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Le coucou

Au cours des âges, les mœurs singulières de cet oiseau ont éveillé les préjugés les plus bizarres. N’allait-on pas jusqu’à assurer que vers la Saint-Jacques le coucou se change en oiseau de proie, mais que, reprenant sa forme première au printemps, il revient dans nos contrées sur le dos d’un milan ? De vieux Allemands soutiennent encore que le coucou qui chante au printemps annonce aux enfants combien d’années ils doivent vivre, et aux jeunes filles le nombre d’ans qu’elles doivent attendre un mari. Faut-il encore ajouter qu’au Moyen Age la cendre du coucou était considérée comme un remède souverain de l’épilepsie ? Des observations sérieuses ont mis fin à ces préjugés et permis de mieux connaître ses mœurs.

Cuvier a reconnu plusieurs espèces de coucous, mais seul le coucou gris d’Europe (Cuculus canorus) habite nos régions. Il est certes inutile de donner une description de cet oiseau que chacun peut voir ou apercevoir au printemps. Il est bon cependant de noter qu’extérieurement aucune différence marquée n’existe entre mâle et femelle, si ce n’est que cette dernière est légèrement plus petite. Bien plus intéressant sera d’étudier les traits saillants des mœurs de ce grimpeur : sa migration et les circonstances exceptionnelles de sa ponte.

Les coucous n’habitent l’Europe que du mois d’avril au mois de septembre (du début d’avril à la mi-juillet dans les régions du Centre de la France). À l’approche de la mauvaise saison, ils émigrent vers les pays plus chauds, notamment en Afrique. Fait remarquable, ils voyagent individuellement et de nuit, si bien qu’à Malte, où ils arrivent en même temps que les tourterelles, on les nomme « conducteurs de tourterelles ». Leur arrivée dans les pays tempérés est d’autant plus tardive que le lieu est plus septentrional. Dès son arrivée, le coucou s’annonce par son cri habituel « coucou » qu’il fait entendre de jour comme de nuit. Ce cri est celui des mâles ; les femelles profèrent un cri plus sourd semblable à un ricanement.

Quant à la ponte, voici des faits constatés par maints observateurs de pays différents : Lottinger et Klaas en Allemagne, Jenner et Blackwall en Angleterre, Levaillant et Florent Prévost en France, qui sont confirmés par de plus récents travaux. Les coucous mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles. Il en résulte que la femelle ne s’unit pas pour toute la saison avec le même mâle ; elle en change au contraire un grand nombre de fois, ne restant que quelques jours avec chacun d’eux. Cependant, chacune de ces unions est prolifique et sera suivie de la ponte de deux œufs, plus gros que ceux du moineau, mais de taille inférieure aux œufs de pigeon et de teinte variable : cendrés, verdâtres, bleuâtres, parsemés de taches plus ou moins grandes, plus ou moins nombreuses, mais toujours de nuance foncée. La saison se passe donc en pontes successives, sans que la mère ait le temps de couver les œufs ou d’élever les petits. Cependant, poussée par un instinct curieux, cette mère prend dans son bec l’un des œufs qu’elle va déposer dans un nid voisin pendant l’absence des parents. Elle choisit plus particulièrement pour ce dépôt les nids de la fauvette, de la lavandière, du verdier, du bouvreuil, du rossignol, du rouge-gorge, du bruant, de la grive, du pouillot, de la pie-grièche, du geai, et même de la pie et de la tourterelle.

Lorsque, après une incubation qui ne peut coïncider avec celle de l’espèce dont il est l’hôte, le jeune coucou voit le jour, sa mère adoptive lui prodigue des soins maternels payés d’une ingratitude révoltante. Les hissant sur son dos, le jeune coucou précipite les autres petits hors du nid maternel, à moins que sa mère n’ait déjà opéré la destruction des œufs. En grossissant, le jeune coucou s’avère très paresseux, et sa mère d’emprunt devra le nourrir très longtemps.

Il semble que la vie des coucous soit assez longue, puisque Naumann a vu un individu revenir vingt-cinq printemps successifs au même endroit. La nourriture du coucou ne peut être spécifique, puisque, dès son jeune âge, il accepte les becquées de sa mère adoptive, destinées à une espèce différente. De plus, pendant la période de migration, le coucou ne pourra trouver en Afrique une nourriture semblable à celle de nos régions. Cependant, un fait est certain : le coucou se nourrit exclusivement d’insectes et rend de grands services à l’agriculteur. J’ajouterai que la chair du coucou est bonne à manger en automne, mais que sa chasse s’avère difficile, car ce grimpeur est en effet particulièrement méfiant.

R. PASDELOUP.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 677