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Coffres-forts sternutatoires

Dans la lutte contre les cambrioleurs, la Science, décidément, se range du côté des honnêtes gens : depuis la serrure-canon, qui fusille les indésirables, jusqu’au coffre-fort asphyxiant, qui les fait périr dans une quinte d’éternuements incoercibles, la défense marque incontestablement un point sur l’attaque !

À Londres, la célèbre « chambre forte » de la Banque d’Angleterre, située à 18 mètres de profondeur, est garantie par un mur de granit de 6 mètres d’épaisseur, doublé par un matelas liquide formé d’une épaisseur de 1m,80 d’eau. L’attaque, assurément, paraît difficile, même pour des scaphandriers armés de chalumeaux !

Sous toute la superficie du Crédit Lyonnais, à Paris, existe une chambre forte divisée en trois étages. La profondeur est également de 18 mètres et la protection est constituée par un blindage en acier, séparé par un espace vide des murs extérieurs, qui ont une épaisseur de 5 mètres.

Les parois de nombreuses chambres fortes sont tapissées d’une toile métallique à contacts électriques, en sorte que la moindre pression suspecte se traduit par un signal d’alarme. Quant à l’« œil électrique », notre vieille connaissance, il a fait florès dans le domaine policier en se chargeant de veiller infatigablement dans les couloirs de ronde ... et de tirer impartialement sur les suspects.

Le romantique granit est abandonné aujourd’hui au profit du béton armé ... on pourrait même dire d’un béton doublement armé ! Outre son armature ordinaire de solidité, le ciment très dur qui constitue le béton enrobe de dangereuses spirales tranchantes en acier extra-dur, pratiquement impossibles à traverser.

Atchoum ! ... Police-Secours ! La peu honorable besogne des perceurs de coffres-forts est nettement ce que les sportifs appellent une « épreuve contre la montre ». Dans l’île de Robinson Crusoé, disposant de plusieurs mois et d’un outillage adéquat, le cambrioleur le plus novice finirait par avoir raison du coffre-fort le plus robuste ! L’essentiel est de rendre les opérations d’effraction suffisamment longues pour que le cambriolage ne puisse s’effectuer durant la nuit, ou plus exactement durant les quarante-huit heures du week-end ou des jours de fête.

Les malfaiteurs, chacun le sait par la lecture des romans policiers, ont fait des progrès remarquables. La « pince monseigneur » est aujourd’hui complétée par des engins mécaniques d’une rare puissance, tels que le « fer à repasser » ou étrier de force. Le chalumeau oxyacétylénique est une arme de choix, qui permet de couper des tôles épaisses avec une grande rapidité, par combustion du métal. L’outillage, il est vrai, représente un capital important ... mais un capital qui rapporte !

C’est pour faire face à l’attaque au chalumeau que les fabricants de coffres-forts ont créé les fameuses « laves artificielles » à l’oxyde de zirconium, qui résistent aussi bien aux outils perforateurs qu’aux chalumeaux les plus brûlants. Des semaines de travail seraient nécessaires pour percer dans ces laves un trou permettant de passer la main !

Une composition « volcanique » réellement diabolique est aujourd’hui très usitée ; elle prend feu au contact du chalumeau sans qu’on puisse l’éteindre et dégage une masse de fumée asphyxiante et sternutatoire. Il ne reste plus à la police qu’à venir cueillir le malfaiteur « endormi » sur le parquet ! Quant au « tube-canon », embusqué à côté de la serrure, et qui intervient bruyamment dès qu’on essaie de crocheter cette dernière, il est, si l’on peut dire, à double effet : d’un côté il fusille le voleur et, de l’autre, il bloque définitivement le mécanisme de la serrure.

La flamme bondissante.

— La « lumière chantante » a été créée pour dépister les cambrioleurs trop ingénieux, avertis des progrès de la physique et qui ont parfois réussi à « aveugler » les yeux électriques de surveillance à l’aide d’une simple lampe de poche ! Les faisceaux de rayons infra-rouges invisibles seront désormais « modulés » suivant un rythme par un dispositif autodyne. Si le malfaiteur ne dispose pas d’une lampe synchronisée sur la même note, l’œil électrique s’empressera de donner l’alarme.

M. Esclangon, ancien directeur de l’Observatoire de Paris, créateur de la célèbre « horloge parlante », a présenté à l’Académie des Sciences une certaine « flamme bondissante » qui permet une protection à distance sans fil.

Cette flamme, alimentée par du gaz ou du butane, brûle paisiblement au sommet d’une bonbonne métallique rigide ; dès que vous remuez une porte ou que vous essayez de forcer un volet, même dans un local très éloigné, la flamme sursaute violemment. C’est une application du phénomène physique classique des « infrasons », ou sons extra-graves.

En équipant la bonbonne à flamme d’un œil électrique, M. Esclangon a obtenu un détecteur d’une sensibilité extrême. Installé dans votre chambre, le « détecteur à flamme bondissante » donnera l’alarme dès qu’un malfaiteur tentera de forcer une fenêtre quelconque de la maison, même séparée de votre chambre par un nombre respectable de portes fermées ... Il y a là un système peu coûteux et singulièrement efficace de protection contre les malfaiteurs.

Pierre DEVAUX.

Le Chasseur Français N°631 Septembre 1949 Page 667