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La paille
dans la ration des chevaux

Il serait sans doute exagéré de juger de son importance d’après le vieux dicton répandu dans les milieux hippiques, où se répète couramment : « Cheval de paille, cheval de bataille ! » Si ce genre de slogan, d’une richesse de rime indiscutable, est bien fait pour éveiller la curiosité ou l’intérêt des amateurs de chevaux, son affirmation est plus sujette à caution et réclame quelques précisions, pour l’enseignement qu’on en peut garder.

Dans l’entretien et le rationnement des chevaux, la paille ne doit pas être considérée seulement au point de vue alimentaire ; sous forme de litière, elle exerce en plus sur leur hygiène, leur confort et leur repos, une influence qu’on ne saurait négliger, pour les maintenir en bon état de santé et de travail.

Cette dualité d’utilisation, qui détermine la valeur commerciale de la paille, a été pendant longtemps, alors que les récoltes étaient abondantes et les cours à bas prix, la cause d’un emploi maladroit et d’un véritable gaspillage du produit.

Actuellement, cette manière de procéder doit être tout à fait abandonnée, et, dans toute écurie dirigée avec méthode et économie, l’« œil du maître » doit veiller à ce que la litière de ses chevaux ne soit faite que de la paille ayant été distribuée d’abord dans le râtelier.

Au cours de ses longs séjours à l’écurie, après avoir consommé sa ration, un cheval aime à tromper son inaction et quelquefois son appétit en grignotant la paille dont on garnit le râtelier, voire même en la tirant seulement pour la faire tomber à ses pieds. En ayant ainsi à discrétion, il n’est pas tenté d’aller en chercher dans son fumier des brins plus ou moins souillés, dont l’absorption suffirait à lui occasionner des coliques, pouvant devenir mortelles.

De cette constatation ressort l’indication pratique et prophylactique d’augmenter les rations de fourrage des chevaux gros mangeurs, et spécialement à l’aide de paille propre et saine dont le râtelier sera garni en permanence. Cette simple mesure suffit non seulement pour faire diminuer les cas de coliques, mais elle contribue à augmenter la puissance de travail des chevaux en favorisant une meilleure assimilation de la ration de grains.

De telle sorte, la ration de paille doit être considérée sous trois aspects particuliers :

    1° paille comme aliment ;
    2° paille comme supplément de ration ;
    3° paille, comme aliment de lest et de remplissage.

Comme aliment, quoi qu’on puisse dire, ou quoi que puisse laisser croire le dicton, la paille n’a qu’une bien faible valeur nutritive, et le malheureux cheval qui n’aurait pas d’autre nourriture ne tarderait pas à perdre la « bataille » de la vie !

Par contre, comme supplément de ration, on peut en attendre des résultats très favorables, soit en utilisant la paille hachée mélangée à des aliments riches en eau (vert, carottes, racines) pour augmenter la quantité de matière sèche, soit en l’ajoutant à certaines rations (mélasse, tourteaux, etc.) pour en modifier le rapport nutritif. D’autre part, la paille hachée, mélangée à l’avoine, aide et facilite la mastication de celle-ci, surtout chez les vieux chevaux dont la dentition est plus ou moins usée ou irrégulière ; les fonctions digestives s’en trouvent améliorées — on le constate par la disparition dans les crottins de grains d’avoine non digérés, — et les animaux y gagnent rapidement d’être en meilleur état de santé et de condition.

Enfin, chez les forts chevaux, ayant de la taille et du poids, qui sont employés à de rudes travaux et possèdent une « dominante digestive » très accusée, elle est, malgré sa faible valeur alimentaire, absolument nécessaire, comme aliment de lest, pour remplir les vastes réservoirs intestinaux, dont les muqueuses et les glandes ne sauraient fonctionner normalement s’ils n’étaient suffisamment remplis. Sur ce point, les indications de la physiologie et de la pratique sont tout à fait concordantes. Il est à peu près impossible d’avoir un cheval en bonne condition de travail sans lui donner de la paille, et c’est très certainement ainsi qu’il faut entendre le sens du proverbe en question.

Les pailles de graminées possèdent des qualités alimentaires variables suivant les climats et les sols qui les ont produites et les céréales dont elles proviennent. Sous le rapport de leur valeur nutritive, les pailles se rangent dans l’ordre suivant : avoine, froment, orge, seigle, et sont aussi d’autant meilleures qu’elles contiennent plus d’herbes fourragères (agrostis, lupulines, gesses, vesces, etc.).

Pour être bonne, la paille doit être fine, légèrement jaunâtre, luisante et souple, non cassante, insipide ou légèrement sucrée, inodore, avoir conservé ses feuilles et ses épis, avoir ressué, sans humidité et plutôt nouvelle que vieille.

Les pailles terreuses provenant de blés versés, celles qui présentent des taches de rouille, de charbon ou de moisissure, enfin celles dont la couleur est plus ou moins foncée par leur exposition à l’humidité sont mauvaises et peuvent être dangereuses pour la santé des chevaux.

Comme litière, la paille de seigle est la meilleure — c’est elle qui résiste le mieux, — puis viennent celles de blé, d’orge et d’avoine.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 705