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Contrôles de tir

Nous avons, dans notre dernière causerie, examiné l’outillage dont disposaient les spécialistes pour l’étude et le contrôle des munitions ; toutes ces mesures sont en dehors des possibilités des chasseurs, mais ces derniers sont souvent très désireux de se rendre compte par eux-mêmes du rendement de leurs armes, tant au point de vue du groupement que de la pénétration.

Nous examinerons aujourd’hui les questions relatives au groupement, nous réservant de traiter ultérieurement des conditions dans lesquelles on peut apprécier la pénétration des projectiles d’une arme de chasse. Ces deux contrôles ont chacun leur intérêt au point de vue de l’efficacité du tir, en particulier pour les chasseurs qui utilisent leurs armes dans des conditions de portée précise, avec centrage sur un gibier dont le poids est connu, comme c’est le cas dans la chasse au poste et à la hutte.

Nous croyons devoir prévenir ceux de nos lecteurs qui s’intéressent à ces essais que, sans envisager une coûteuse débauche de munitions, il convient de consacrer un minimum d’une dizaine de cartouches à l’étude d’un canon de fusil, soit vingt cartouches pour une arme à deux coups. Encore faut-il conduire rationnellement les essais pour tirer de cette minime consommation des conclusions pratiquement utilisables.

Parlons d’abord du matériel.

La cible, installée à la distance standard de 35 mètres, sera constituée par un cadre de bois sur lequel nous tendrons une feuille de papier d’environ un mètre de côté et sur laquelle sera tracé un cercle de 0m,75 muni d’un visuel au centre.

Nous tirerons debout, mais en appuyant le canon sur une ficelle tendue entre deux piquets, de manière à assurer la visée sans avoir de réaction d’appui. Trois cartouches de plomb no 8 tirées dans une même cible nous fourniront un groupement global très dense, dont nous pourrons déterminer à vue le centre sans comptages fastidieux. Nous saurons ainsi dans quelle mesure le canon essayé excentre son groupement.

Tenant compte de la correction nécessaire, nous tirerons cette fois dans deux nouvelles cibles, quatre cartouches de no 6 ; les groupements seront mieux centrés dans le cercle de 0m,75, et nous n’aurons qu’à diviser par deux le nombre des impacts pour apprécier la valeur de la dispersion. Nous rappelons que, pratiquement, celle-ci doit varier entre 40 p. 100 (canon cylindrique) et 70 p. 100 (canon choke) de la charge de la cartouche. Si nous désirions procéder rigoureusement, il conviendrait de tracer le cercle de 0m,75 autour d’un centre déterminé par comptage des impacts, de manière à répartir ces derniers en quatre fractions égales. Mais, si l’arme n’est pas trop mal réglée et le tireur adroit, nous obtiendrons directement un centrage convenable.

Nous terminerons par trois cartouches de plomb no 4 sur une dernière cible, en divisant cette fois le nombre d’impacts par trois. En employant ainsi seulement quatre cibles et dix cartouches, nous aurons une idée assez nette de la précision du canon et de la valeur de son groupement avec les plombs les plus usuels. Il nous restera à faire les mêmes essais pour le deuxième canon.

Il est évident que des séries plus longues donneraient une meilleure précision, mais un chasseur sera déjà très bien documenté par des tirs d’essai conduits comme nous venons de l’indiquer, et il convient de laisser les expériences plus précises aux professionnels qui s’attachent à l’étude de l’arme en elle-même beaucoup plus qu’à son utilisation par un tireur donné.

Si le réglage est reconnu défectueux (écart latéral trop important, coup trop bas), une révision de l’arme s’imposera. Il est entendu toutefois que ces essais doivent être conduits avec des munitions normales, les cartouches surchargées donnant presque toujours lieu à des coups bas et dispersés. Ce n’est qu’après s’être assuré de la double régularité du réglage et de la dispersion que l’on étudiera, s’il y a lieu, des variations de charge convenant à des tirs particuliers.

Dans l’étude d’un canon double, il sera utile de disposer les cibles de telle manière que la dispersion puisse être comparée et que le contrôle de la superposition des gerbes puisse se faire facilement ; on en aura d’ailleurs par avance une idée d’après les essais faits avec le plomb no 8. Il ne faut toutefois pas demander aux armes de chasse une précision que ne comporte pas leur usage, et des erreurs de réglage inférieures à 10 centimètres à 35 mètres (erreurs difficiles à déceler dans des essais aussi sommaires) seront sans influence sur les résultats obtenus dans la pratique du tir de chasse.

Plus importante est la question du réglage en hauteur qui, pour permettre de prendre la visée en découvrant la pièce, devra être de l’ordre du centième de la distance, soit 0m,35 à 35 mètres. On devra se souvenir de ce relèvement en tirant très en avant le gibier à poil venant sur le chasseur.

Nous rappellerons que la dispersion est d’autant plus grande que le plomb est plus petit et que par conséquent nous aurons de meilleurs groupements avec le plomb no 4 qu’avec le plomb no 6 dans un même canon. Des résultats contraires indiqueraient une anomalie dans les munitions utilisées aux essais.

Si notre réglage est bon, que devrons-nous demander à la dispersion ? Très simplement une valeur proportionnée à notre adresse et au genre de chasse considéré. Les groupements très serrés (70 p. 100 à 75 p. 100 de la charge dans le cercle de 0m,75) sont réservés aux excellents tireurs et à la chasse des gibiers immobiles. Le groupement moyen de 50 p. 100 correspond à la chasse courante en plaine (premier coup) et ceux de 40 p. 100 (canon cylindrique) et au-dessous (canon rayé) à la chasse au bois à courte portée sur gibiers peu visibles. Quant aux super-chokes, ils ne sont utilisables que dans le tir au posé avec des armes très bien réglées. On comprend, en effet, que le moindre écart dans le centrage d’un coup placera le gibier en dehors d’une gerbe évidemment très dense, mais inefficace dans ses plomb périphériques.

Nous examinerons dans une prochaine causerie comment l’on peut apprécier la pénétration des munitions.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 673