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Élevage

La nourriture de la chèvre

Notre intention aujourd’hui n’est pas de traiter à fond la question de l’alimentation caprine, mais d’indiquer quelques règles de base et de rappeler des vérités oubliées ou méconnues. En composant leurs rations, tous les chevriers devraient avoir présente à l’esprit la formule de l’abbé van Seynhave, inspecteur de l’agriculture en Belgique ; elle est comptée pour 1.000 kilos de poids vif ; nous donnons en plus la quantité convenant à un caprin de poids moyen (50 kilos).

  Par 1.000 kilos d’animal vif
(en kilos).
Pour une chèvre
(en kilos).
Matières sèches 20 à 30 1,0 à 1,5
Albuminoïdes 2,7 à 2,9 0,135 à 0,145
Graisses 0,6 à 0,8 0,03 à 0,08
Hydrocarbones 16 à 19 0,80 à 0,95

Le professeur Grognier a établi une formule valable pour une chèvre de 48 kilos, portant depuis deux mois, ou pour une chèvre de 30 kilos élevant un chevreau.

  Poids
(en grammes).
Valeur nutritive
équivalente en foin
(en grammes).
Regain 962 962
Betteraves 1.000 400
Avoine 115 230

Cette ration d’entretien ne convient évidemment pas à une grande laitière. Car une ration de production se mesure à l’appétit et à la faculté laitière de la bête.

Pour une chèvre, la ration d’entretien — comptée en foin — est le trentième de son poids. En un mois, elle consommerait donc son propre poids de foin. On peut encore dire qu’une chèvre absorbe par jour 5 à 6 p. 100 de son poids, soit 8 à 10 kilos d’herbe verte ou 2kg,500 de foin. Mais des chevriers de fortune n’ont pas compris qu’une ration d’entretien ne peut procurer une forte quantité de lait ... quantité et qualité exigent en effet une alimentation bien comprise.

... La chèvre utilisera facilement les pâturages rocailleux et maigres des massifs calcaires. C’est souvent le cas pour certaines vallées béarnaises, par exemple. Sur un hectare de bonne terre, on peut élever douze chèvres.

Il est probable que l’on n’abusera pas des pommes de terre dans l’alimentation actuelle des laitières caprines. Cet aliment aurait plutôt le tort de porter à l’engraissement, ce qui ne doit pas être pour un animal en lactation. Le lait contenant environ un tiers de substances azotées, et la pomme de terre en étant dépourvue, elle ne peut constituer l’essentiel, et moins encore la totalité d’une ration. On l’utilisait surtout, avant la guerre, quand elle permettait de réaliser une économie. La chèvre goûtera les topinambours s’ils sont distribués crus, coupés en morceaux, additionnés de son et d’un peu de sel. Six ou sept par jour.

Vers 1911, le Dr Charles Bernard comptait que 1.000 kilogrammes de chèvre lui coûtaient, pour leur alimentation, de 3fr.25 à 3fr.85 par jour. Selon son poids, de 40 à 70 kilogrammes, l’entretien d’une chèvre revenait à 15 ou 25 centimes par jour. Ces chiffres, intéressants à titre documentaire, sont aujourd’hui dépassés ... On devrait en tout cas retrouver la proportion.

Vers la même époque, un éleveur de la Haute-Saône entretenait « économiquement » ses chèvres de la façon suivante. Il comptait, pour nourrir un caprin en hiver, la récolte sèche de 5 ares de luzerne, le produit d’un demi-are de betteraves et 40 kilogrammes de son.

Le son étant un aliment « galactogène », c’est-à-dire particulièrement favorable à la sécrétion du lait, il convient, maintenant qu’il a cessé de servir à l’alimentation des humains, de lui réserver sa place dans l’alimentation de nos chèvres laitières.

Pour l’été, la chèvre mangera 3 ares de luzerne verte, 75 kilogrammes de son et 47 d’avoine. Toujours à cette époque, dans les conditions précitées, une chèvre revenait à environ 71 francs par an. Avec un tel régime, de valeur moyenne, on obtenait 700 litres de lait par an que l’on vendait 0fr.20. Le bénéfice annuel était de 68 francs environ, puisque le petit éleveur faisait tout lui-même. En 1935, on comptait qu’une chèvre pouvait coûter seulement 1 franc par jour ; et quatre chèvres rapportaient alors autant qu’une vache, tout en coûtant trois fois moins. Mais ce dernier calcul paraît tendancieux, ne précisant pas suffisamment certaines conditions de production. Il est vrai en tout cas que le prix de revient peu être très faible si l’on se charge soi-même de l’entretien, en cultivant par surcroît un petit lopin de terre à l’usage de ses chèvres.

Quant au son et à l’avoine dont nous avons parlé tout à l’heure, il est bien évident que leur prix impose l’emploi d’aliments similaires. On peut utiliser les différents tourteaux et la paille mélassée. Enfin, pour favoriser au mieux la sécrétion de la mamelle, offrez à vos chèvres une boisson tiède. Donnez-leur également des soupes chaudes, comme pour vous, mais non « passées », en utilisant de nombreux légumes, le sel et un peu de son si possible, pour lier le tout ...

À ce propos, il convient de ne pas oublier le sel — condiment indispensable à la dose de 5 grammes par jour — que la chèvre recherche, sans parler des autres substances minérales que son organisme réclame pour produire le lait. On devrait en connaître l’analyse pour comprendre que ce qui sort par la mamelle doit entrer par la bouche avant d’être éliminé sous une forme particulièrement recherchée. Songeant surtout à des animaux recevant en nourriture des fourrages pauvres en substances minérales, M. Zwagermann pense qu’il faut faire, suivant les cas, les distributions suivantes de sel, de phosphate de chaux et de carbonate de chaux :

Nombres de grammes par jour. Sel marin. Phosphate
de chaux.
Carbonate
de chaux.
Chevreaux de 1 à 8 mois 2 à 3 2 à 10 2 à 10
Jeunes bêtes de 8 à 12 mois 5 à 10 10 10
Chèvres laitières de 4 à 6 litres de lait par jour 10 à 15 20 25
Chèvres laitières de 2l. ½ à 4 litres de lait par jour 8 à 12 15 20
Chèvres laitières au-dessous de 2l. ½ 6 à 10 10 15
Boucs de monte 10 à 15 15 20

En période de « vaches maigres », l’oubli de ces compléments indispensables par bien des amateurs de chèvres conduit à des accidents dont le plus ennuyeux est la cachexie osseuse, sorte de rachitisme causé par le manque de matières minérales. Cette maladie de l’appareil locomoteur se signale d’abord par une boiterie, puis par une déformation des mâchoires. Il faut commencer par donner aux rachitiques une alimentation riche composée de bon foin, d’avoine, de tourteaux, etc. ... Dans ce cas, il est en outre conseillé d’administrer de l’huile de foie de morue ainsi que du phosphate ou du carbonate de chaux à la dose de 10 grammes environ par jour.

Ch. KRAFFT DE BOERIO.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 704