Chaque année, dès le printemps ou au cours de l’été, les
animaux herbivores, et principalement les chevaux, sont appelés à bénéficier de
ce régime, qui consiste dans une alimentation abondante et quelquefois
exclusive, avec les herbes des prairies naturelles ou artificielles,
fraîchement coupées et récoltées soit avant, soit pendant leur floraison. Les
plantes le plus couramment employées sont : la luzerne, les trèfles, la
minette, les vesces, surtout l’espèce velue qui donne les plus forts rendements,
le lupin, les fléoles, les bromes, etc. Il est comparable à la « cure de
printemps », ou saignée du même nom, que beaucoup de personnes considèrent
comme indispensable au bon entretien de leur santé, en favorisant la
circulation du sang, qui se fait plus facilement et plus régulièrement pour le
bon fonctionnement de tous leurs organes.
C’est aussi, plus simplement et plus pratiquement, en
particulier pour les chevaux, dont la ration journalière est d’une monotonie
dont se lassent les meilleurs appétits, ce que représentent pour les humains la
salade et tous les autres légumes verts, dont nous avons plaisir à user pour
varier nos menus quotidiens, depuis toujours, et bien avant la découverte de
ces prestigieuses vitamines qu’ils renferment et dont nous avons appris à
connaître les hautes vertus pour le maintien de la santé chez les « bêtes
et chez les gens » !
Chez les bovins et les ovins, les bienfaits de ce régime
sont également appréciables et très salutaires, après la période de stabulation
imposée pendant les mois d’hiver, et dans les campagnes il est unanimement
admis qu’il n’y a rien de tel que la consommation de la pointe de l’herbe,
pour refaire, retaper des animaux en mauvais état et hâter la croissance et le
développement des jeunes élèves.
À de rares exceptions près, tous les chevaux peuvent
profiter plus ou moins grandement de ce régime particulier, mais il en est qui
en ont plus besoin que d’autres et chez lesquels on constate les effets les
plus heureux. Ce sont les poulains après leur sevrage, les jeunes chevaux qui
n’ont pas encore jeté leurs dents de lait, les juments poulinières suitées ou
non, les convalescents de maladies générales ou les animaux atteints de lésions
des membres entraînant une longue indisponibilité ; ceux qui sont atteints
d’affections de la peau (gale, herpès), d’inflammations chroniques des organes
digestifs, d’affections vermineuses ; les chevaux maigres, déprimés par
l’âge ou par la fatigue, et enfin tous ceux qu’un régime sec intensif a plus ou
moins « échauffés » et qui ont besoin d’être
« rafraîchis ».
Un des premiers et des plus constants avantages du régime
est d’exciter l’appétit des animaux qui y sont soumis ; ils mangent avec
plus de plaisir et en plus grande quantité, la digestion des aliments se fait
mieux et plus rapidement, l’assimilation de même, et l’embonpoint se manifeste
bientôt comme le symptôme favorable d’un état général plus satisfaisant.
À cause de la grande quantité d’eau que renferment les
herbes vertes, chez les chevaux soumis à ce régime, les urines sont plus
abondantes et plus claires, les crottins se ramollissent jusqu’à la
diarrhée ; en même temps, la peau se couvre de crasse, les poils sont
piqués et, dans leur aspect général, les animaux paraissent quelque peu
déprimés.
Ces symptômes ne se manifestent que les tout premiers jours
du régime, après quoi les fonctions digestives redeviennent normales, la peau
reprend son brillant et sa souplesse, l’amaigrissement qu’on avait pu constater
disparaît et les animaux retrouvent bientôt leur vivacité, leur gaîté et un
appétit de bon augure.
C’est en général dans le courant des mois de mai et juin que
le « vert » peut être utilisé dans les meilleures conditions, mais
son emploi reste toujours subordonné à l’état de la végétation, de la
température, des conditions atmosphériques locales, de même que le mode
d’administration et sa durée varient selon les animaux, la manière dont ils
réagissent et le résultat qu’on se propose d’obtenir.
Le régime peut être appliqué à l’écurie, où il
complète la ration habituelle ou la remplace en partie, ou bien à la prairie,
où les animaux, abandonnés à eux-mêmes, bénéficient en outre des avantages
d’une cure d’air et de l’exercice qu’ils peuvent prendre à leur fantaisie. Dans
certains cas, on utilise un régime mixte, qui consiste à laisser les
chevaux en liberté, tout en les rationnant en fourrages verts, distribués dans
des râteliers, placés sous des hangars ou au milieu de la prairie.
Pour la distribution du vert à l’écurie, la plus fréquente,
car dans les campagnes les chevaux ont peu d’occasions de faire des cures de
repos, l’herbe doit être coupée seulement quelques heures avant sa distribution
(le matin pour le repas du soir, et le soir pour le repas du lendemain matin)
et mélangée à de la paille ou du foin sec, par couches superposées, et
conservée à l’abri du soleil dans un endroit propre et bien aéré. Le fourrage
sec absorbe l’humidité surabondante du vert et perd rapidement sa rigidité et
sa dureté, et on évite ainsi les accidents digestifs (coliques, météorisation)
qui se produisent fréquemment quand l’herbe jaunit, s’échauffe et fermente.
La quantité de « vert » distribuée doit être
environ quatre fois celle du fourrage sec ; la ration journalière pour un
cheval qui travaille peut être fixée de 30 à 40 kilos, selon son poids et
son état de santé, mais dans tous les cas il ne faudra y arriver que
progressivement et en la diminuant au besoin, d’après l’aspect des crottins et
l’appétit des animaux. Pendant la durée du régime, à cause de l’augmentation de
la sécrétion urinaire, de l’abondance et de la consistance des évacuations, les
litières et le sol des écuries devront être entretenus dans une grande
propreté.
J.-H. BERNARD.
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