L’amélioration d’un moût doit avoir pour résultat celle des
qualités du vin.
Il y a longtemps que cette condition a été résolue pour nos
vins de grands crus, pour lesquels les méthodes ancestrales de vinification ont
été sans cesse améliorées.
Plus récemment, les coopératives vinicoles, avec des moyens
puissants d’outillage et de contrôle, produisent des vins sains, loyaux et
marchands.
Dans une exploitation de polyculture, il n’est pas question
de copier les méthodes de vinification des crus classés, ni celles des
coopératives ; toutefois, il semble nécessaire de faire subir quelques
dérogations aux pratiques transmises de père en fils pour obtenir, en fin de
compte, un vin buvable et se conservant bien.
Dans notre précédente étude, nous avons attiré l’attention
du vigneron sur les soins à donner à son matériel de vendange ; nous
supposons que ce matériel est en bon état et nous allons l’employer d’abord
pour le transport de la récolte, puis à la préparation du moût et sa
fermentation.
Nous savons tous que la levure ou les levures, transforment
le sucre ou glucose en alcool.
Nous savons également, ainsi que nous l’avons écrit dans le
numéro d’août-septembre 1946, qu’on trouve dans le moût de raisin plusieurs
espèces de levures ; nous disions à l’époque : « ...la plus
petite, la levure apiculée, en forme de citron, produit 1° d’alcool avec 21 à
22 grammes de sucre ; la seconde, allongée et portant le nom de Pasteur,
produit 1° d’alcool avec 20 grammes de sucre ; la troisième, en forme
d’œuf ou elliptique, la plus intéressante, donne 1° d’alcool avec 17 à 18 grammes
de sucre ... »
Nous disions aussi qu’il était possible de neutraliser la
vie des deux premières par une dose appropriée d’acide sulfureux, la troisième
étant beaucoup moins sensible à ce corps que les deux autres.
Les levures qui fournissent les grands crus sont de variétés
un peu différentes ; elles communiquent à chacun d’eux une partie
seulement de leurs qualités gustatives, l’autre partie étant fournie par le
cépage, le sol, l’exposition, etc. …
Par ce qui précède, nous voyons l’importance de la conduite
de la fermentation en éliminant les levures apiculée et allongée, et en
favorisant le développement de la levure elliptique, laquelle, avec une même
quantité de sucre, nous donnera un degré alcoolique plus élevé.
N’oublions pas, en effet, qu’il suffit quelquefois d’une
augmentation minime de ce degré, 1 ou 2, pour assurer la conservation du vin.
Au moment de la vendange, le mustimètre nous renseignera et
actionnera, s’il le faut, le signal d’alarme ; en effet :
Un moût qui n’a que 119 grammes de sucre par litre
donnera un vin titrant 7°. Ce vin sera faible et de mauvaise
conservation ;
Une richesse de 138 grammes donnera un vin de 8°
minimum qui sera de conservation aléatoire ;
Enfin, une richesse de 170 grammes fournira un vin de
10°, de bonne conservation, à la condition que sa teneur en acide soit
suffisante ; il sera, de plus, de vente plus facile.
Nous éliminerons les deux premières variétés de levure par
l’emploi du métabisulfite de potasse, lequel contient la moitié de son
poids d’acide sulfureux.
La loi fixant à 20 grammes par hecto la quantité de cet
acide que peuvent contenir les vins, on emploiera au maximum 40 grammes de
métabisulfite, quantité que l’on fractionnera en autant de parties qu’il y a de
lots de vendange.
Exemple : Si l’on suppose une récolte de 100 hectos,
nécessitant le transport de dix lots de vendange d’égal poids, il faudra 4 kilos
de métabisulfite, qu’on ajoutera à raison de 400 grammes par lot de
vendange. Le produit sera dissous dans l’eau au moment de l’emploi.
L’acidité du moût a une grande importance, elle assure un
bon développement des levures, elle communique au vin une couleur plus vive,
améliore son goût, lui donne de la fraîcheur et aide à la formation du bouquet.
L’acidité du moût doit être comprise entre 9 et 12 grammes,
exprimée en acide tartrique.
La richesse en tanin doit être suffisante. Ce produit
donne du corps au vin.
Si la vendange a été égrappée, il sera bon d’ajouter 2 grammes
par litre d’œnotanin, les vins en renfermant normalement de 1 à 3 grammes par
litre.
Remarquons, en passant, que les vins blancs qui deviennent
huileux sont pauvres en tanin, surtout si le vin a été obtenu avec des raisins
rouges pressés.
Enfin, la température de fermentation a une grande
importance ; il faut que celle-ci démarre au voisinage de 25°.
Si la température est trop basse, ce qu’il est facile de
s’assurer à l’aide d’un thermomètre spécial, nous conseillons de chauffer du
moût dans une bassine en cuivre vers 70° (à ne pas dépasser) et verser ce moût
chaud dans la cuve ; agiter ensuite énergiquement pour assurer un bon
mélange.
Recommencer cette opération autant de fois que cela sera
nécessaire, afin d’atteindre la température indiquée plus haut.
Dans les chais organisés, on ensemence le moût à l’aide d’un
levain appelé aussi pied de cuve, mais ce procédé est trop compliqué
pour un vignoble de polyculture, aussi nous conseillons des procédés simples, à
la portée de tous, qui peuvent se résumer ainsi :
Faites peser votre moût pour en connaître la richesse en
sucre et le degré alcoolique probable.
Faites déterminer le degré d’acidité exprimé en acide
tartrique.
Si votre vendange a été égrappée ou pressée, faites doser la
teneur du moût en tanin.
Ayez toujours en dépôt, dans un endroit sec, du bisulfite de
potasse et de l’œnotanin.
Procurez-vous un thermomètre spécial. C’est un instrument à
alcool dont la tige assez longue est protégée par une gaine métallique.
Vous serez ainsi armé contre les accidents possibles de la
fermentation, et vous aurez mis tous les atouts de votre côté.
N’oubliez pas que le client devient de plus en plus
difficile et qu’il n’achètera que des produits de qualité.
Enfin, débarrassez-vous de cette idée préconçue que nous
avons entendue maintes fois : « La fermentation purifie tout. »
C’est une grave erreur, jamais la fermentation du moût n’a
empêché le développement des bacilles ou des champignons pathogènes qui
communiquent le plus souvent au vin un goût qui déplaît à la clientèle.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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