Il ne semble pas inutile, avant de parler des
précipitations, de rappeler quelques notions fondamentales sur les nuages.
J’en ai parlé ici même, il y a près de deux ans, mais il
faut compter avec les nouveaux lecteurs et avec ceux qui ont mauvaise mémoire.
Quand on définit un nuage en disant : c’est de la
vapeur d’eau ! on n’a, évidemment, pas tout à fait tort, sous cette
réserve que, s’il n’y avait que de la vapeur, il n’y aurait pas de nuage, car
il y a partout de la vapeur d’eau, aussi bien dans les nuages que dans la rue
et que dans votre salle à manger.
Pour qu’il y ait « nuage », c’est à-dire pour que
la vapeur devienne visible, il faut qu’il y ait condensation. Ce phénomène est
dû d’abord au refroidissement. La principale cause de refroidissement est la détente.
Nous savons que la pression atmosphérique diminue à mesure qu’on s’élève, donc,
quand une masse d’air qui occupe un volume donné à une certaine altitude
s’élève, elle supporte des pressions de moins en moins fortes, elle sera moins
comprimée, il y aura détente, par conséquent refroidissement.
Mais ce n’est pas suffisant, il faut encore que le degré
d’humidité relative de l’air s’y prête, et surtout il faut qu’il y ait des
« noyaux de condensation », car l’air aura beau avoir été refroidi au
maximum, il aura beau avoir atteint son point de saturation d’humidité, si la
vapeur d’eau ne trouve pas de noyaux pour se condenser, pour se fixer, il n’y
aura pas de gouttelettes et, partant, pas de nuage !
Ces noyaux sont de deux sortes, d’abord les ions, petits
et gros (les petits sont de l’ordre du micron, les gros sont formés par la
réunion de plusieurs petits), puis les particules neutres (poussière,
fumée, etc.), ainsi nommées parce qu’elles n’ont pas de charge électrique,
alors que les ions sont électrisés.
La vapeur d’eau étant refroidie et trouvant des noyaux de
condensation, le nuage se forme et il s’en va, au gré des vents et des
ascendances, porter ici ou là la pluie ou le beau temps.
L’extrême petitesse des gouttelettes qui constituent les
nuages fait que ceux-ci restent en suspension dans l’atmosphère, car ces
gouttelettes de quelques millièmes de millimètre de diamètre ont une vitesse de
chute très faible (quelques millimètres par seconde) ; ainsi la moindre
ascendance suffit à annuler l’effet de la pesanteur, et tout l’ensemble tient
en l’air.
Du reste, les nuages sont bien moins lourds que leur aspect
le laisse parfois supposer, car le poids d’eau liquide qu’ils contiennent ne
dépasse en général pas 4 ou 5 grammes par mètre cube.
Ces quelques notions indispensables rappelées, passons
maintenant aux précipitations.
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Quand il pleut, on dit souvent qu’un nuage
« crève » ; c’est faux, car un nuage n’est pas une outre aux
parois distendues. La pluie n’est pas davantage une « surverse », un
« trop-plein », évacuant sur le sol l’excédent d’un récipient, et,
quand on dit qu’il pleut à « seaux », c’est une simple métaphore, car
un nuage n’a rien de commun avec un arrosoir.
Quand un nuage est formé, comme nous l’avons vu plus haut,
et qu’un nouveau refroidissement intervient (sans cependant être trop brusque,
ni sans aller jusqu’à 0°) une nouvelle condensation plus rapide s’effectue, les
gouttelettes augmentent en nombre et surtout en dimensions et en poids. Quand
elles atteignent à peu près un dixième de millimètre, leur vitesse de chute ne
peut plus être compensée par l’ascendance, et c’est la pluie.
Puisque les gouttes tombent dès qu’elles atteignent le
dixième de millimètre, comment se fait-il qu’elles arrivent au sol avec des
dimensions dix, vingt et même trente fois plus grandes ?
Nous aurions pu supposer, au contraire, qu’au cours de leur
descente de 1.500 à 3.000 mètres les régions de plus en plus chaudes
qu’elles traversaient auraient causé une certaine évaporation amenuisant de
nouveau leur diamètre. Que s’est-il donc passé ? Tout simplement il y a eu
coalescence ; le mot est un peu rébarbatif, mais signifie tout
simplement que plusieurs gouttelettes se sont réunies pour former des gouttes
plus importantes.
Examinons deux causes de coalescence.
D’abord, la vitesse de chute n’étant pas la même pour toutes
les gouttes, les plus grosses allant plus vite que les petites, on admet que
les unes sont happées au passage par contact direct avec les autres ...
Oui, mais les intervalles entre les gouttes étant de cent ou même mille fois
leur diamètre, il y a bien peu de chances pour que ce contact se produise.
Par contre, il est plus vraisemblable que, les gouttes
n’étant pas toutes à la même température, les plus chaudes s’évaporent et se
condensent, au moins en partie, sur les plus froides, qui sont à la longue
considérablement grossies.
Cette dernière hypothèse est bien souvent vérifiée, car les
nuages qui donnent le plus de pluie sont ceux qui contiennent à la fois de
l’eau et de la glace, tandis que ceux d’où la glace est absente ne donnent que
peu de pluie, malgré un aspect menaçant.
Ne parlons pas pour aujourd’hui des pluies
« prodigieuses » : pluie de boue, pluie de sang, de soufre, de
grenouilles, etc. Toutes ces manifestations qui effrayèrent nos arrière-grands-pères
sont aujourd’hui expliquées très simplement, nous en parlerons une autre fois.
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Il arrive, au cours de certaines nuits particulièrement
calmes et claires, que se produise une sorte de pluie, bien qu’il n’y ait aucun
nuage au ciel. C’est le serein (qu’il ne faut pas confondre avec la
rosée).
Le serein est causé par la condensation très rapide de la
vapeur d’eau en suspension dans l’air, sous l’influence du refroidissement
nocturne, augmenté par l’absence de nuage, ce qui active le rayonnement. Le
serein n’est pas de la pluie, il est plus voisin du brouillard, mais il est
invisible.
Je ne sais pas si c’est ce phénomène qui a valu aux très
belles nuits le nom de nuits sereines, ou si ce sont ces nuits qui ont donné
leur nom à cette précipitation.
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J’ai dit au début de cet article que le refroidissement
occasionnant la pluie ne devait pas aller jusqu’à 0°. En effet, si cette
température était atteinte, on aurait de la glace et, si le refroidissement
avait été bien régulier et relativement lent, on aurait obtenu des cristaux
bien réguliers et ce serait la neige.
Les images représentant les cristaux de neige sont connues
de tout le monde. Je rappelle simplement que presque toujours ces cristaux sont
en forme d’hexagone ou encore d’étoiles à six branches.
La chute de la neige est relativement lente, car la neige
est peu dense et ses particules sont de grand volume par rapport à leur poids.
D’autre part, elles ont plusieurs millimètres de diamètre, alors que leur
épaisseur n’est que de l’ordre du cinquième.
Un phénomène analogue à celui qui provoque le grossissement
des gouttes d’eau se produit pendant la chute des cristaux de neige : des
gouttelettes d’eau se condensent à leur surface, s’y incorporent, les déforment
et, les rendant humides, les font se souder entre eux.
On a alors la neige sous son aspect connu de tous, ce sont
ces innombrables flocons au vol papillonnant qui descendent comme à regret sur
notre terre. En somme, si on considère, d’une part, leur blancheur immaculée
et, d’autre part, toutes les noirceurs matérielles et morales de notre globe et
de ses habitants, on comprend parfaitement leur hésitation.
PYX.
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