Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°630 Août 1949  > Page 590 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

L’expansion
du griffon d’arrêt à poil dur

Parmi les chiens continentaux, le griffon d’arrêt à poil dur est une des races les plus demandées depuis quelques années. Cela tient au désir des chasseurs de posséder un auxiliaire pratique, apte à chasser tous les gibiers, en tous terrains et par tous les temps.

Le griffon d’arrêt à poil dur, en effet, grâce à sa rusticité légendaire, à sa double fourrure, à ses dispositions naturelles pour la « sale besogne » (travail à la ronce et à l’eau), se prête admirablement à tous les genres de chasse. Son intelligence, la facilité de son dressage, son amour du rapport en font un chien tout indiqué pour ceux qui n’ont pas l’âme d’un dompteur et qui voient dans leur chien un ami, un compagnon compréhensif, plutôt qu’un instrument considéré comme un objet d’équipement au même titre que le fusil et les bottes.

Certes, ces qualités morales il n’est pas seul à les offrir, et il dépend pour une large part du maître de les développer par sa façon d’élever et de considérer son chien ; mais sa souplesse et son intelligence, propres de tous les griffons quelles que soient leur race et leur fonction, font du griffon d’arrêt à poil dur un chien particulièrement facile à utiliser et agréable à posséder.

Sa résistance à la fatigue, son aptitude à supporter tous les éléments les plus extrêmes ne limitent pratiquement pas son emploi à tel ou tels pays. Tout lui convient, la plaine, la montagne, le bois et le marais. On le retrouve, en effet, dans les temps les plus reculés de l’histoire canine à la fois dans les régions nordiques et dans les pays chauds et secs. Il est néanmoins certain que la texture de son poil le prédispose à la chasse au marais et au bois ; mais il n’est point handicapé ailleurs où son emploi s’intensifie de plus en plus.

D’assez nombreux sujets ont été importés par des chasseurs de l’Afrique du Nord, des États-Unis et d’Amérique du Sud ; il est encore prématuré d’en tirer des conclusions, mais nous suivrons avec intérêt le comportement de ces chiens. Nous pensons néanmoins que toute race importée dans des pays très éloignés et différents de celui de leur famille doit subir un temps d’adaptation et qu’une ou deux générations sont peut-être nécessaires à celle-ci pour obtenir le rendement complet des qualités. Lesdits importateurs ne devraient pas le perdre de vue.

Quoiqu’il en soit, la propagation du griffon d’arrêt à poil dur ne peut s’expliquer que par les qualités reconnues à la race, qui n’ont cessé de s’affirmer au cours des dernières années.

Les moustachus se sont, en effet, montrés de plus en plus nombreux dans les concours d’utilisation. Alors qu’avant la guerre ils n’affrontaient que timidement les field-trials ouverts à toutes les races continentales, il n’est plus guère désormais de telles manifestations où des griffons ne soient présents, s’y classant fort souvent dans les premières places. Ce sont des griffons à poil dur qui ont remporté le premier prix dans chacun des deux concours de « La Sologne », en octobre 1948. C’est encore un griffon qui s’était classé premier à ce même concours, l’année précédente.

Les dernières épreuves d’automne réservées aux griffons d’arrêt à poil dur ont réuni vingt concurrents, fait sans précédent dans les annales d’une race continentale pour un concours réservé à ses sujets. Tous y ont fait preuve d’excellentes qualités.

Il est à remarquer que c’est surtout dans les épreuves d’automne, dites de chasse pratique, où le gibier est recherché dans le but de permettre son tir et où il est effectivement tiré, que le griffon affirme ses qualités. Les épreuves d’automne 1947 avaient été déjà significatives à ce sujet. Nous voyons dans ce fait non pas une critique, mais au contraire une preuve que le griffon est un chien de chasse pratique, dont la fonction est de faire tuer du gibier plutôt que le travail artificiel et théorique des field-trials de printemps. Rares sont, en effet, les sujets éduqués spécialement pour ces derniers ; presque tous ceux qui se prodiguent en field-trial sont élevés par des chasseurs, utilisant leur chien pour tuer du gibier. Nous pensons que c’est un bien pour la race que les griffonniers aient compris qu’un chien de chasse est surtout fait pour chasser, c’est-à-dire pour chercher le gibier, le présenter le plus commodément possible pour le tir, le retrouver et le rapporter quand il est blessé. Cette fonction exige certaines attitudes moins spectaculaires qu’utiles, mais sans lesquelles il n’est pas de bon chien pour un véritable chasseur.

