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Problèmes forestiers

Dans le cycle des causeries mensuelles qui vont suivre, nous nous proposons de montrer la variété des problèmes forestiers qui sont à résoudre : variété des besoins en bois et des problèmes d’approvisionnement, variété des forêts existantes et des problèmes de sylviculture, variété des terrains à mettre en valeur et des problèmes de reboisement.

Nous avons exposé précédemment la rareté du matériau bois sous la plupart de ses formes actuelles d’utilisation, sauf peut-être les menus bois et les bois de feu qui, déjà actuellement dans certaines régions, sont en excès et qui, probablement un peu partout, dans l’avenir, seront pléthoriques. Nous avons rapidement évoqué les principales causes de gaspillage de bois, nous avons aussi montré comment la modernisation.des exploitations pouvait faciliter notre approvisionnement en bois. Nous voulons maintenant exposer comment doit se faire, dans les coupes, le « classement » judicieux des produits forestiers. Pour faire face, à la multiplicité des besoins : rondins pour la papeterie et les usines de défibrage, étais pour les houillères nationales, poteaux pour les P. T. T. et l’Électricité de France, traverses et bois d’appareils de voie pour la S. N. C. F., merrains pour la tonnellerie, grumes pour le charronnage, la menuiserie, l’ébénisterie, billes pour le tranchage et le déroulage, il faut connaître exactement les quantités et les qualités dont chacun a besoin. Il est inadmissible de transformer en chauffage des grumes qui peuvent convenir au charron, d’envoyer à la papeterie des billons dont on aurait pu tirer des sciages, et, inversement, on ne doit pas fournir à la scierie des bois tarés, inaptes au sciage, ou expédier à la mine des étais non conformes aux cahiers des charges. Un bon « classement » des produits forestiers, sur la coupe, est une première manière d’économiser le bois, peut-être la meilleure.

Ce bon classement nécessite :

    1° de bien connaître les cahiers des charges relatifs à chacun des produits ;
    2° d’organiser en conséquence et de surveiller le façonnage des produits par les bûcherons ;
    3° d’établir, en temps voulu, des contrats de vente avec les destinataires des produits pour pouvoir leur fournir les bois qui leur sont nécessaires, au moment et dans les délais voulus.

D’après les statistiques de 1947, les forêts françaises ont produit cette année-là, approximativement (une statistique est toujours approchée) :

  9.100.000 mètres cubes de grumes pour le sciage, le tranchage et le déroulage ;
  20.000 mètres cubes de grumes à merrains (soit 6.000 mètres cubes de merrains) ;
  150.000 mètres cubes de grumes à poteaux de ligne (soit 600.000 poteaux) ;
  150.000 mètres cubes de pilots et perches de longueur ;
  2.300.000 mètres cubes de bois de mines ;
  80.000 mètres cubes de bois à défibrer (110.000 stères) ;
  1.500.000 mètres cubes de bois de papeterie écorcé (2.200.000 stères) ;
  300.000 mètres cubes de bois pour extraits tannants (440.000 stères) ;
  8.400.000 mètres cubes de bois de feu (14.000.000 stères).
 
Total
——————————
22.000.000 mètres cubes
 
.

Ceci représente le travail de 80.000 bûcherons et débardeurs avec 15.000 animaux de trait et autant de tracteurs et camions.

Les coupes faites dans nos forêts en 1947 ont donc produit, en chiffres ronds, 22 millions de mètres cubes de bois, dont près de 40 p. 100 de bois de feu, plus de 40 p. 100 de grumes à sciage ou à placage, 10 p. 100 de bois de mines, 7 p. 100 de bois de papeterie, etc. ...

Si on rapproche ces chiffres de production du chiffre de la population, on voit que cela représente en gros, par habitant, 1/3 de stère de bois de feu, 8 mètres carrés de planches de 27 millimètres d’épaisseur, assez de bois de mine pour extraire 1 tonne et demie de houille et une quantité de bois de papeterie permettant de faire 10 kilos de papier.

Ces chiffres sont-ils suffisants eu égard aux besoins des Français ?

Oui, en ce qui concerne le chauffage, grâce à la houille (il y aura bientôt trop de bois de feu dans l’avenir).

Non, en ce qui concerne les planches (nous devons importer des grumes à sciage ou à déroulage ainsi que des placages, des planches ou des madriers).

Oui, en ce qui concerne les bois de mines (un gros effort a été fait pour pallier le déficit d’approvisionnement causé par les destructions de guerre en forêt landaise).

Non, en ce qui concerne le bois de papeterie (il faut importer de Scandinavie de grosses quantités de pâte à papier).

Donc, nous avons ou nous aurons assez de bois de feu et de bois de mines. Nous manquons de grumes (principalement de grumes résineuses) et surtout de bois de papeterie.

La forêt française peut-elle faire un effort supplémentaire ? De gros sacrifices lui ont été demandés et elle panse ses plaies de la guerre. On ne saurait, sans la détruire, en tirer davantage de produits. On peut seulement la transformer et l’enrichir. La transformer en réduisant la production des menus bois et des bois de feu par la conversion des taillis et des taillis sous futaie en futaie. L’enrichir en remplaçant certaines essences de peu d’utilité ou de peu de rendement par des essences feuillues, et surtout par des essences résineuses capables de donner les produits qui nous manquent.

Il faut conserver et améliorer nos forêts non seulement comme capital producteur de bois, mais comme gardiennes de la richesse de notre agriculture. C’est la forêt qui ralentit à l’extrême l’érosion des sols et qui contribue à maintenir à la disposition des autres végétaux le plan d’eau qui leur est nécessaire. De grands pays l’apprennent actuellement à leurs dépens.

Il y a enfin de vastes terrains à reboiser ou à boiser en choisissant non seulement des essences convenant au sol et au climat, mais capables aussi de donner les produits qui nous font défaut.

Ce qui vient d’être dit trace le plan de nos prochaines causeries où alterneront les problèmes de sylviculture, de repeuplement et de technologie, à savoir :

    — Les forêts françaises et les problèmes de sylviculture.
    — Les terrains à reboiser et les problèmes de reboisement.
    — Classement des bois de feu et d’industrie.
    — Les taillis simples en France.
    — Le reboisement des sols calcaires.
    — Classement des grumes d’œuvre.
    — Les taillis sous futaie en France.
    — Le reboisement des sols siliceux.
    — Classement des bois de qualité.
    — Les futaies feuillues régulières en France.
    — Le reboisement des sols argileux.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 511