J’ai souvent entendu des chasseurs, certainement mal fixés
sur les races canines, parler de leur « grand beagle ».
Presque toujours ce grand beagle était un chien tricolore de
0m,48 à 0m,50 et qui, naturellement, n’avait rien du
beagle.
La taille officielle du grand beagle est de 0m,42
au maximum.
Tout chien présenté comme grand beagle et qui toise plus de 0m,43
a certainement du sang d’une autre race : simple briquet tricolore
parfois, ou petit anglo-français, ou beagle-harrier.
Pour beaucoup, en effet, le beagle-harrier est un grand
beagle. Il est bon de mettre le grand public en garde contre cette erreur.
Le véritable beagle-harrier est en réalité assez rare et mal
connu de la plupart des petits chasseurs.
Ainsi que l’indique son nom, il est le produit du croisement
beagle et harrier. Mais il peut être plus ou moins beagle ou plus ou moins harrier,
selon qu’il est un produit direct de beagle X harrier ou le produit
beagle-harrier X beagle-harrier, ou le produit beagle X beagle-harrier,
ou le produit beagle-harrier X harrier.
Étant données ces diversités de productions, étant données
aussi les préférences de tels ou tels éleveurs, le beagle-harrier manque
souvent d’uniformité.
Ce manque d’uniformité a conduit à de nombreuses
modifications de son standard, et, en réalité, on ne savait trop quelle formule
lui assigner officiellement.
Son premier standard était tout à fait vague. Il tenait tout
entier en ces simples mots : « Chien mesurant de 0m,43 à 0m,48
et, comme modèle, tenant le milieu entre le beagle et le harrier. »
En 1925, on a voulu préciser. On a rédigé un standard
complet, tellement complet et tellement net qu’il ne correspondait pas à la
réalité.
Vers 1933, on décida de simplifier ce standard. L’idée
dominante fut celle-ci : le beagle-harrier devait être nettement à
prédominance beagle.
J’ai été à cette époque chargé de la rédaction définitive du
projet de standard. Mais, personnellement, je redoutais les conséquences de
cette prédominance beagle, que certains éleveurs ne manqueraient pas
d’exagérer.
Aussi avais-je fait précéder mon projet d’un rapport assez
détaillé et qui précisait que le beagle-harrier avait été créé pour être plus
vite que le beagle ; qu’il doit donc être bâti en force, mais dans le sens
de la formule anglaise « fort et léger » ; que l’aptitude au
galop rapide et prolongé est la qualité première du beagle-harrier ; que
ni claquette, ni mastodonte, il doit être un chien admirablement proportionné,
bien fait pour galoper, avec la physionomie grouillante et vive d’un chien au
tempérament chasseur.
Ces observations n’ont point été efficaces. Sous
prétexte de rechercher avant tout la prédominance beagle, on a fait du beagle-harrier
un beagle grandi et grossi.
Un beagle géant et lourd ne répond en rien aux désirs de
ceux qui veulent un chien très vite. Les géants et les hercules lourds ne sont
pas spécialement faits pour la rapidité.
D’autre part, ce beagle géant était moins joli que le
véritable beagle de taille et de format normaux.
Enfin, par son apparence beagle, il a parfois été employé,
en croisements, à la production du beagle et a, de ce fait, compromis la
parfaite fixité du type beagle.
Bien vite, je me suis efforcé de montrer qu’on avait fait
fausse route. En 1947, l’assemblée générale du Club du beagle a condamné à
l’unanimité le beagle-harrier à prédominance beagle, du type beagle géant et
mastodonte.
Alors ? quel type allait-on lui assigner ? Rien
n’était plus simple. Il suffisait de se rappeler les si jolis petits chiens
produits par le baron Gérard et Grandin de l’Éprevier, qui avaient l’un et
l’autre réussi à fixer un type parfaitement uniforme, d’une distinction
remarquable et d’une qualité en chasse absolument rare.
Ces deux équipages, chassant le lièvre à courre, prenaient
de trente à quarante animaux par saison. Ils chassaient cependant dans une
région particulièrement difficile : le département des Landes, sur un
sable sec, au milieu des plantes et fleurs odoriférantes des pineraies. Ceux du
baron Gérard toisaient en moyenne 0m,47. Ceux de Grandin de l’Éprevier,
0m,49 à 0m,50. Mais ils étaient tous du même type. Ils
échangeaient d’ailleurs souvent des saillies ou même des chiens. Le baron
Gérard cédait fréquemment à son voisin ceux qui étaient un peu plus grands
qu’il ne le désirait.
Le Club m’a, cette fois-ci encore, confié le soin de rédiger
le projet du nouveau standard. Après avoir été approuvé par la Société de
Vénerie, la Société centrale canine l’a définitivement adopté et décidé qu’il
entrerait en vigueur dès la saison des expositions de 1949.
Le beagle-harrier ne doit plus être à prédominance beagle,
mais à prédominance harrier, aussi bien dans la tête et l’oreille que dans sa
formule générale.
La tête est moins forte et moins raccourcie. L’oreille est
en V.
Tandis que le beagle est du type cob, le nouveau beagle-harrier
est nettement plus léger, plus longiligne. C’est un hunter bien campé et
élégant.
Voici d’ailleurs ce que dit textuellement le premier
paragraphe de son standard : « Aspect général : chien
harmonieux, bien équilibré et distingué, avec de la substance, mais plus léger
que le beagle. Bien bâti et bien campé en hunter léger et élégant, a l’aspect
solide et vigoureux ; expression vive, énergique, familière et
intelligente, où doivent se refléter sa franchise, son cran, son tempérament,
sa vitesse. » On avait voulu faire du beagle-harrier un hercule. Nous
voulons qu’il redevienne le bel et brillant athlète qu’avait su produire le
baron Gérard.
Paul DAUBIGNÉ.
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