Mais nous pensons aussi que le griffon, par son tempérament et sa vêture, a une destinée particulière : le travail sous le bois mouillé, au roncier et à l’eau. Perdre de vue cette vérité serait faire perdre à ce chien sa supériorité ; car, s’il perdait cette aptitude, en quoi pourrait-il sérieusement s’imposer, en dehors des goûts de chacun, le jour où il ne serait plus qu’un chien comme les autres ?

C’est parce qu’il l’a compris que le Club Français du G. P. D. vient de mettre en compétition un certificat d’aptitude au rapport et un brevet de rapport complet, dont les épreuves exigeront des concurrents toutes les qualités que possède et que doit conserver la race.

Mais, d’autre part, ces aptitudes ne seront conservées que tout autant que le griffon conservera ses particularités physiques : son squelette athlétique et son sous-poil particulier.

Son gabarit est celui d’un chien de travail, musclé, de poitrine profonde, à l’encolure dégagée ; le corps d’une longueur permettant des rayons obliques faits pour un travail soutenu, un galop modéré, une allure presque féline ; une taille en rapport avec la nécessité de se débattre avec les ronces, les roseaux immergés ; mais, le tout, sans lourdeur. La taille du standard établi par Korthals doit être respectée (environ 0m,55 à 0m,60 pour les mâles et 0m,50 à 0m,55 pour les femelles) et le Comité du club a plusieurs fois exprimé son désir de ne pas voir la race évoluer vers une augmentation ou une diminution de cette taille ; il s’est ému de voir de nombreux sujets dépasser le maximum du standard et a prié les juges des expositions de porter leur attention sur ce point ; toutefois, désireux de ne pas provoquer de ce chef des divergences dans les jugements, après avoir prescrit une tolérance limite de un centimètre en plus ou en moins, il vient de conseiller aux juges de s’en tenir aux termes du standard, dont le mot « environ » suffit à indiquer le sens.

Quant au sous-poil, caractère spécial de la race, il serait superflu d’en démontrer l’utilité. C’est grâce à lui que ce griffon (nous disons ce griffon, car toutes les races griffonnes n’ont pas cette particularité) peut affronter impunément l’eau glacée et la ronce la plus mordante. Il est absolument indispensable de conserver cet accessoire au griffon d’arrêt à poil dur et l’attention des éleveurs et des juges ne doit pas s’écarter de cette nécessité.

Toutes ces qualités, morales et physiques, le griffon d’arrêt à poil dur ne les conservera que par le bon vouloir des éleveurs. Ceux-ci ne doivent pas perdre de vue que l’intérêt de la race, donc leur propre intérêt, n’est pas de produire du nombre, mais de la qualité. Aujourd’hui, après la dure épreuve de la guerre, le cheptel est très amplement reconstitué ; l’heure est venue de la sélection raisonnée, des éliminations à la base, des unions étudiées et de l’entraînement intensif aux fonctions. Et c’est aux amateurs qu’il appartient, avant d’acheter un sujet, et surtout un chiot, de s’informer d’abord de ce qu’est et doit être la race, de ses origines, de son évolution, de ses particularités, de la valeur des géniteurs et de la qualité des origines ; ils éviteront ainsi parfois des déceptions ; mais il leur appartient aussi de s’informer des qualités du producteur et de ne pas oublier que seul un chasseur est qualifié pour produire des chiens de chasse.

Jean CASTAING.

Le Chasseur Français N°630 Août 1949 Page 590