Parmi les chiens continentaux, le griffon d’arrêt à poil dur
est une des races les plus demandées depuis quelques années. Cela tient au
désir des chasseurs de posséder un auxiliaire pratique, apte à chasser tous les
gibiers, en tous terrains et par tous les temps.
Le griffon d’arrêt à poil dur, en effet, grâce à sa
rusticité légendaire, à sa double fourrure, à ses dispositions naturelles pour
la « sale besogne » (travail à la ronce et à l’eau), se prête
admirablement à tous les genres de chasse. Son intelligence, la facilité de son
dressage, son amour du rapport en font un chien tout indiqué pour ceux qui
n’ont pas l’âme d’un dompteur et qui voient dans leur chien un ami, un
compagnon compréhensif, plutôt qu’un instrument considéré comme un objet
d’équipement au même titre que le fusil et les bottes.
Certes, ces qualités morales il n’est pas seul à les offrir,
et il dépend pour une large part du maître de les développer par sa façon
d’élever et de considérer son chien ; mais sa souplesse et son
intelligence, propres de tous les griffons quelles que soient leur race et leur
fonction, font du griffon d’arrêt à poil dur un chien particulièrement facile à
utiliser et agréable à posséder.
Sa résistance à la fatigue, son aptitude à supporter tous
les éléments les plus extrêmes ne limitent pratiquement pas son emploi à tel ou
tels pays. Tout lui convient, la plaine, la montagne, le bois et le marais. On
le retrouve, en effet, dans les temps les plus reculés de l’histoire canine à
la fois dans les régions nordiques et dans les pays chauds et secs. Il est
néanmoins certain que la texture de son poil le prédispose à la chasse au
marais et au bois ; mais il n’est point handicapé ailleurs où son emploi
s’intensifie de plus en plus.
D’assez nombreux sujets ont été importés par des chasseurs
de l’Afrique du Nord, des États-Unis et d’Amérique du Sud ; il est encore
prématuré d’en tirer des conclusions, mais nous suivrons avec intérêt le
comportement de ces chiens. Nous pensons néanmoins que toute race importée dans
des pays très éloignés et différents de celui de leur famille doit subir un
temps d’adaptation et qu’une ou deux générations sont peut-être nécessaires à
celle-ci pour obtenir le rendement complet des qualités. Lesdits importateurs
ne devraient pas le perdre de vue.
Quoiqu’il en soit, la propagation du griffon d’arrêt à poil
dur ne peut s’expliquer que par les qualités reconnues à la race, qui n’ont
cessé de s’affirmer au cours des dernières années.
Les moustachus se sont, en effet, montrés de plus en plus
nombreux dans les concours d’utilisation. Alors qu’avant la guerre ils
n’affrontaient que timidement les field-trials ouverts à toutes les races
continentales, il n’est plus guère désormais de telles manifestations où des
griffons ne soient présents, s’y classant fort souvent dans les premières
places. Ce sont des griffons à poil dur qui ont remporté le premier prix dans
chacun des deux concours de « La Sologne », en octobre 1948. C’est
encore un griffon qui s’était classé premier à ce même concours, l’année
précédente.
Les dernières épreuves d’automne réservées aux griffons
d’arrêt à poil dur ont réuni vingt concurrents, fait sans précédent dans les
annales d’une race continentale pour un concours réservé à ses sujets. Tous y
ont fait preuve d’excellentes qualités.
Il est à remarquer que c’est surtout dans les épreuves
d’automne, dites de chasse pratique, où le gibier est recherché dans le but de
permettre son tir et où il est effectivement tiré, que le griffon affirme ses
qualités. Les épreuves d’automne 1947 avaient été déjà significatives à ce
sujet. Nous voyons dans ce fait non pas une critique, mais au contraire une
preuve que le griffon est un chien de chasse pratique, dont la fonction est de
faire tuer du gibier plutôt que le travail artificiel et théorique des field-trials
de printemps. Rares sont, en effet, les sujets éduqués spécialement pour ces
derniers ; presque tous ceux qui se prodiguent en field-trial sont élevés
par des chasseurs, utilisant leur chien pour tuer du gibier. Nous pensons que
c’est un bien pour la race que les griffonniers aient compris qu’un chien de
chasse est surtout fait pour chasser, c’est-à-dire pour chercher le gibier, le
présenter le plus commodément possible pour le tir, le retrouver et le
rapporter quand il est blessé. Cette fonction exige certaines attitudes moins
spectaculaires qu’utiles, mais sans lesquelles il n’est pas de bon chien pour
un véritable chasseur.
