On nous écrit : « La loi no 48-1516
du 29 septembre 1948 a porté de 1.100 à 2.000 le prix du permis de chasse
général et de 300 à 1.000 francs, le prix du permis de chasse
départemental avec effet du 1er juillet 1948. Le décret du 31 décembre
1948 a porté le prix du permis général à 2.250 francs, et celui du permis
départemental à 1.060 francs.
» D’autre part, l’article 2 du Code civil
s’exprime ainsi :
» La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a
point d’effet rétroactif ».
» À cela, il y a lieu d’ajouter que le permis délivré
dès l’ouverture de 1948 précisait bien qu’il était valable du 1er juillet
1948 au 1er juillet 1949.
» Partant de ces données, je crois que beaucoup de
lecteurs seraient reconnaissants à votre collaborateur juridique, s’il voulait bien
donner, dans un prochain article, son appréciation sur la légalité rétroactive
des actes sus-indiqués. »
La question nous paraît d’une grande simplicité et nous
estimons que la légalité des actes dont il est fait état est
incontestable ; seule l’application qui a pu en être faite peut donner
lieu à critiques.
Tout d’abord, il faut observer qu’il n’est pas exact
d’écrire, comme le fait le correspondant, que le prix du permis de chasse a été
porté, par la loi du 26 septembre 1948, à 2.000 francs ou à 1.000 francs
suivant qu’il s’agit du permis général ou du permis départemental. L’article 12
de la loi en question s’est borné à modifier de la manière suivante l’article 199
du Code du Timbre : « La délivrance des permis de chasse donne lieu
au payement d’un droit de timbre de 1.400 francs au profit de l’État et
d’une somme de 300 francs au profit de la commune, dont le maire a donné
l’avis énoncé par la loi du 3 mai 1844 modifié, s’il s’agit d’un permis
général valable pour tout le territoire français. »
« Pour les permis départementaux, utilisables dans le
département où le permis a été délivré et dans les arrondissements limitrophes,
le droit de timbre perçu au profit de l’État est réduit à 400 francs, la
perception communale demeurant fixée à 300 francs.
« D’autre part, le montant de la cotisation des
porteurs de permis de chasse en tant que membres d’une société départementale
de chasseurs, fixé en dernier lieu à 100 francs, par l’article 2 de
la loi no 46-1812 du 19 août 1946, est porté à 300 francs ... »
Quant au décret du 31 décembre 1948, il n’a pas
davantage porté le prix des permis de chasse à 2.250 francs ou à 1.060 francs
comme on l’écrit ; l’article 11 du décret en question est conçu comme
suit : « Les tarifs ci-dessous, édictés par le titre IX du Code
du Timbre, sont modifiés ainsi qu’il suit : tarif ancien 400 francs ;
nouveau tarif 460 francs ; tarif ancien 1.400 francs, tarif
nouveau 1.650 francs. »
Sans doute, si l’on totalise les diverses perceptions
auxquelles donne lieu la délivrance d’un permis de chasse, on arrive bien aux
chiffres indiqués par le correspondant ; mais il n’en est pas moins
essentiel de constater que le décret du 31 décembre 1948 n’a modifié que
le droit de timbre applicable aux permis de chasse, sans toucher aux autres
perceptions. Or il est toujours licite, à toute époque que ce soit, de modifier
les droits de timbre et d’enregistrement. Le décret du 31 décembre 1948
fait, de cette règle, une large application : dans ses articles 6 à
13, la plupart des droits de timbre antérieurement perçus subissent
d’importants relèvements.
Ce qui est à préciser, c’est que la modification des droits
de timbre ou d’enregistrement n’a jamais d’effets rétroactifs : les actes
passés avant la modification du tarif et qui portent le timbre applicable au
moment où ils ont été passés ou qui ont été enregistrés au tarif en vigueur à
la date où l’enregistrement en a été requis, n’ont à subir aucune majoration
pour le timbre ou l’enregistrement si ces tarifs viennent à être majorés.
À titre d’exemple, et pour nous en tenir à la question du
droit de timbre, il n’est pas douteux qu’un contrat passé sur du papier timbré
du petit format, alors que la demi-feuille coûtait 20 francs, reste
régulièrement timbré et n’a à subir aucune majoration du droit s’il est produit
alors que le prix de la demi-feuille a été porté à 70 francs. De même, la
quittance d’une somme de 40.000 francs, par exemple, qui portait un timbre
de 50 francs avant le décret du 31 décembre 1948, peut être produite
après cette date sans avoir à supporter la majoration de 8 francs
résultant dudit décret.
Si nous faisons application de ces principes à la matière
des permis de chasse, nous dirons que les permis de chasse délivrés avant la
mise en application du décret du 31 décembre 1948, pour lesquels il a été
perçu un droit de timbre de 1.400 ou de 400 francs, restent valables et ne
peuvent donner lieu à la perception d’un supplément de droit. Quant aux permis
délivrés postérieurement au décret du 31 décembre 1948, ils doivent porter
le timbre de 460 ou 1.650 francs.
C’est en ce sens qu’on doit entendre le quatrième alinéa de
l’article 12 de la loi du 26 septembre 1948, ainsi conçu :
« Les dispositions du présent article auront effet pour la période de
chasse comprise entre le 1er juillet 1948 et le 30 juin
1949 et pour les périodes subséquentes. »
La perception après le 31 décembre 1948 d’un supplément
de droit pour les permis délivrés avant cette date serait, à notre avis, tout à
fait illégale.
Nous allons plus loin et estimons que, dans le cas de
prorogation de validité du permis, le droit à percevoir pour la prorogation
devra être le même, que le permis prorogé ait été délivré avant ou après le 31 décembre
1948 ; cela résulte des derniers mots du texte cité plus haut « et
pour les périodes subséquentes », sauf, bien entendu, disposition
législative contraire.
Paul COLIN,
Avocat à la Cour d’appel de Paris.
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