Cette appellation imagée exprime à la fois le nom d’une
maladie et la cause qui la produit, maladie dont se trouvent menacés tous les
chevaux utilisés, dans les journées chaudes et ensoleillées de l’été, soit à
des travaux pénibles, soit à des allures vives excessives. Et c’est, en
particulier, durant le mois d’août, le mois de la moisson, que, parmi ceux des
campagnes, obligés de faire face à l’ouvrage jusqu’à la limite de leurs forces,
se comptent les plus nombreuses victimes de l’accident.
Fort heureusement, ils ne meurent pas tous, mais, dans la
majorité des cas, les animaux atteints présentent une série de symptômes, de
gravité variable certes, mais toujours impressionnants, au point de mettre
leurs propriétaires ou conducteurs dans le plus grand embarras et la plus
grande inquiétude.
Il ne faut pas confondre, comme cela se fait couramment, le
« coup de chaleur » et le « coup de soleil » ou insolation,
qui est le résultat de l’action des rayons solaires tombant directement sur le
crâne des animaux. Le coup de chaleur, au contraire, peut être constaté au
cours de journées de chaleur lourde et orageuse, sans que l’action spéciale des
rayons solaires puisse s’exercer. Il peut aussi se produire sur des animaux au
repos, voyageant dans des wagons surchauffés, mal aérés, sous une autre forme
bien connue, à laquelle a été donné le nom non moins significatif de
« maladie des chemins de fer » !
Alors que l’insolation limite son action au système nerveux,
qu’elle excite ou paralyse par l’intermédiaire du cerveau, le coup de chaleur
est un état morbide général résultant d’une auto-intoxication comparable à
celle qui se produit dans le surmenage aigu (hallali).
L’acide carbonique, poison violent, s’accumule dans le sang
par suite d’une oxygénation insuffisante, ce qui explique la prédominance
dramatique des symptômes d’asphyxie observés sur un animal « pris de
chaleur ».
Quand l’accident se produit, les premiers symptômes
apparaissent toujours brusquement et évoluent rapidement vers une issue fatale,
faute de soins appropriés.
Tout d’abord, le cheval au travail cherche à ralentir son
allure, ses mouvements sont irréguliers, il bute fréquemment des membres
antérieurs, tandis que son arrière-train est vacillant et que tout son corps se
couvre d’une sueur abondante. Bientôt il s’arrête tout à fait, malgré toutes
les excitations qu’on peut lui faire, et il reste immobile, les membres écartés
comme fichés en terre, toute sa physionomie prenant une expression d’angoisse
caractéristique.
Les yeux sont grands ouverts, congestionnés ; les
naseaux fortement dilatés ; les lèvres écartées par la contraction des
muscles de la face crispée, donnant au moins prévenu l’impression d’une grande
difficulté de respiration et d’une menace d’asphyxie. Les mouvements du flanc
sont courts et précipités, les battements du cœur s’entendent à distance,
tandis que le pouls est petit, difficile à percevoir, les veines apparentes
tendues, dures, fortement gonflées. La température est toujours très élevée,
couramment 41 ou 42°, voire même 43°. À cet état, sauf intervention rapide et
opportune, l’animal tombe comme une masse sur le sol et il ne tarde pas à
succomber après quelques convulsions, le corps se recouvrant d’une sueur
froide, tandis qu’une hémorragie plus ou moins abondante s’écoule par les naseaux.
Afin d’éviter le développement de symptômes aussi alarmants
et aussi dangereux, la première indication à observer est de ne pas faire
travailler longuement les chevaux aux heures les plus chaudes de la journée et
sous un soleil ardent. À défaut de relais d’attelages suffisants pour que les
animaux puissent se reposer complètement, dans un endroit frais et aéré plutôt
qu’à l’écurie, il faudra les arrêter pendant une dizaine de minutes toutes les
deux heures environ, les maintenir à l’ombre, leur donner à boire deux ou trois
litres d’eau seulement et leur faire, à l’aide d’une éponge imbibés d’eau
fraîche, des lotions sur les yeux, les naseaux et le crâne, entre les oreilles.
Pendant le travail, la tête des animaux sera utilement protégée, sinon avec des
chapeaux de toile ou de paille, du moins avec des branches souples, garnis de
feuilles, qui seront fixées après les différentes pièces du harnachement.
Quant au traitement proprement dit, il doit être à la fois
rapide et énergique. Arrêt immédiat du travail et même de tout mouvement, sauf
pour placer le malade dans un endroit ombragé, aéré et aussi frais que possible
où, après l’avoir dégarni de ses harnais, on l’aspergera d’eau sur tout le
corps et on lui placera sur la tête des compresses froides qui seront souvent
renouvelées.
Une saignée abondante de 4 à 8 litres environ,
proportionnée au poids et au tempérament du sujet, aura toujours un excellent
effet, sinon elle sera remplacée ou complétée par des frictions sèches ou
sinapisées sur tout le corps. Des lavements d’eau froide répétés auront une
action salutaire pour faire baisser la température du corps.
L’alerte étant passée, et bien que le malade ait repris les
apparences d’une bonne santé, il ne devra être remis que progressivement au
travail, après vingt-quatre ou quarante-huit heures de repos complet, pendant
lequel il sera soumis à un régime rafraîchissant de barbotages et mashes,
additionnés de sulfate et de bicarbonate de soude.
J.-H. BERNARD.
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