Dans le problème du classement des petits bois ronds,
susceptibles de donner des bois de feu, des bois de papeterie, des bois de
défibrage, des bois pour extraits tannants et même des bois de mine, il y a
lieu de distinguer quatre cas particuliers :
1° Le classement des produits donnés par les taillis ;
2° Le classement des produits donnés par les coupes à blanc des jeunes plantations résineuses ;
3° Le classement des produits donnés par les éclaircies de futaies ;
4° Le classement des produits tirés des cimes ou des parties tarées des gros arbres.
Les taillis présentent de notables différences de
rendement, qui tiennent à l’influence de la station dans laquelle ils ont crû,
à celle des essences dont ils sont composés et aussi à celle du mode de
traitement (révolution courte ou longue, absence ou présence de réserves, plus
ou moins nombreuses, au-dessus du taillis).
En général, les jeunes taillis et ceux où dominent les
essences dures et tous ceux dont la vigueur de végétation a été passable sont
surtout riches en bois de feu. Leur exploitation exige un débroussaillement
préalable coûteux. Leur rendement n’atteint pas 100 stères à l’hectare (en
y comprenant les fagots). On en tire surtout du rondin de tiges, de la
charbonnette, des fagots et bourrées. Le bûcheron avisé y fabrique des rames à
haricots et à pois qu’il vend bien, s’il est à proximité d’une ville. On peut y
sélectionner des rondins pour la manchisterie, en cornouiller, érable
champêtre, alisier terminal, voire en charme. Autrefois, on y recherchait des
brins pour la tournerie, des cercles de tonneaux, des harts.
Les taillis exploités à révolution plus longue (25 à 40 ans),
ceux dont la végétation a été vigoureuse donnent des produits supérieurs. S’ils
sont d’essences dures (chêne, charme), outre la charbonnette et le rondin, ils
peuvent donner aussi du quartier, du bois de défibrage, des bois de mine
(étais, rallonges et queues). Le robinier faux acacia, le châtaignier
produisent des piquets et tuteurs. Si le taillis comprend des essences tendres
ou demi-tendres (tremble, tilleul, aulne, bouleau), on en tire de la
charbonnette, du bois de boulange, du bois de papeterie et de défibrage.
Les coupes à blanc de jeunes plantations résineuses,
d’essences indigènes (épicéa, pin maritime, pin sylvestre, pin laricio de
Corse, mélèze d’Europe), ou introduites (pin noir, Douglas), donnent des
produits très variés dont les utilisations dépendent beaucoup des essences. Les
pins peuvent fournir une forte proportion de bois de mine de toutes catégories.
Presque toutes les essences résineuses sont utilisables en papeterie, en
défibrage ou, à la rigueur, comme bois de boulange.
Les éclaircies de futaie, dans les gaulis et perchis,
donnent des produits en relation avec l’âge du peuplement et les essences
constituantes. Les gaulis de chêne, hêtre, donnent des fagots, des rames, de la
charbonnette ; les gaulis résineux donnent des fagots, de la charbonnette,
du bois de boulange, des tuteurs. Les perchis d’essences feuillues donnent des
bois de feu et de défibrage, des bois de mine (principalement des rallonges et
des bois de voie, en chêne et charme) ; les perchis d’essences résineuses
donnent des bois de papeterie et de défibrage, des bois de mine, des perches
d’industrie, etc.
Les cimes ou les parties tarées des fûts donnent
principalement des bois de feu (quartier et rondin de houppier) noueux, durs à
fendre, mais tenant bien le feu (la branche de sapin vaut mieux que la tige,
pour le chauffage). On en tirerait difficilement des bois de papeterie ou des
bois de mine, qui d’ailleurs seraient mauvais.
Telle est l’influence exercée par le mode de traitement,
l’âge, les conditions de végétation, la nature des essences, sur le classement
des produits ronds des exploitations forestières. Ajoutons quelques mots sur
les catégories les plus importantes.
Les bois de feu sont, en temps normal, assez peu
demandés. Sur une possibilité annuelle de trente millions de stères, on en
utilisait, avant guerre, quinze millions pour le chauffage domestique et
industriel, la carbonisation, le bois gazo et la boulange. La houille,
l’essence, le gas-oil, le mazout, l’électricité concurrencent irrésistiblement
le bois. Celui-ci ne peut se défendre que si les exploitants forestiers
soignent la qualité des produits livrés au consommateur. Il faut exploiter
hors sève pour avoir des bois qui sèchent bien et ne s’altèrent pas ;
séparer les essences dures, donnant beaucoup de chaleur, des bois tendres qui
ne tiennent pas le feu ; séparer le bois de tige du bois de
houppier ; bien calibrer les bois ; faire des stères sans
trous ; bien faire sécher le bois avant de le vendre ; livrer des
produits conditionnés avant l’été au consommateur et non des bûches qu’un
citadin a du mal à scier et à fendre sur son trottoir ou dans son couloir.
Au boulanger, on livrera des essences tendres, fendues très
fin, bien séchées et bottelées pour faciliter les manutentions.
D’autres débouchés font l’objet de recherches pour utiliser
une partie des bois de feu qui sont ou qui seront bientôt en excédent : la
papeterie, le défibrage, en particulier.
La papeterie utilisait surtout, avant guerre, les
essences résineuses (sapin et épicéa pour la pâte mécanique et la pâte au
sulfite, pins pour la pâte brune et la pâte kraft) et les essences tendres
telles que le tremble et les peupliers.
Or les besoins sont considérablement supérieurs à la
production. Sur 5 millions de stères qui nous seraient nécessaires, nous
ne pouvons même pas en trouver 1 million chez nous. Il faut importer le
reste de l’étranger (pays Scandinaves, Canada) sous forme de bois et surtout
sous forme de pâtes et même de papier, ce qui est très lourd pour notre balance
commerciale.
Il faut donc absolument : intensifier en France
la production des résineux et essences tendres susvisées ; chercher à
utiliser en papeterie d’autres feuillus, en particulier les mélanges de
feuillus durs de nos taillis pour la cartonnerie (pâte brune) et les industries
chimiques de la cellulose (pâte au bisulfite) ; utiliser au maximum en
papeterie, cartonnerie et défibrage nos chutes de scierie (dosses et
délignures).
L’exploitant forestier doit d’ailleurs ne pas perdre de vue
que la papeterie et le défibrage ont besoin de produits soignés, pour
lesquels des précautions sont à prendre : abatage hors sève ;
élimination des gros nœuds, des tares, des altérations, des fentes et des
éclats ; sélection en ce qui concerne la rectitude ; calibrage
minutieux ; en général écorçage soigné (forestier ou blanc-blanc) ;
séchage hors du contact du sol, qui risque d’apporter du sable, des graviers et
des pourritures.
Comme toujours, c’est par la qualité que l’exploitant
forestier pourra défendre victorieusement le matériau bois contre ses
concurrents, et c’est grâce à une matière première de qualités que nos produits
finis (papiers, cartons, emballages, panneaux et fibres) jouiront d’une bonne
réputation.
LE FORESTIER.
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