Nous avons appris à discerner, dans le ciel, tel ou tel
nuage. Nous avons appris à donner un nom à cette formation précaire en nous
basant sur son altitude — estimée — et son apparence.
La dernière fois (1), nous avons essayé de codifier le
sens, la signification de ces amas de vapeurs.
Aujourd’hui, voyons comment les nuages se comportent entre
eux, quelles sont les relations qui les lient les uns aux autres ; en un
mot, étudions ce qu’on appelle un système nuageux.
Dans les périodes de beau temps, les nuages se promènent un
peu au hasard de leur formation, donc souvent suivant la configuration du sol.
Mais dans les régions voisines de l’Atlantique ou de la
Manche, et particulièrement dans les périodes de mauvais temps, les nuages
défilent comme un régiment à la parade et, comme lui, toujours dans le même
ordre.
Un système nuageux n’est pas limité à une ville, ni à
un département ... un système couvre la moitié de la France quand
il n’est pas très important.
On a l’habitude de représenter un tel ensemble de nuages par
un dessin qui ressemble assez à un œuf (avec son jaune) vu en coupe. En
examinant les cartes du bulletin quotidien de renseignements, fourni par
l’établissement central météorologique, on se rend compte que, en effet, les
nuages se suivent dans cette forme théorique. Il y a, d’abord, une tête, puis
un corps et des marges, enfin une traîne. Le tout précédé et suivi par des intervalles,
tandis que des zones de liaisons marchent en serre-file.
En tête, et très haut, s’avancent les cirrus (barbes de
chat : émissaires) ; puis des halos se forment autour du soleil
— ou de la lune — qui signalent le quasi invisible voile de
cirro-stratus.
Quand les cirro-stratus suivent les cirrus, on peut
s’attendre à une belle dépression ... et à la suite.
Après, on a l’impression que le ciel devient bas. Ce sont
les nuages moyens et inférieurs qui arrivent. C’est le corps du système
nuageux. Il pleut. Il pleut sans violence ... alto-stratus,
nimbo-stratus ... pluie continuelle.
Mauvaise apparence du temps ! Au-dessous d’eux courent
des fracto-nimbus, des fracto-cumulus et des fracto-stratus, qui ressemblent
aux ailes noires d’oiseaux de mauvais augure.
Et soudain, à la fin du corps du système nuageux,
c’est l’arrivée du cumulo-nimbus, avec ses protubérances, ses tentacules et ses
enclumes ; c’est l’arrivée de la traîne et de tous les maux qu’elle
apporte ... la traîne, in cauda venenum. Là, tous les nuages sont
rassemblés : cumulus, stratocumulus, cirrus et cumulo-nimbus. Il pleut, il
vente, il grêle, mais les éclaircies se font jour, et, dans le noir des nuées
en démence, le bleu du ciel met de plus en plus souvent une lueur
d’espoir ... Puis c’est, enfin, un nouvel intervalle, de plus ou moins
longue durée.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Si, maintenant, nous nous étions supposés en marge et non
dans l’axe du météore, nous n’aurions guère vu que des cirrus, des
cirro-stratus ou des alto-cumulus, nous aurions su que quelque part, dans le
Nord ou le Sud, passait du mauvais temps, mais, avec notre égoïsme profondément
humain, nous aurions pensé : « Ce n’est pas pour nous ! ...
Tant mieux. »
Les environs du système : intervalles et
liaisons sont caractérisés, les uns par un temps clair avec quelques cumulus de
beau temps, les autres par des brumes ou brouillards locaux.
Le système dépressionnaire proprement dit est
caractérisé par une structure très nette des traits ci-dessus décrits, par une
durée plus longue et par un déplacement qui atteint 70 kilomètres à l’heure.
Le baromètre y est, aussi, beaucoup plus sensible (nous en
reparlerons une prochaine fois), et l’alto-stratus y est d’une étendue égale à
plus de la moitié de la France.
Le système orageux, lui, est un mélange. On y trouve
du cumulo-nimbus dans le corps — ce qui n’arrange rien — mais il est,
tout de même, de moindre durée. Et puis il est de marche si fantasque et si
capricieuse qu’il donne assez souvent raison aux partisans des canons et des
fusées « para-grêle » ...
PYX.
(1) Voir Le Chasseur Français de mai 1949.
|