Mais nous pensons aussi que le griffon, par son tempérament
et sa vêture, a une destinée particulière : le travail sous le bois
mouillé, au roncier et à l’eau. Perdre de vue cette vérité serait faire perdre
à ce chien sa supériorité ; car, s’il perdait cette aptitude, en quoi
pourrait-il sérieusement s’imposer, en dehors des goûts de chacun, le jour où
il ne serait plus qu’un chien comme les autres ?
C’est parce qu’il l’a compris que le Club Français du G. P. D.
vient de mettre en compétition un certificat d’aptitude au rapport et un brevet
de rapport complet, dont les épreuves exigeront des concurrents toutes les
qualités que possède et que doit conserver la race.
Mais, d’autre part, ces aptitudes ne seront conservées que
tout autant que le griffon conservera ses particularités physiques : son
squelette athlétique et son sous-poil particulier.
Son gabarit est celui d’un chien de travail, musclé, de
poitrine profonde, à l’encolure dégagée ; le corps d’une longueur
permettant des rayons obliques faits pour un travail soutenu, un galop modéré,
une allure presque féline ; une taille en rapport avec la nécessité de se
débattre avec les ronces, les roseaux immergés ; mais, le tout, sans
lourdeur. La taille du standard établi par Korthals doit être respectée
(environ 0m,55 à 0m,60 pour les mâles et 0m,50
à 0m,55 pour les femelles) et le Comité du club a plusieurs fois
exprimé son désir de ne pas voir la race évoluer vers une augmentation ou une
diminution de cette taille ; il s’est ému de voir de nombreux sujets
dépasser le maximum du standard et a prié les juges des expositions de porter
leur attention sur ce point ; toutefois, désireux de ne pas provoquer de
ce chef des divergences dans les jugements, après avoir prescrit une tolérance
limite de un centimètre en plus ou en moins, il vient de conseiller aux juges
de s’en tenir aux termes du standard, dont le mot « environ » suffit
à indiquer le sens.
Quant au sous-poil, caractère spécial de la race, il serait
superflu d’en démontrer l’utilité. C’est grâce à lui que ce griffon (nous
disons ce griffon, car toutes les races griffonnes n’ont pas cette
particularité) peut affronter impunément l’eau glacée et la ronce la plus
mordante. Il est absolument indispensable de conserver cet accessoire au
griffon d’arrêt à poil dur et l’attention des éleveurs et des juges ne doit pas
s’écarter de cette nécessité.
Toutes ces qualités, morales et physiques, le griffon
d’arrêt à poil dur ne les conservera que par le bon vouloir des éleveurs.
Ceux-ci ne doivent pas perdre de vue que l’intérêt de la race, donc leur propre
intérêt, n’est pas de produire du nombre, mais de la qualité. Aujourd’hui,
après la dure épreuve de la guerre, le cheptel est très amplement
reconstitué ; l’heure est venue de la sélection raisonnée, des
éliminations à la base, des unions étudiées et de l’entraînement intensif aux
fonctions. Et c’est aux amateurs qu’il appartient, avant d’acheter un sujet, et
surtout un chiot, de s’informer d’abord de ce qu’est et doit être la race, de
ses origines, de son évolution, de ses particularités, de la valeur des
géniteurs et de la qualité des origines ; ils éviteront ainsi parfois des
déceptions ; mais il leur appartient aussi de s’informer des qualités du
producteur et de ne pas oublier que seul un chasseur est qualifié pour produire
des chiens de chasse.
Jean CASTAING.
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