences de cette prédominance beagle, que certains éleveurs ne manqueraient pas d’exagérer.

Aussi avais-je fait précéder mon projet d’un rapport assez détaillé et qui précisait que le beagle-harrier avait été créé pour être plus vite que le beagle ; qu’il doit donc être bâti en force, mais dans le sens de la formule anglaise «  fort et léger » ; que l’aptitude au galop rapide et prolongé est la qualité première du beagle-harrier ; que ni claquette, ni mastodonte, il doit être un chien admirablement proportionné, bien fait pour galoper, avec la physionomie grouillante et vive d’un chien au tempérament chasseur.

Ces observations n’ont point été efficaces. Sous prétexte de rechercher avant tout la prédominance beagle, on a fait du beagle-harrier un beagle grandi et grossi.

Un beagle géant et lourd ne répond en rien aux désirs de ceux qui veulent un chien très vite. Les géants et les hercules lourds ne sont pas spécialement faits pour la rapidité.

D’autre part, ce beagle géant était moins joli que le véritable beagle de taille et de format normaux.

Enfin, par son apparence beagle, il a parfois été employé, en croisements, à la production du beagle et a, de ce fait, compromis la parfaite fixité du type beagle.

Bien vite, je me suis efforcé de montrer qu’on avait fait fausse route. En 1947, l’assemblée générale du Club du beagle a condamné à l’unanimité le beagle-harrier à prédominance beagle, du type beagle géant et mastodonte.

Alors ? quel type allait-on lui assigner ? Rien n’était plus simple. Il suffisait de se rappeler les si jolis petits chiens produits par le baron Gérard et Grandin de l’Éprevier, qui avaient l’un et l’autre réussi à fixer un type parfaitement uniforme, d’une distinction remarquable et d’une qualité en chasse absolument rare.

Ces deux équipages, chassant le lièvre à courre, prenaient de trente à quarante animaux par saison. Ils chassaient cependant dans une région particulièrement difficile : le département des Landes, sur un sable sec, au milieu des plantes et fleurs odoriférantes des pineraies. Ceux du baron Gérard toisaient en moyenne 0m,47. Ceux de Grandin de l’Éprevier, 0m,49 à 0m,50. Mais ils étaient tous du même type. Ils échangeaient d’ailleurs souvent des saillies ou même des chiens. Le baron Gérard cédait fréquemment à son voisin ceux qui étaient un peu plus grands qu’il ne le désirait.

Le Club m’a, cette fois-ci encore, confié le soin de rédiger le projet du nouveau standard. Après avoir été approuvé par la Société de Vénerie, la Société centrale canine l’a définitivement adopté et décidé qu’il entrerait en vigueur dès la saison des expositions de 1949.

Le beagle-harrier ne doit plus être à prédominance beagle, mais à prédominance harrier, aussi bien dans la tête et l’oreille que dans sa formule générale.

La tête est moins forte et moins raccourcie. L’oreille est en V.

Tandis que le beagle est du type cob, le nouveau beagle-harrier est nettement plus léger, plus longiligne. C’est un hunter bien campé et élégant.

Voici d’ailleurs ce que dit textuellement le premier paragraphe de son standard : « Aspect général : chien harmonieux, bien équilibré et distingué, avec de la substance, mais plus léger que le beagle. Bien bâti et bien campé en hunter léger et élégant, a l’aspect solide et vigoureux ; expression vive, énergique, familière et intelligente, où doivent se refléter sa franchise, son cran, son tempérament, sa vitesse. » On avait voulu faire du beagle-harrier un hercule. Nous voulons qu’il redevienne le bel et brillant athlète qu’avait su produire le baron Gérard.

Paul DAUBIGNÉ.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 494