Certaines plantes doivent être soumises avant leur
consommation à un étiolement, c’est-à-dire une privation de lumière, pour
favoriser l’allongement des feuilles ou des tiges tout en les privant de leur
matière verte ou chlorophylle, pour leur faire acquérir une couleur allant du
blanc au jaune. Cette opération les rend plus tendres et leur présentation est
améliorée. Nous donnons ci-dessous la pratique de l’étiolement de quelques
légumes communs.
1° Céleris.
— Le céleri à côtes s’étiole en le mettant en jauge
dans une simple tranchée, et l’on butte en trois fois : on commence à
enterrer le tiers inférieur de la plante ; huit à dix jours plus tard, on
enterre le second tiers et huit jours après on cache toute la plante en ne
laissant dépasser que l’extrémité des feuilles. Il va sans dire que ce buttage
ne se fait que lorsque les pieds de céleris ont été liés à l’aide de paille,
chanvre ou raphia, qui redressera les feuilles. On obtiendra alors un céleri
d’un beau blanc appétissant. Mais, comme ce céleri blanchi, étiolé, a tendance
à pourrir très facilement, on n’étiolera d’abord que quelques pieds, puis on
renouvellera l’opération selon les besoins de la consommation.
2° Cardon.
— Cette plante très voisine et assez semblable à
l’artichaut, mais avec des côtes charnues, qu’il faut blanchir par étiolement.
Cette opération, pour ce légume, est assez rapide. Dès la fin septembre et dès
l’apparition des premières gelées en novembre, on liera les feuilles bien
redressées en plusieurs endroits ; on buttera soigneusement tout autour
jusqu’à 20 centimètres au moins, et le pied est ainsi prêt à être blanchi.
À cet effet, on entourera le paquet de feuilles jusqu’aux trois quarts de la
hauteur. Au bout de trois semaines environ, les feuilles et surtout les côtes
sont devenues blanches et très tendres. On peut faire passer l’hiver aux
cardons en les mettant en jauge au pied d’un mur face à l’est et on abritera,
en cas de forte gelée, à l’aide d’une couverture de paille. Ou encore on les
repiquera côte à côte avec leur motte de terre dans la cave ou dans une couche
inutilisée. On choisira, pour cette opération, un temps sec et des cardons liés
depuis au moins une huitaine.
3° Chicorées sauvages.
— Il existe deux sortes de chicorées à salade : la
barbe de capucin à feuilles dentées et à racine mince et longue ; puis la
witloof ou chicorée de Bruxelles à grosse pomme feuillue et à forte racine
pivotante.
a. La barbe de capucin : On prendra les racines
ayant 1 ou 2 centimètres au collet, on coupera les feuilles légèrement
au-dessus de leur point de formation et on mettra en jauge à partir de
novembre, ce qui permettra une attente jusqu’à février-mars pour procéder au
blanchiment. Cette dernière opération a lieu à la cave ou en local obscur. On
prendra les racines une à une, on rafraîchira leur extrémité avec soin et on
les placera horizontalement dans un talus de terre sableuse adossé à un mur du
local. La surface oblique du talus constitué permettra ainsi aux feuilles de se
développer verticalement sans se gêner réciproquement.
On peut aussi confectionner des bottillons, les mettre
debout dans du terreau ou de la terre légère sous laquelle on placera du fumier
de cheval si l’on désire hâter le moment de la récolte, qui, dans ce cas, peut
avoir lieu au bout de quinze à vingt jours. On arrosera légèrement de temps en
temps, surtout au début. On récoltera de belles feuilles blanches de 20 à 25 centimètres.
b. Pour l’obtention de la witloof, dite endive de
Bruxelles, il est nécessaire que les racines aient atteint leur entier développement :
on les choisira donc ayant au moins 3 centimètres de diamètre au collet à
partir du début novembre. Elles seront débarrassées de toutes leurs radicelles
et coupées franchement à leur extrémité. On enlèvera les feuilles par une
simple torsion en conservant celles du centre.
On creusera alors une jauge de 40 à 50 centimètres de
profondeur et on y placera debout et côte à côte, sans se toucher, les racines
debout. On garnit ensuite les interstices avec de la terre fine et légère, puis
on arrose. La jauge est ensuite remplie avec, si possible, du terreau, et
jusqu’à ce que le collet des racines soit recouvert d’au moins
25 centimètres de terre. Une couche épaisse de fumier chaud se met alors
sur la partie seulement que l’on veut forcer. La chaleur ainsi produite se
communique au sol, dans lequel les feuilles s’allongent vite : un mois
après ce travail, on peut récolter de belles pommes de witloof. On déterre les
racines et on rejette le fumier qui les recouvrait sur une autre partie de la jauge.
On peut également opérer en cave : dans cette cave, le
fumier n’est pas indispensable, mais la récolte est plus tardive :
quarante-cinq jours au moins. La même racine ne peut donner qu’une pomme, d’où
la nécessité, pour échelonner la récolte, de disposer d’autres racines
conservées en silo.
Il est très avantageux d’obtenir ainsi par étiolement de la
salade appétissante à une époque (février à mars) où elle se fait rare et où
elle est d’un prix élevé dans le commerce.
Ch. BOILEAU.
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