On cultivait, en France, en 1850 : 5.951.000 hectares
de blé pour une production de 65.990.000 quintaux. En 1868, la superficie
montait à 7.062.000 hectares et la production à 87.587.000 quintaux, le
rendement unitaire passant de 11 quintaux à 12,40 quintaux,
amélioration due d’ailleurs uniquement aux circonstances météorologiques, les
moyennes décennales n’ayant pas sensiblement changé. En 1938, la superficie
était tombée à 5.050.000 hectares, ce qui n’empêchait pas la production
d’atteindre 98.010.000 quintaux avec un rendement unitaire de 19,41 quintaux.
Certes, toutes les années de cette période ne sont pas aussi favorables, mais
la moyenne décennale atteint 15,50 quintaux. Depuis, la superficie
consacrée au blé a encore diminué, et elle ne dépasse plus guère 4 millions
d’hectares, qui fourniront cependant, bon an, mal an, les quantités de blé
nécessaires à la subsistance du pays et peut-être même de quoi exporter quand
les conditions économiques et culturales seront revenues entièrement normales,
ce qui ne saurait plus guère tarder. Le rendement moyen est appelé à passer les
20 quintaux et seules resteront rentables les cultures qui ne tomberont
pas trop au-dessous.
L’amélioration des rendements, causée d’abord par la
diffusion de meilleures méthodes culturales, par la généralisation de l’emploi
des engrais minéraux, par un nettoiement plus poussé des terres, est surtout dû
maintenant à la meilleure qualité des semences et aux qualités productives des
nouvelles variétés.
Pendant longtemps, on s’est contenté de semer des blés de
pays rustiques, mais peu productifs. Ils versaient en outre facilement, ce qui
amputait encore la récolte.
Un premier progrès vint de l’introduction de variétés
étrangères : anglaises, suédoises, hollandaises, plus productives, mais malheureusement
mal adaptées à nos climats ; les unes échaudaient, les autres
gelaient ; les mécomptes furent nombreux, et, dans les régions à climat un
peu rude, bien des agriculteurs, non sans raison, continuaient à donner la
préférence aux variétés locales éprouvées et aux rendements réguliers.
Les progrès, cependant, se sont affirmés, et actuellement
l’agriculteur a, à sa disposition, des variétés excellentes parmi lesquelles il
lui est facile de choisir celle qui convient au climat local, à la richesse du
sol, à la propreté des terres.
Deux moyens essentiels ont permis ce progrès : la
sélection et la création de variétés nouvelles.
La sélection : elle peut être extrêmement rudimentaire
et consister simplement à prélever la semence dans un champ de belle venue, ou
bien à trier le grain, à le calibrer, à choisir le plus dense. Ces procédés, si
simples et à la portée de chacun, sont pourtant bien souvent négligés. Ils ne
sont cependant pas indifférents et donnent de bons résultats qui paient
largement les frais qu’ils entraînent. Ils retardent la
« dégénérescence », c’est-à-dire la diminution de la productivité
compensée par un accroissement de rusticité, mais ils ne la suppriment pas et
ils sont, en tout cas, incapables d’assurer une amélioration quelconque de la
variété.
Les meilleurs résultats sont obtenus par la « sélection
en masse ». On prélève dans un champ un certain nombre d’épis qu’on a
remarqués pour leur belle venue ou leur régularité, en évitant toutefois ceux
qui présenteraient un caractère anormal dû à des conditions exceptionnelles de
végétation. Avec les graines mélangées de ces épis, on ensemence une parcelle
qui fournira l’année suivante la quantité nécessaire aux besoins de semence de
l’exploitation. Ce procédé, dont la technique est facilement réalisable,
constitue un progrès marqué sur la sélection purement mécanique. Il s’apparente
à l’ « épuration », qui fut longtemps en honneur. Elle consiste, dans
un champ homogène et de belle venue, à éliminer les plantes qui ne présentent
pas les caractères de la variété cultivée. Pratiquée avec méthode et vigilance,
cette méthode permet de conserver des types rigoureusement purs avec toutes
leurs qualités, mais non de les améliorer. Ce résultat ne peut être atteint que
par la sélection généalogique.
Dans la sélection généalogique, on choisit un certain nombre
de plantes mères et on en suit la descendance. On prend des touffes provenant
d’un même grain, qu’on isole à la récolte et qu’on égraine à part. On a ainsi
autant de petits lots de blé qu’on avait de touffes. On sème ces lots à part,
en lignées numérotées. Tout au long de la végétation, on les surveille, et
toute lignée qui ne donne pas satisfaction est éliminée. À la récolte, on
continue les mêmes précautions, de façon à ne pas mélanger les lignées, qui
deviennent l’unité, au lieu de la touffe l’année précédente. On bat les lignées
à part et on sème à part. Il en va de même les années suivantes, la descendance
de chaque touffe augmentant en progression géométrique, mais le nombre des
parcelles diminuant par élimination des médiocres.
Cette méthode, simple dans son principe, demande beaucoup de
soins et de minutie dans son application, ainsi que des connaissances
génétiques assez complètes. Elle reste du domaine des spécialistes, auxquels
elle permet de porter au maximum les qualités des variétés, puisqu’elle est
basée sur le choix de géniteurs d’élite, qui transmettent leurs qualités à
leurs descendants. Elle ne crée, toutefois, pas de variétés nouvelles.
Création de variétés : ce résultat sera obtenu
essentiellement par l’hybridation. Elle consiste dans la fécondation d’une
variété A par le pollen d’une variété B, en vue de fixer sur un même
pied des qualités différentes des parents. La technique est, évidemment, assez
délicate, et il faut de nombreuses tentatives avant d’obtenir le nouvel hybride
supérieur aux variétés existantes, digne d’être multiplié et lancé dans le
commerce. Cette hybride obtenu, fort peu stable à son origine, doit être fixé
ensuite par une application rigoureuse et prolongée des méthodes de la
sélection généalogique.
Il est à noter qu’on trouve parfois des hybrides naturels
qui peuvent se montrer fort intéressants.
Mesures de protection : il a paru nécessaire au
législateur de protéger l’agriculteur contre la fraude particulièrement facile
en matière de semences. Il a été créé à cet effet un Registre des plantes
sélectionnées et un Comité de contrôle des semences. En outre, le décret du 23 septembre
1934 et les textes subséquents ont interdit de désigner une semence de blé,
d’avoine ou un plant de pommes de terre par une dénomination autre que celle
qui figure au catalogue du registre des plantes sélectionnées, ce qui empêche
les démarquages.
Il est interdit également de mettre en vente des semences de
blé dont le pouvoir germinatif est inférieur à 85 p. 100 et la teneur en
impuretés supérieure à 2 p. 100. Une distinction est faite entre le blé de
sélection originale, dont la pureté doit atteindre 999 pour 1.000 et le blé dit
de reproduction, dont la pureté minima est de 990 pour 1.000.
De nombreuses variétés de blé figurent au catalogue des
marchands grainiers, et chaque année en voit paraître de nouvelles, l’effort
des sélectionneurs portant sur le rendement, la résistance aux maladies
(rouilles, charbon), la valeur boulangère, la résistance au froid ou à
l’échaudage, etc. Une gamme complète s’offre à l’agriculteur, qui n’a plus qu’à
exercer son choix, en fonction des conditions propres à son exploitation.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
|