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La chasse au chien courant

De l’aide aux chiens

Pendant un laisser-courre, le veneur aura plus d’une fois l’occasion d’intervenir. La voie pourra être excellente, le temps favorable, le pays facile, les chiens en curée, il arrivera bien un moment où son aide deviendra indispensable.

Or, l’aide que l’on peut donner aux chiens peut être favorable ou pernicieuse, et cela dans l’avenir immédiat de la chasse, ou avec des répétitions fâcheuses dans l’avenir même des chiens et de l’équipage.

Pour nous expliquer davantage, cela veut dire qu’un veneur peut intervenir mal à propos et ainsi compromettre le sort de la journée (et c’est la retraite manquée), mais aussi, lorsque ces interventions inutiles ou maladroites deviennent fréquentes et habituelles, la qualité des chiens en souffre et de bien des manières, au point de changer totalement une meute et de faire très rapidement de très bons chiens de parfaites rosses.

On rencontre à la chasse trois sortes de types parmi les maîtres et les piqueux qui ont l’honneur de diriger des chiens courants : les ignares prétentieux qui abrutissent les meilleurs chiens par leurs maladresses continuelles ; les ignorants qui, heureusement, se connaissent et, très pénétrés de leur incapacité, laissent leurs chiens chasser tout seuls ; les bons veneurs enfin qui conduisent et dirigent leur meute avec une prudente autorité. Si la nature donne aux chiens courants l’instinct de poursuivre les animaux sauvages, ce sont les hommes qui, par leur direction, les leur font prendre régulièrement.

Presque tous les débutants sont atteints du même travers : ils sont continuellement aux chiens et, au moindre balancer, appellent, crient, sonnent ... et font perdre le plus souvent. Quand ils ont un peu de métier, qu’ils ont vu chasser de bons équipages, ils tombent souvent dans le défaut contraire : maîtres timides, ils se contentent de suivre de loin, se cachent même quand survient un défaut et laissent leurs chiens absolument livrés à leur inspiration ; cela va déjà mieux, mais ce n’est pas ainsi que l’on prend régulièrement et vite.

Il ne faudrait pas en conclure que l’action du veneur doit être souveraine ; non, le maître est là, rien ne lui échappe, mais il réserve son intervention pour les cas où elle devient indispensable.

Les aides nuisibles rendent les chiens peu chasseurs, peu entreprenants et sans aucune initiative. Ils chassent sans conviction ou avec timidité et, au premier défaut, laissent au malin qui s’est arrogé l’absolue direction de la meute le soin de redresser la voie.

N’oublions pas que dans l’expression « chasse au chien courant » il y a l’idée de course qui domine ; il ne faut pas perdre une minute si l’on veut prendre, il faut marcher, pousser roide l’animal, et si la meute, au moindre balancer, attend le piqueux en traînant aux allées, on perd un temps précieux, la voie se refroidit et la chasse va de plus en plus mal. J’ai toujours eu horreur des ces piqueux retrouve-tout qui sont un véritable poison. Après avoir si souvent trompé leurs chiens, ils s’étonnent qu’ils ne reviennent plus à la voix ou à la trompe ; ou, après les avoir si longtemps aidés, menés, dirigés, embêtés sans cesse pour tout dire, qu’ils en soient venus à ne plus vouloir chasser du tout.

Que dire des aides utiles au chien ? C’est affaire d’expérience, d’intuition, de circonstances, de tact, et c’est sur le terrain seulement que l’on peut espérer apprendre ce qu’il faut faire, si l’on est doué s’entend.

Avant d’aider les chiens, il faut les connaître tous. C’est en les observant, en les jugeant que l’on peut travailler sur une base solide, et nous distinguerons les bons chiens, ceux qui marquent le change en s’arrêtant et en revenant aux chevaux ou, ce qui est mieux, en s’arrêtant et en allant requêter leur animal de meute, ceux qui le marquent simplement en chassant plus froidement, en passant les allées au pas en regardant leur maître ; puis les autres, les indécis, les faibles, qui se laissent entraîner par les jeunes fous : ceux qui sont toujours prêts à commettre une bêtise et ceux qui n’en font jamais. Pour arriver à ce dernier résultat, il n’y a qu’un moyen : être toujours aux chiens ; chassant dans les bois, dans ces grandes forêts aux fourrés parfois si épais, si étendus et où, pendant une chasse entière, on ne voit parfois son lièvre ou son chevreuil qu’au lancer et à la prise, le veneur ne peut savoir ce qui se passe. Il faut apprendre à connaître et à distinguer la voix de chacun des sujets de l’équipage, et, dans les circonstances où on ne peut suivre de près, cela permettra d’être au courant des incidents de la menée.

Laissons donc à nos chiens assez d’initiative pour qu’ils chassent avec joie et non avec crainte. Moins notre présence sera impérativement imposée à la meute, plus les chiens seront travailleurs. Le maître aidera sa meute par son esprit d’observation, sa confiance aux bons chiens et sa ténacité. Il paiera de sa personne, ne craignant plus ses peines lorsque l’hallali approche ; autant il était froid et calme au lancer, autant il devient actif et ardent maintenant : son animal est fini, il veut sonner la mort.

Comme de bons chiens d’ordre, nous partirons doucement pour finir vite ; faisant confiance en nos chiens, ils auront confiance en nous, et de cette cohésion et de cette compréhension mutuelle viendra le succès.

Guy HUBLOT.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 534