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Piégeage

Le blaireau

Cet animal, dont la constitution physique semble s’ajouter à ses qualités de finesse pour lui faire déjouer les embûches que l’homme sème sur son passage, ne figure que parmi les nuisibles temporaires pour le gibier. En effet, à part la saison des rabouillères et celle des nids, bien peu de gibier se trouve menacé par ce plantigrade aux allures de petit ours. Nullement taillé pour la course, il est incapable d’attraper un levraut de deux mois à la course, pas plus que de bondir sur un lapereau. À franchement parler, le blaireau est nuisible dans les chasses pauvres, où le lapin reste le seul gibier résistant au braconnage ; il devient utile dans les chasses surpeuplées de ce rongeur. Je m’abstiendrai de parler de ses dégâts du point de vue agricole où, là aussi, il peut être considéré comme nuisible temporaire, particulièrement.au moment des maïs et des vendanges, et où son degré de nuisibilité est à mon avis supérieur à celui envisagé du point de vue cynégétique.

Quoi qu’il en soit, en matière de vue piégeage, le blaireau donne souvent pas mal de fil à retordre aux piégeurs. Son allure lente, son nez près du sol, son odorat très développé sont autant de facteurs qui lui permettent d’éviter les pièges tendus.

Il faut en outre tenir compte du fait que bien peu de piégeurs observent le détail suivant, qui est la cause de la plupart des ratés : l’allure du blaireau, au pas et au petit galop, ne ressemble en rien à celle du renard. La voie du renard s’aligne sur une même droite, celle du blaireau se présente sous la forme de deux droites parallèles, chaque droite comprenant les pattes d’un même côté. De cette petite remarque, qui paraît insignifiante, on doit déduire que : si, pour le renard (et beaucoup d’autres animaux dits nuisibles), on pose les pièges au milieu de la coulée ou passage, pour le blaireau il faudra toujours décaler les pièges à droite ou à gauche par rapport au centre de la coulée. Il faut en quelque sorte viser une seule patte, celle de droite ou celle de gauche. Oh ! ce décalage n’est pas considérable ! mais il suffit pour amener un raté si on ne l’observe pas et une capture si l’on en tient compte.

Parmi les procédés de piégeage qui peuvent s’appliquer à lui, on doit signaler le piégeage au terrier, avec toutes ses modalités, le piégeage en coulée, en jardinet, qui sont les plus employés.

Le piégeage au terrier est assez délicat en ce sens que l’animal, au moment où il sort du terrier, a tous ses sens tendus pour déceler les embûches qui peuvent le guetter à sa sortie. La moindre faute de piégeage, et l’animal ne se prendra pas, il restera quinze jours et plus sans sortir, ou bien il fera une sortie supplémentaire qui lui donnera toutes facilités pour prendre le large. Dans le piégeage au terrier, le mieux est de donner connaissance à l’animal d’un obstacle visible qu’il évite pour tomber dans le piège. Un bon procédé consiste à barrer l’entrée du terrier de bûchettes de 5 centimètres de diamètre, solidement enfoncées et maintenues, après avoir tendu un piège à 20 centimètres en arrière de la barricade. L’attache du piège étant bien entendu placée à l’extérieur du terrier et consistant le plus souvent en un fort rondin de 1m,50 de long, afin qu’il ne puisse pas couler dans le terrier.

Un autre genre de piégeage très intéressant, là où les blaireaux ont élu domicile dans un gros terrier à gueules multiples, est le piégeage à l’enclos ou au grillage. Il permet avec peu de pièges de capturer successivement tous les occupants du terrier.

On dispose tout autour des terriers ou, mieux, de l’ensemble des terriers, un grillage de 1m,30 de hauteur dont 30 centimètres sont enterrés dans le sol. Inutile de mettre un grillage neuf, l’essentiel est de placer un grillage sans déchirures. On le fixe soit après des piquets, soit après les arbres mêmes, et très solidement. On pose alors, à l’intérieur du grillage, et de part et d’autre du point où les coulées, sortant des gueules, viennent rencontrer le grillage, des pièges le long de ce dernier. On se trouvera bien d’en placer également quelques-uns extérieurement pour prévenir les visites qui pourraient avoir lieu. Il faut savoir être patient, car les captures se font parfois après plusieurs jours d’attente. On doit surveiller de très près toute tentative d’évasion et garder à cet effet un ou deux pièges en réserve.

Le jardinet, lorsqu’il est vieux, (s’il s’agit du jardinet permanent) prend également bien le blaireau. Celui-ci ne dédaigne pas, en effet, les charognes qu’il trouve sur sa route. Ceci uniquement en hiver, car, contrairement à l’idée de certains, le blaireau sort l’hiver, mais il choisit ses nuits et raccourcit ses randonnées quand le temps ne lui convient pas, l’histoire du blaireau passant son hiver dans les mêmes conditions que la marmotte est une fable qui a vécu. De même celle qui admet que le mode de nutrition du blaireau en hiver consiste à sucer les glandes anales en étant enroulé comme un chien. Que de fables stupides ont été colportées sur les animaux et prises pour argent comptant par nombre de gens simples et peu observateurs.

Je terminerai en signalant que seul le piégeage au terrier et le piégeage à l’enclos sont inoffensifs pour le gibier. Le jardinet doit être surveillé de très près si l’on ne veut pas y capturer de gibier, surtout au printemps.

A. GHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 683