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Installons notre fraisière

On ne conçoit guère un jardin sans fraisiers : il n’est pas de fruit plus généralement recherché et plus essentiellement salubre que la fraise. D’ailleurs la Nature, dans ses merveilles, les a répandues sous un grand nombre de climats. Dans la constitution d’une fraisière, il est indispensable pratiquement de tenir compte de la nature du fraisier : les semis ne conviennent qu’aux variétés à petits fruits et fournissent même, dans ce cas, des plants d’une vigueur étonnante, mais, appliqués aux variétés produisant de gros fruits, on s’exposerait à de graves mécomptes : les caractères se modifieraient bien vite dans un sens défavorable. Par filets donc, on multipliera les fraisiers donnant de gros fruits. Quant aux fraisiers sans filets, appelés Gaillons, on procédera avantageusement par éclatage de touffes. Nous envisagerons ces deux derniers modes de reproduction appropriés à l’époque ; la constitution par semis fera l’objet d’un article ultérieur en temps opportun.

Pratique de l’installation d’une fraisière en septembre.

Choix, et préparation du terrain convenables :

— S’il est un fruit sur lequel la nature physique et chimique du sol influe au plus haut point, c’est bien la fraise. Quel est le sol idéal ? C’est celui qui n’a pas porté de fraisiers depuis au moins quatre à cinq ans, qui est léger (quelque peu calcaire), frais, assez perméable et fumé depuis plusieurs années, tout au moins depuis deux ou trois ans.

Choix des plants :

a) Ne pas prendre les filets ou coulants sur de trop vieux pieds pour éviter un manque de vigueur et surtout une dégénérescence rapide. On choisira donc les plants sur des pieds d’un an et on ne prendra sur chaque coulant que le premier pied qu’on enlèvera avec la motte.

b) Pour les variétés sans filets, on procède par division des touffes : on éclate les touffes par morceaux de 2 ou 3 cœurs. Faire enraciner en pépinière quelque temps à quinze centimètres d’intervalle.

Plantation et soins à donner :

— Le terrain étant convenablement préparé, si la terre paraît légère, la tasser légèrement. Pour planter, on creusera alors un trou assez large en utilisant le déplantoir et on y étalera largement les racines circulairement. On recouvrira ensuite de terre en dégageant bien les cœurs et on tassera quelque peu, si besoin est, avec le pied. Si le jardin est assez restreint et que, par suite, l’on ne dispose que de peu de surface, on se contentera de 2 planches de 1m,20 environ dans lesquelles on repiquera, en septembre, 4 lignes de plants distants de 30 centimètres minimum pour la variété à petits fruits et 40 à 45 centimètres minimum pour la variété à gros fruits. Un dispositif pratique consiste à établir des séries de 2 lignes jumelées : c’est-à-dire qu’on plante à 40 centimètres de distance deux lignes de fraisiers distants de 25 centimètres ; entre les planches de la sorte constituées, on laissera environ 50 centimètres : ainsi les soins culturaux et la cueillette seront grandement facilités.

Si l’on dispose d’un grand jardin, nous conseillerons de planter en lignes simples mais suffisamment espacées, 0m,50 sur 0m,30, de façon à pouvoir circuler facilement pour effectuer soins culturaux et récolte.

Dans ce cas également, il sera bon d’avoir toujours une nouvelle fraisière en voie de constitution.

On arrosera convenablement, sans exagération, jusqu’à ce que l’on remarque la reprise parfaite des plants. De temps en temps, il sera nécessaire de biner pour enlever les mauvaises herbes, aérer le sol et l’humidifier pas capillarité. Mais on se souviendra qu’il ne faut jamais remuer à fond une plantation de fraisiers. Si l’hiver ou le printemps ont été humides, il sera bon de répandre, entre les lignes, les pieds, du sulfate de fer, du plâtre sous forme, par exemple, de plâtras de démolition qu’on aura pulvérisé au mieux. Fin septembre et courant octobre, après un nettoyage de la plantation, on répandra à l’are 100 kilos de fumier bien décomposé, quelques kilos (2 à 4) de sulfate de potasse et de scories de déphosphoration. Au début de la floraison, un épandage à la volée de quelques kilos de nitrate de soude à l’are produira d’heureux effets. Même dès l’apparition des premières fraises, fussent-elles vertes, il sera bon d’arroser la plantation, mais en prenant la précaution de ne pas toucher aux pieds, avec de l’eau renfermant le dixième de purin ou du nitrate de soude à la dose de vingt grammes par dix litres d’eau.

Comme une bonne fraisière ne dure que trois ou quatre ans environ, on remédie à ce grave inconvénient de la façon suivante : la première année, de septembre à octobre, les plants ont été replantés à 30 centimètres environ. On les transplante de nouveau à 40 ou 45 centimètres après la récolte de la deuxième année et à 50 centimètres après la deuxième récolte de la troisième année, car une transplantation chaque année est des plus favorables à la bonne venue du fraisier.

En procédant ainsi qu’il vient d’être indiqué, nous aurons toujours, dans notre jardin, une fraisière en plein rapport, qui présentera un aspect des plus luxuriants de fleurs et qui, surtout, produira des fruits remarquables tant par leur qualité que par leur quantité.

Ch. BOILEAU.

Le Chasseur Français N°631 Septembre 1949 Page 650