Aussitôt la moisson enlevée, vont commencer les déchaumages,
dont la généralisation constitue un des progrès les plus marquants de la
technique agricole depuis le début du siècle.
Comme son nom l’indique, le déchaumage consiste à retourner
les chaumes avec la charrue, ou mieux avec la déchaumeuse, mais parfois aussi
avec les appareils de quasi-labours : scarificateurs, extirpateurs,
cultivateurs à dents flexibles, pulvériseurs à disques. Suivant l’appareil
utilisé, la terre sera plus ou moins complètement retournée, mais dans tous les
cas elle sera ameublie et le sol nettoyé. Ce sont là les deux buts principaux
de l’opération. Ce sont eux qui le rendent rentable. De nombreuses plantes
adventices, qui ont végété en même temps que la céréale et échappé à la moissonneuse
en raison de leur petite taille, seront détruites et ne pourront ainsi monter à
graine. D’autres, déjà formées et répandues sur le sol, verront leur levée
favorisée et les plantes qui en seront issues seront détruites par le labour
d’automne. Évidemment, bien des graines échapperont à ce mauvais sort, soit
qu’elles n’aient pas atteint la maturité physiologique, soit qu’elles se
trouvent enterrées trop profondément. Celles-là germeront plus tard, quand une
autre façon culturale les aura placées en situation favorable et c’est
regrettable, mais un fort pourcentage aura germé et c’est déjà beaucoup ;
ce sera suffisant, en tout cas, pour justifier l’opération.
Il ne faudrait pas, en voulant trop bien faire, effectuer le
déchaumage à grande profondeur. Il doit rester une opération superficielle,
sous peine de manquer son but de nettoiement du sol. Il deviendrait, par
surcroît, trop coûteux et trop lent, ce qui serait doublement fâcheux à une
époque où les prix de revient doivent être comprimés au maximum et à une
période de l’année où les travaux pressent. Il ne dépassera pas trois à cinq
centimètres de profondeur. Dans ces conditions, une déchaumeuse à disques, mue
par un tracteur, retournera en une journée de huit heures, compte tenu des
pertes de temps normales pour un travail de ce genre, six hectares environ.
Avec un appareil à six disques seulement, avec traction animale, la surface
travaillée diminue sensiblement, d’abord parce que l’appareil est moins large,
et aussi parce que la vitesse des chevaux est inférieure à celle du
tracteur ; elle n’est plus guère que d’un hectare et demi. On peut aussi
utiliser les charrues-déchaumeuses polysocs qui font d’excellent travail. Avec
trois socs, ce qui demande deux ou trois chevaux, selon l’état de la terre, on
couvrira un hectare et demi à deux hectares par jour.
À traction équivalente, les appareils de quasi-labours
permettront de couvrir une superficie plus importante, mais le travail sera
moins soigné, ce qui obligera maintes fois à effectuer un passage croisé pour
parachever l’ouvrage. Le plus souvent, on sera guidé dans le choix de
l’appareil à utiliser par les ressources dont on disposera. Si on a une
déchaumeuse à disques ou polysocs on l’emploiera, évidemment, sinon on
utilisera le scarificateur ou le cultivateur qui donneront des résultats fort
satisfaisants.
Brisant la croûte superficielle du sol, le déchaumage
favorise la pénétration dans le sol des eaux de pluie, qui, particulièrement en
été, rentrent si difficilement dans le sol tassé. Plus l’année sera sèche, plus
cette considération prendra d’intérêt. Il conviendra, en pareil cas,
d’effectuer le travail sans aucun retard, alors que la terre, protégée contre
l’ardeur du soleil par la céréale, n’est pas encore complètement durcie. Cette
eau, absorbée dans le sol, sera précieuse lors des labours d’hiver et des
semailles. Il est à noter que les travaux d’arrière-saison seront grandement
facilités par le déchaumage, qui aura préparé en surface une couche de terre
meuble, que le labour disposera au fond de la raie.
On ne fait guère au déchaumage qu’un reproche : c’est
de supprimer les parcours à moutons. Il est, évidemment, difficile de tout
concilier, mais il semble bien que les avantages techniques de cette façon
culturale : nettoiement des terres, ameublissement du sol, préparation des
labours d’automne et des semailles l’emportent de loin sur les inconvénients.
On peut d’ailleurs atténuer sensiblement ceux-ci en faisant passer rapidement
le troupeau sur les chaumes avant de les retourner.
On ne saurait nier que le déchaumage entraîne quelques frais
et se situe à une époque de l’année où le travail ne manque pas. Ceci ne
saurait entrer en comparaison avec les profits à en espérer par l’accroissement
de la récolte qui suivra et l’influence constante de la propreté du sol. Dans
la lutte contre les mauvaises herbes, il constitue un maillon de la chaîne,
maillon qui ne doit pas être brisé.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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