Rien ne donne plus une impression de tristesse qu’un pays
dépourvu d’arbres. Le jardin attenant à la maison familiale pourvu abondamment
d’arbres fruitiers, de légumes et de fleurs éveille dans l’esprit du voyageur
qui traverse la contrée l’idée de bien-être et d’aisance.
Les arbres fruitiers remplissent toutes ces conditions. Au
printemps, ils sont décoratifs par leurs fleurs. Quelle émotion vous rappelle
la traversée d’un verger en « livrée de noce », habillé de blanc et
tout parfumé, donnant à l’atmosphère et aux êtres vivants l’impression d’un
rajeunissement, faisant face à la demi-torpeur de l’hiver. Tout en ce moment
chante le renouveau autour de l’habitation, les oiseaux comme les fleurs. À ce
réveil de la vie sous l’action des premiers rayons chauds de soleil,
l’arboriculteur reprend avec bonheur le chemin du verger stimulé par la
perspective des récoltes futures.
Pendant toute la belle saison, le jardin donne à cueillir
des fruits, depuis les cerises, abricots, pêches, prunes, raisins, poires et
pommes. Que de ressources extraites du jardin. Ce sont des provisions
abondantes enfermées dans le fruitier pour la saison hivernale. À ces profits
matériels s’ajoute la somme de bonheur que le jardin procure à ceux qui le
cultivent. Quelle joie pour l’ouvrier des villes, le commerçant, lorsque après
une semaine de labeur, dans l’atmosphère limitée du bureau, du magasin, il peut
chaque dimanche, du printemps à l’automne, gagner la campagne et passer
quelques heures combien délicieuses dans le jardin qu’il a constitué de toutes
pièces dont il a tracé les carrés, planté tous les arbres. Chaque année il les
a taillés, dirigés, il connaît leur tempérament, leurs aptitudes.
Indépendamment du calme, du repos salutaire qu’ils lui procurent, ils
contribuent à lui assurer le bien-être.
En outre, la culture fruitière est capable de donner des
profits tels que les autres cultures, même les plus rémunératrices, et elle
crée la richesse dans les contrées qui s’y adonnent rationnellement. Grâce aux
communications rapides dont nous jouissons aujourd’hui, les fruits peuvent être
expédiés à de grandes distances, passer les frontières, gagner tous les pays de
l’Europe. Pour exploiter les situations privilégiées qu’offre notre pays pour
la production des fruits les plus variés, il faut en faire le verger de
l’Europe.
Créons des vergers pour alimenter les marchés de
l’intérieur, de l’extérieur et accroître la richesse publique ; la
plantation des arbres fruitiers est un placement sûr. Exploitons par l’arbre
fruitier les sources d’énergie dont nous sommes gratifiés par notre climat pour
ces aliments merveilleux que sont les fruits. N’oublions pas que l’homme est de
par sa dentition plus frugivore que carnivore et que les fruits, par leurs
réserves sucrées amylaires, grasses, avec la matière azotée et les sels
minéraux qu’ils renferment, sont des aliments énergétiques : un kilogramme
de confiture peut fournir à l’organisme humain plus des deux tiers des calories
qui lui sont nécessaires. Les fruits séchés possèdent la même puissance calorifique.
L’exploitation de la culture fruitière dans notre pays est
non seulement une vérité économique, c’est aussi une œuvre sociale d’une haute
importance, et nous répondons aux désirs des hygiénistes en souhaitant que les
fruits prennent dans l’avenir, dans notre alimentation courante, la place que
leur composition et leur valeur nutritive et énergétique leur assignent.
M. DÉAUX.
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