J’ai suivi, avec beaucoup d’intérêt, les articles que M. Castaing,
l’éminent secrétaire général du « Club du Griffon d’arrêt à poil
dur », a écrits pour les lecteurs du Chasseur Français. Je suis sûr
que, comme moi, ils en auront apprécié la précision et la clarté.
Ils savent donc maintenant que, pour chaque race canine, il
existe une pléiade d’amateurs sérieux auxquels ils peuvent faire confiance et
qui constitue le « club spécial » de la race.
On ne peut faire partie de ces groupements que si l’on fait
preuve d’une parfaite honnêteté.
Les clubs spéciaux ont à leur tête de grands connaisseurs de
la race qui sont aussi toujours des animateurs. Ils se chargent de réunir leurs
membres et de susciter des bonnes volontés nouvelles. Ils les conseillent,
secondent leurs efforts et les maintiennent dans la ligne droite vers leur but
bien défini : l’amélioration de la race à laquelle ils s’intéressent.
Tous ces clubs spéciaux sont rassemblés et supervisés par la
« Société Centrale Canine ». C’est à son siège que sont tenus à jour
les deux registres généalogiques du L. O. F. et du R. I. Ce
n’est pas une mince besogne ! On y enregistre, après les avoir contrôlées
autant qu’il est possible, les demandes d’inscriptions qui peuvent être
présentées par tous les propriétaires de chiens.
La Société Centrale Canine organise de plus, en accords avec
ses filiales, les sociétés régionales, les expositions et les concours de
travail. Ces manifestations canines, réunissant les vrais amateurs, leur
permettent d’apprécier par comparaison le fruit de leurs efforts. Ils y
exercent leur jugement et y trouvent tous les éléments pratiques pour conduire
leur élevage, c’est-à-dire : choisir eux-même les accouplements de leurs
sujets et faire la sélection de leurs produits.
Voici donc une vaste organisation où les efforts de tous
tendent à la production du chien de race pure, du chien de grande race, qui
doit présenter le maximum de qualités ; à la fois beauté et aptitude au
travail.
Les seuls moyens admis pour parvenir à la production de ce
sujet exceptionnel sont, cela se conçoit : l’accouplement de sujets de
race pure, la sélection et l’élevage rationnel des chiots. Mais les lois de
l’hérédité comportent une série de conséquences pratiques dont certaines
peuvent avoir des répercussions lointaines et mettre en péril l’avenir de la
race tout entière. Il est donc indispensable pour les éleveurs que les origines
des chiens soient rigoureusement connues et scrupuleusement exactes ; et
M. Castaing a parfaitement raison de dire que l’utilité (c’est-à-dire en
fait la valeur) d’un pedigree pose pour condition première son exactitude
absolue.
Or, pour qu’un pedigree soit exact, trois conditions sont
nécessaires :
1° Les arbres généalogiques qu’il porte doivent avoir été
transcrits de façon exacte ;
2° Il doit apporter la certitude, par voie de preuve, que
les deux géniteurs, qui sont inscrits comme producteurs du titulaire, sont bien
issus de ces arbres généalogiques ;
3° Il doit permettre, à tous moments, de constater que le
chien auquel il se rapporte est bien celui auquel on l’attribue.
En conséquence, pour que ce pedigree ait une valeur aussi
absolue que possible, ces trois conditions doivent être réalisées et facilement
vérifiables. Or, dans l’état actuel des choses, seule la première de ces
conditions peut être vérifiée. Pour que les deux autres puissent l’être, il
faut et il suffit que soit réalisée, d’une façon aussi certaine que possible,
l’identification des géniteurs et du sujet auxquels correspond le pedigree.
Ce n’est que lorsqu’on pourra, à tous moments, vérifier
d’une façon pratique, rapide, et absolument précise, l’identité d’un sujet, que
le propriétaire d’une lice de valeur qui veut la présenter à la saillie pourra
être sûr que sa chienne va bien recevoir l’étalon dont il désire s’assurer les
services. De même, le propriétaire d’un étalon qui a accepté, comme rétribution
des services de son chien, un chiot à choisir dans la nichée, doit pouvoir
vérifier l’identité de la lice qui lui est présentée comme mère de la portée.
Enfin et surtout, l’acheteur, l’utilisateur qui veut se procurer un chiot
d’après ses origines de beauté ou de travail, doit pouvoir être sûr que son
pedigree est exact et qu’il se rapporte bien à lui et à ses géniteurs paternels
et maternels.
La nécessité de l’identification absolue étant ainsi
démontrée, voyons maintenant comment elle peut être réalisée.
Pour identifier les chiens, on s’est contenté d’utiliser
jusqu’à présent ce que nous appelons la méthode descriptive, c’est-à-dire,
d’établir le « signalement » du chien.
Mais, tout au moins dans certaines races, des confusions
peuvent se produire, du fait de l’impossibilité dans laquelle on se trouve de
découvrir et de décrire des marques particulières. Cela arrive fréquemment.
On a tenté de compléter le signalement du chien par divers
moyens, mais ils sont peu pratiques ou inefficaces. Les photographies entre
autres ne sont souvent d’aucun secours tant est grande, justement dans ces
races, l’homogénéité obtenue par sélection. Pour être utiles, il faudrait
qu’elles soient effectuées dans des conditions rigoureusement identiques. C’est
impossible à réaliser dans la pratique.
Le tatouage à l’oreille est souvent douloureux. Il est
inutilisable pour les races à oreilles dressées, car il risque de tarer les
sujets pour lesquels on l’utilise. Appliqué à la face interne de la cuisse ou
de chaque côté de la ligne médiane du ventre, le tatouage a l’inconvénient de
se déformer à la longue. Ses signes deviennent alors illisibles. Enfin, il peut
toujours être imité et l’on assisterait, en utilisant systématiquement cette
méthode, à favoriser la vente de chiens munis de faux tatouages se rapportant à
de vrais pedigrees.
Tous ces moyens sont insuffisants. Ils sont imprécis et ne
représentent pas un ensemble de caractères personnels et définitifs du sujet à
identifier.
Le procédé de l’empreinte nasale, au contraire, mérite
d’être utilisé, soit seul, soit comme complément du signalement.
Il utilise la reproduction d’un maximum de caractères
personnels, et justement ceux dont la reproduction frauduleuse est presque
impossible.
Ce procédé est dérivé de celui de l’empreinte digitale utilisé
dans les services de l’identité judiciaire. Il est remarquable par sa
précision. Du fait de la permanence des empreintes et de leur individualité, il
offre toutes les garanties désirables.
Préconisé en 1922 par le professeur Leroy, pour l’espèce
bovine, ce procédé a déjà fait l’objet de plusieurs publications. Il a été, en
particulier, décrit d’une façon remarquable dans une thèse soutenue devant la
Faculté de médecine de Paris par mon confrère L.-H. David.
Plusieurs tentatives furent déjà faites par d’excellents
cynophiles pour en généraliser l’utilisation, et l’on peut, à bon droit,
s’étonner que ces initiatives n’aient pas été suivies. Peut-être les éleveurs
ont-ils cru que ce procédé comportait des complications nombreuses, alors qu’il
n’en est pas de plus simple. Un matériel très limité et peu onéreux peut
suffire à obtenir de très bonnes empreintes et quelques essais permettront
d’acquérir très vite le tour de main nécessaire.
Docteur P. AUBRY,
Vétérinaire spécialiste.
|