Jusqu’à ces dernières années, la destruction du feuillage
avant la récolte des tubercules était rarement pratiquée. Je l’ai vu employer
fin octobre, dans des parcelles tardives, pour avancer la maturation. En cas
d’invasions du mildiou, des cultivateurs fauchaient également les fanes
noircies par la maladie ou en parties vertes, cela dans le but de faciliter la
conservation de la récolte en tubercules. Aujourd’hui, la pratique de la
destruction du feuillage, avant la maturité, est devenue obligatoire dans les
cultures de sélection des syndicats affiliés à la Fédération nationale.
Les inconvénients de la destruction anticipée.
— Outre le gros travail occasionné par la destruction
des tiges encore vertes, cette pratique offre un autre inconvénient
certain : c’est la réduction du rendement en tubercules. Nous l’avons dit
bien des fois, le grossissement des tubercules se poursuit jusqu’à la
dessiccation complète et naturelle des fanes. Il y a, par suite,
amoindrissement certain de la récolte globale chaque fois que, par une cause
fortuite, l’appareil aérien dépérit prématurément.
Les avantages de la destruction anticipée.
— Quand il s’agit d’obtenir des plants de sélection,
la pratique offre certains avantages qui la font recommander. On s’est aperçu,
en effet, que la contamination de pied à pied se produit surtout sur le tard de
la végétation. Les observations que j’ai pu faire en Haut-Forez corroborent
cette manière de voir.
Parfois, dans ce secteur élevé, se produisent des gelées
s’échelonnant de la fin août à fin septembre. Le feuillage est frisé, puis
détruit en pleine végétation, ce qui permet d’avancer l’arrachage.
Or on s’est aperçu que la récolte de ces pommes de terre,
bien que réduite en quantité, offrait l’année suivante certains
avantages : les plants germaient bien et une certaine réduction des
phénomènes morbides dans la végétation était observée.
En 1945, j’avais une famille d’Ackersegen, plantée à
3 mètres d’autres variétés ; cette famille est resté magnifique
jusqu’au début de septembre ; à partir de cette date, des symptômes
d’enroulement, diffusés je ne sais comment, se sont produits dans une partie de
la famille jusque-là saine, en sorte que le lot a fourni ultérieurement de
mauvais résultats.
La même année, j’ai constaté le même fait sur un lot d’Osbote,
élite importation.
Des incurvations se sont produites sur le tard dans la
culture jusque-là saine, amoindrissant fortement l’état sanitaire.
À mon sens, il est notoire que des contaminations se
produisent le dernier mois, soit par les pucerons, soit autrement : Frisolée,
bigarrure, et surtout enroulement sont fréquents.
Les expériences comparatives.
— Dans la revue La pomme de terre française, M. Josse,
ingénieur agricole, relate qu’un expérimentateur hollandais avait planté des
tubercules présumés sains entre deux lignes de pieds malades. La récolte de ces
pieds sains a fourni 0 à 4,2 p. 100 de touffes atteintes lorsque la
récolté a été effectuée dans la première quinzaine de juillet et 68 à 96
p. 100 de touffes atteintes lorsque la récolte a été retardée jusqu’à fin
septembre et début d’octobre.
Dans la même revue, M. Nègre, ingénieur
agronome, mentionne une expérience relative à l’arrachage précoce des plantes,
expérience effectuée dans l’Aveyron. En comparant les résultats des arrachages
échelonnés du 26 août au 1er octobre 1946, on remarque
nettement la progression croissante des plantes malades sur diverses variétés.
En définitive et en matière de sélection, l’arrachage
précoce se justifie, bien qu’il conduise à une réduction importante de la
récolte globale.
Comment s’opère la destruction des fanes.
— Si l’on pouvait simplement avancer la récolte d’un
mois sans être obligé de détruire au préalable les tiges vertes, le problème
serait simple. Mais cette façon de faire n’est recommandable que sur quelques
lignées parce que, en opérant ainsi, la peau des tubercules n’est pas
adhérente, que les tubercules deviennent mous, difficiles à conserver.
Pratiquement, il y a lieu d’enlever les fanes ou de les détruire, puis
d’attendre une vingtaine de jours pour procéder à l’arrachage des tubercules.
Ceux-ci mûrissent ainsi sur place, et leur récolte n’offre pas de désagréments.
On peut utiliser l’ancien procédé du fauchage lorsque les
parcelles sont de faible étendue. On emploie la faux ou la machine. Le
feuillage coupé reste étalé sur le sol ; d’habitude, on l’enlève pour
faciliter les travaux d’arrachage.
Les procédés chimiques pour la destruction.
— Le fauchage est long et pénible ; à l’heure
actuelle, on le remplace par divers produits chimiques.
1° Il faut signaler en premier lieu l’eau acidulée
préparée dans les proportions suivantes : acide sulfurique, 10
p. 100 ; eau, 90p. 100. Verser l’acide dans l’eau et non l’eau
dans l’acide. La solution utilisée à la dose de 1.000 litres à l’hectare
noircit de suite le feuillage. Mais la méthode a un inconvénient : il faut
des pulvérisateurs spéciaux, recouverts de plomb, car la solution attaque le
cuivre.
2° Le chlorate de soude peut s’employer avec des
pulvérisateurs ordinaires à la dose d’environ 20 kilos pour 1.000 litres
d’eau. C’est un herbicide puissant, employé aussi pour la destruction des
mauvaises herbes. Son inconvénient est son pouvoir toxique qui, quelquefois,
peut se manifester dans la céréale semée après la pomme de terre.
3° Le sulfate d’ammoniaque employé en solution dans
l’eau, à la dose moyenne de 25p. 100, a également été essayé, notamment
par M. Nègre, dans l’Aveyron ; le brûlage des fanes a été
assuré dès le deuxième jour.
4° Enfin, tout récemment, on a parlé d’hormones végétales
utilisées, depuis quelque temps, en solution ou en poudre pour détruire les
mauvaises herbes. Ces hormones facilitent d’ailleurs la conservation des pommes
de terre de consommation en détruisant les germes. Elles remplacent l’eau
acidulée préconisée par M. Schribaux.
Cl. PERRET.
|