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Les étonnantes possibilités
de la photographie aérienne

Au cours de la dernière guerre, la photographie aérienne fit des progrès considérables et elle fut utilisée sur une grande échelle au cours des hostilités avec un succès toujours croissant. De l’aube au crépuscule, les avions alliés sillonnèrent les territoires ennemis, couvrant d’une façon systématique des étendues considérables. Les clichés réalisés au cours de ces vols prenaient entre les mains de spécialistes chargés de les examiner une importance inestimable par les renseignements qu’ils fournissaient aux états-majors. Rien ne résiste aux procédés plus ou moins secrets de la photo aérienne, et les camouflages les plus subtils de l’ennemi furent décelés dans une précision invraisemblable, permettant ensuite aux escadrilles de bombardiers de frapper à coup sûr, ou au contraire de sauvegarder les vies humaines chargées de mener les combats.

Les possibilités de la photo aérienne n’avaient pas échappé aux civils, aux responsables de nos grandes administrations, par exempte : ceux de la S. N. C. F., des compagnies de navigation, des Ponts et Chaussées, de l’Institut géographique, des chambres de commerce, des gros entrepreneurs de travaux publics, etc. ...

Interpréter une photo aérienne, faire rendre à ce document tous les secrets qu’il contient, constitue une véritable science qui n’est évidemment pas à la portée de chacun. De plus, la photographie aérienne exige des avions équipés spécialement et des équipages parfaitement entraînés à ce genre de mission. En attendant la création de sociétés civiles spécialisées dans ces travaux, c’est à l’armée de l’Air que s’adressèrent les clients. Celle-ci mit immédiatement au service de la paix les moyens dont elle disposait pour faire la guerre, et, depuis la fin des hostilités, elle a assumé un travail intense dans ce domaine : plus de 60.000 clichés négatifs exécutés à ce jour, ayant nécessité 3.200 heures de vol en parcourant 1.500.000 kilomètres. Les plus gros clients furent : les Ponts et Chaussées, la S. N. C. F., les Services des reconstructions, le Commissariat au tourisme et l’Institut géographique. Ces missions photographiques permirent ainsi de dresser des cartes de régions peu connues, de retracer les plans cadastraux, d’étudier l’évolution de la végétation dans nos colonies, d’évaluer les dégâts dus à la guerre ou à des incendies de forêts, de dresser des plans de reconstruction de villes, de gares, de ports ou d’usines, de dresser la carte des fonds marins, d’effectuer les recherches archéologiques ou minières. Combien d’heures, ou mieux combien d’années de travail aurait-il fallu à des équipes du sol pour recueillir les mêmes documents ?

Le Commissariat général au tourisme équipa aussi une mission photographique d’un caractère spécial pour les besoins de sa propagande à l’étranger dans le cadre de la production de luxe française. Ce travail, on le conçoit aisément, ne souffrait la médiocrité ni dans les prises de vues, ni dans l’exploitation des films et la reproduction sur le papier. C’est à la photo aérienne que l’on doit aussi les splendides photos qui illustrèrent l’exposition à New-York de la résistance française dans le Vercors.

Mais c’est dans le domaine archéologique que les résultats les plus surprenants furent obtenus grâce à un nouveau procédé photographique ; en 1948, l’éminent archéologue universellement connu, le R. P. Poidebard, faisait en effet appel à la photo aérienne. Les clichés réalisés par les équipages en Afrique du Nord et dans la région de Carthage permirent de déceler les traces de cités enfouies sous le sable, dont les vestiges étaient complètement invisibles au sol. Les fouilles archéologiques se poursuivent actuellement avec une très grande précision, sans tâtonnements, grâce à ces photos.

Voici donc sommairement décrites les extraordinaires possibilités de la photographiée aérienne. Des essais se poursuivent méthodiquement dans les laboratoires ; chimistes et photographes en attendent des résultats plus nets et plus surprenants encore. Avec la photo, le radar, la télévision, rien n’échappera désormais à la curiosité de l’homme.

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 527