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Contrôle de tir

Nous compléterons, dans cette dernière causerie sur les contrôles de tir, les notions indispensables à l’étude des armes en donnant quelques indications sur les méthodes au moyen desquelles on apprécie la pénétration. Il ne sera traité ici que du tir à plomb, la question du tir des balles de calibre étant exclue.

La méthode classique consiste à effectuer un tir réglé sur une série de feuilles de carton mince séparées par un léger intervalle. Le dispositif est facilement réalisé au moyen d’une boîte à glissières dans lesquelles on place les feuilles à la suite les unes des autres.

À chaque essai, on constate une différence notable de puissance entre les grains constituant la charge ; par convention, on prend pour mesure de la pénétration le nombre de feuilles perforées par la moitié des plombs ayant traversé la première feuille. On ne compte que les perforations complètes ayant donné passage aux grains de plomb.

On voit tout de suite que cette méthode implique l’emploi de feuilles de carton d’une qualité toujours identique au point de vue de la constitution et de l’état de siccité. Pour les expérimentateurs disposant de stocks suffisants, les essais seront très comparables ; ils le seront moins entre opérateurs travaillant à distance sur des cartons mal définis.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue que ce que l’on étudie dans la pénétration, c’est beaucoup plus la valeur relative des munitions que la valeur absolue d’une quantité dont il faudrait en premier lieu définir une unité rationnelle. Le général Journée avait songé à substituer les essais sur bois tendre aux essais sur carton dont il avait reconnu les variations de qualité sous une même dénomination commerciale. En pratique, le bois s’est révélé aussi difficile à définir que le carton et il n’offre pas la même commodité de manipulations. Les milieux plastiques, dont le plus facile à trouver est la terre glaise, sont irréguliers en raison de la variation de leur teneur en eau. Bref, la boîte d’essai constituée comme nous l’avons expliqué ci-dessus reste encore l’appareil le plus simple et le plus sûr de tous ceux qui ont été proposés.

De leur côté, les chasseurs se contentent souvent de tirer à distance convenable sur de vieux livres dont on a supprimé les couvertures et de compter le nombre de pages perforées. Par retournement, on peut obtenir une deuxième mesure, et c’est tout. On notera qu’il est bien plus difficile d’apprécier les impacts dans le papier que dans les feuilles de carton séparées et que ce procédé n’offre par conséquent que des possibilités limitées et une précision médiocre.

Tous ces essais ont amené depuis longtemps les expérimentateurs aux conclusions suivantes qui sont à retenir par les chasseurs :

    La pénétration moyenne des plombs dans un milieu homogène ne dépend que de leur vitesse restante, de leur diamètre et de leur dureté ;

    Le type de l’arme ainsi que la nature de la poudre sont sans influence sur la pénétration ;

    Aux distances moyennes, la pénétration n’est pas dans un rapport constant avec la vitesse initiale.

Dire que la pénétration ne dépend que de la vitesse restante et du diamètre du projectile, c’est dire qu’elle ne dépend que de l’énergie destructive disponible, celle-ci étant conditionnée par la vitesse restante et la masse du grain. Ces conditions sont évidentes, et il semble singulier de trouver parfois sous la plume de quelques auteurs l’affirmation que le petit plomb pénètre plus profondément que le gros.

Beaucoup de nos lecteurs se demanderont comment on peut relier les expériences des stands d’essai avec les résultats obtenus sur le terrain qui, seuls, les intéressent ; les chasseurs désirent savoir, avant tout, en effet, si l’ensemble constitué par l’arme et la munition blesse ou non le gibier avec une efficacité suffisante. Or le milieu constitué par les tissus animaux n’a rien d’homogène, car il comporte un squelette recouvert de muscles et contenant des viscères ; il convient donc d’être très prudent dans l’énoncé de chiffres indiquant la pénétration. À titre d’indication approximative, nous croyons pouvoir citer les résultats ci-dessus, relatifs à la pénétration dans le corps des petits quadrupèdes, résultats déjà mentionnés dans ces colonnes il y a une quinzaine d’années.

Distances Pénétration en centimètres
Plomb no 2 Plomb no 4 Plomb no 6 Plomb no 8
45 mètres
40 —
35 —
30 —
25 —
6,1
6,8
7,6
8,4
9,4
4,6
5,2
5,8
6,6
7,4
3,2
3,7
4,2
4,8
5,5
2,4
2,8
3,2
3,7
3,9

Enfin, pour ceux de nos lecteurs qui ont l’esprit d’investigation, nous indiquerons ci-dessous une méthode simple et purement empirique, mais qui a l’avantage de donner des résultats concrets, dégagés de toute théorie, permettant de mettre fin à certaines incertitudes.

Il suffit de se procurer un animal fraîchement tué, exempt de blessures, par exemple un garenne de furetage ou un pigeon domestique, et d’effectuer un tir à distance moyenne avec du plomb approprié. Nous disons fraîchement tué, pour éviter la rigidité cadavérique qui diminue la pénétration des plombs.

On attachera l’animal, non dépouillé, sur un panneau de bois vertical, dans une position telle qu’il se présente de profil et on brûlera, par exemple, trois cartouches de plomb no 6 sur le lapin, en silhouettant au préalable son contour sur le panneau au moyen d’un fusain.

L’animal dépouillé présentera un certain nombre de blessures, dont le nombre et la qualité vont nous apprendre beaucoup de choses. Si le nombre d’atteintes est voisin de 15 (moyenne de 5 par coup), dont la moitié bien pénétrantes, l’essai est très satisfaisant. Si le nombre d’atteintes n’est que de 7 ou 8, le groupement de l’arme est insuffisant à la distance d’essai ; les plombs à peine engagés dans la chair indiquent un manque de pénétration, alors que ceux ayant laissé des traces sur le panneau de bois, à l’intérieur du contour silhouetté, démontrent une énergie surabondante. Le coup idéal est celui qui donne cinq blessures ayant à peu près traversé l’animal ou cassé un membre.

Il serait évidemment préférable, au point de vue de la précision, de brûler un plus grand nombre de cartouches avant de faire la moyenne, mais un minimum de trois coups est suffisant pour déceler les cas où l’on se trouve très éloigné d’un résultat acceptable.

La question balistique tranchée, le gibier, s’il n’est pas trop emplombé, pourra prendre le chemin de la cuisine. C’est là une utilisation du matériel d’expérience que nous n’obtiendrions pas avec les classiques cartons.

Nous souhaitons à nos lecteurs de trouver dans de tels essais matière à une confiance raisonnée dans leurs armes et leurs munitions.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 721