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Une batterie d’accumulateurs

« qui dure toute une vie »

Les accumulateurs électriques sont des réservoirs d’électricité, utilisés universellement pour des applications presque innombrables. Ils sont désormais, en particulier, indispensables pour le bon fonctionnement des automobiles modernes, en assurant l’allumage et le démarrage du moteur, l’éclairage des appareils de nuit, l’alimentation de multiples accessoires. On les utilise également dans les chemins de fer, les tramways, les navires, les avions, et, pour l’alimentation des appareils de T. S. F. portatifs, de différents modèles.

Ces accumulateurs sont habituellement des éléments dits « au plomb », dans lesquels les électrodes sont constituées, en principe, par des plaques de plomb baignant dans une solution d’acide sulfurique dans l’eau distillée. En fait, la matière active est formée par de l’oxyde de plomb fixé dans les cellules de l’électrode positive constituant une sorte de grille métallique, et par du plomb spongieux sur les plaques négatives.

Cet accumulateur est surtout employé en raison de sa simplicité, et de son prix de revient relativement réduit ; il fournit une tension assez élevée, de l’ordre de 2 volts par élément ; mais, en regard de ces avantages pratiques, il présente de très graves inconvénients, bien connus des usagers, et, en particulier, des automobilistes.

Il est presque impossible d’éviter, à la longue, une sulfatation anormale, se traduisant par un enduit blanchâtre des plaques, et on ne peut laisser la batterie au repos. Il est nécessaire de la conserver constamment en état de charge ; sa résistance mécanique est insuffisante, le grillage des plaques s’oxyde, et se désagrège peu à peu, la masse active tombe au fond du bac, et l’élément est mis plus ou moins rapidement hors d’usage. Le dégagement des gaz entraîne des vapeurs acides, provoquant la corrosion des bornes, et des contacts, malgré les soins d’entretien indispensables ; aussi la durée de service, limitée à quelques centaines de charges et de décharges, dépasse-t-elle bien rarement quelques années.

On connaît, depuis une quarantaine d’années, une autre catégorie d’accumulateurs beaucoup moins répandus, dans lesquels l’électrolyte n’est plus acide, mais alcalin, et intervient très peu dans les réactions chimiques. L’électrode négative est formée, en principe, par du fer, et l’électrode positive est à base de nickel ; les plaques sont contenues dans un bac en tôle d’acier nickelé, avec couvercle soudé ; elles sont montées à une faible distance les unes des autres, avec des séparateurs en ébonite.

Cet élément est connu également souvent sous le nom d’accumulateur Edison, parce que le grand inventeur américain en a, le premier, réalisé des modèles pratiques. Son grand avantage est dû à sa construction entièrement mécanique, et à la constitution des cadres renfermant la matière active, absolument inattaquables par l’électrolyte. Les électrodes sont de très longue durée, l’appareil est robuste et assure une très grande sécurité de fonctionnement ; une batterie de voiture peut supporter 600 décharges sans que son énergie baisse de plus de 15 p. 100.

Cependant, la tension moyenne d’un élément n’est plus que de 1,23 volts, donc beaucoup plus faible que celle d’un élément au plomb, ce qui rend nécessaire l’utilisation d’un plus grand nombre d’éléments, à égalité de tension, et surtout la construction est beaucoup plus coûteuse, et il faut prévoir une dépense supplémentaire de courant.

Le dégagement des gaz n’est pas nul, l’entretien demeure relativement compliqué ; il faut changer de temps en temps l’électrolyte, pour éviter l’absorption de l’acide carbonique de l’air ; il est difficile d’éviter la formation de sels grimpants et l’encroûtement des bornes.

Néanmoins, l’accumulateur fer-nickel était déjà utilisé normalement dans l’industrie. On commence, pourtant, à reconnaître les qualités d’un autre accumulateur de la même catégorie, dont l’idée initiale est également ancienne, mais dont la réalisation pratique, et surtout la diffusion, sont récentes. Il s’agit de l’accumulateur cadmium-nickel, avec encore un électrolyte alcalin, mais dans lequel le cadmium remplace le fer, pour la réalisation de l’électrode négative. Cet accumulateur paraît désormais présenter des inconvénients très inférieurs à ceux du modèle fer-nickel, tout en conservant la plupart de ses avantages.

C’est donc, avant tout, un élément de longue durée, et les techniciens américains, qui aiment les expressions saisissantes, et souvent un peu exagérées, lui ont donné le nom de lifetime battery, c’est-à-dire de batterie qui dure autant que la vie. Sa résistance mécanique est encore plus grande que celle de l’élément Edison ; on peut le conserver aussi bien chargé que déchargé, et son entretien est réduit au minimum. La tension moyenne par élément demeure encore assez faible ; néanmoins, ses avantages sont si grands que seul son prix de revient très élevé constitue encore la difficulté principale de son emploi.

Des batteries de ce type, installées sur des véhicules à moteur Diesel, avaient déjà permis, avant la guerre, d’obtenir des centaines de milliers de démarrages, sans détérioration, et les grands paquebots étaient équipés avec des batteries de sécurité de ce type. Ce sont, pourtant, les nécessités d’ordre militaire qui ont attiré l’attention des techniciens américains sur les possibilités inégalables de cet élément. Les avions, les tanks, les sous-marins, les fameuses fusées V-2, les projectiles télécommandés étaient équipés avec des éléments de ce type ; les services d’essais américains encouragent désormais sa construction.

Même avec un machinisme perfectionné, c’est encore un modèle coûteux, mais il peut fonctionner par tous les temps, dans les conditions les plus dures, par les plus grands froids ; il supporte tous les chocs, sa durée de service devient plus grande que celle des automobiles elles-mêmes, puisqu’il peut servir de quinze à vingt ans.

On peut l’employer dix-huit mois de suite sur une voiture parcourant 60.000 kilomètres, sans aucune vérification ; sur des bateaux à moteur Diesel, il sert pendant plusieurs années sans aucun contrôle. Sa longue durée de service, presque sans entretien, constitue un avantage tellement grand pour de nombreuses applications, que la dépense élevée ne constitue plus un argument prohibitif, du moins Outre-Atlantique.

P. HÉMARDINQUER.

Le Chasseur Français N°631 Septembre 1949 Page 669