Deux communications récentes intéressant la pisciculture ont
été faites à l’Académie d’agriculture par deux inspecteurs des Eaux et Forêts.
L’une, le 2 mars 1949, relative à une méthode rationnelle de calcul de
l’épandage des engrais dans les étangs. L’autre, le 4 mai 1949, par M. R.
Vibert et relative à une méthode de repeuplement en truites et saumons par
enfouissement des boîtes d’alevinage garnies d’œufs dans les graviers.
Nous reviendrons ultérieurement sur la première
communication et tenons à signaler dès à présent aux Sociétés de pêche le grand
intérêt que présente la méthode Vibert, qui va révolutionner la technique
actuelle de repeuplement des cours d’eau à truites par sa très grande
simplicité et son efficacité. Cette méthode s’appuie sur plus de 200 expériences
menées sur 200.000 œufs de truites et saumons.
La technique actuelle en repeuplement de rivières à
salmonidés est la suivante : œufs obtenus par fécondation artificielle
(méthode sèche) de reproducteurs stabulés en piscicultures et placés en
laboratoire sur incubateurs ; élevage et nourrissage des alevins en auges
d’alevinage et bassins de pisciculture ; transport des alevins ou truitelles
de la pisciculture de la rivière de déversement.
Les résultats obtenus étaient très irréguliers pour la
raison suivante : sous-alimentation fréquente des alevins, contamination
des alevins par diverses maladies (costiases notamment), mortalité en cours de
transport, déversements faits trop rapidement dans des endroits peu propices ou
insuffisamment espacés, mortalité après déversement par suite des voraces ou
d’une crise intervenant avant l’acclimation à la rivière des alevins d’élevage.
Cette crise d’acclimation avait été depuis longtemps
remarquée, et certains incubateurs portatifs immergés en rivière avaient été
mis au point. Trop chers ou peu pratiques, les incubateurs ne se sont guère
répandus.
Dans la méthode Vibert, on part des œufs obtenus toujours
par fécondation artificielle à partir de géniteurs captifs et on les place dans
des incubateurs en pisciculture. Dès qu’ils sont embryonnés, c’est-à-dire dès
que les yeux de l’embryon apparaissent dans l’œuf, les œufs qui peuvent alors
être très facilement transportés pendant plusieurs jours sont mis en boîte Vibert
et expédiés à la Société qui désire repeupler.
La boîte Vibert est une petite boîte parallélépipédique, en
matière plastique translucide, semblable à un étui à paquet de cigarettes et
pourvue d’ouvertures telles qu’elles ne laissent pas échapper les œufs, mais
laissent sortir les alevins fraîchement éclos même encore pourvus de leur
vésicule.
Les œufs remplissent totalement l’intérieur de la boîte,
sans toutefois être comprimés. Un mille d’œufs est contenu dans une boîte à
peine plus grosse qu’un étui à cigarettes en matière plastique. Il ne reste plus
qu’à placer l’incubateur dans la rivière, et c’est là l’originalité de la
méthode. La boîte est placée dans les gravières entre 10 et 30 centimètres
de profondeur. Les alevins éclosent donc à l’obscurité totale et sortent de
la boîte, se répandent dans les graviers.
Près de 200 expériences très précises ont montré que le
rendement numérique en alevins libres, disséminés et acclimatés sous les
graviers, est au moins égal au rendement des lots témoins en pisciculture avant
déversement en rivières et avant dissémination et crise d’adaptation.
Sur 60 incubateurs enfouis, aucun échec n’a été
enregistré, le rendement moyen a été de 90 à 95 p. 100, le plus faible
rendement enregistré 83 p. 100.
Pratiquement, la technique des repeuplements pour l’avenir
peut se concevoir ainsi :
1° Production d’œufs embryonnés en pisciculture avec
développement au maximum du stock des reproducteurs ;
2° Expédition des œufs embryonnés en boîtes d’alevinage
toutes chargées (en principe boîtes de 1.000 œufs), livrées emballage perdu,
mises en caisses calorifugées avec provision de glace ;
3° Pour la mise à l’eau, un homme peut facilement se charger
de vingt à vingt-cinq boîtes mises dans un ou deux paniers de pêche avec de la
mousse humide. Armé d’un piochon et muni de bottes, il arpente les zones de
frayères de la rivière. Aux endroits propices, il entre dans l’eau, fait un
trou dans la gravière avec son outil en remuant bien le gravier pour que le
courant en élimine la vase et le sable fin, dépose une boîte dans le trou entre
20 et 30 centimètres de profondeur et recouvre avec du gravier bien lavé.
Par cette description sommaire, on voit tout l’intérêt que
présente cette méthode pour le repeuplement de nos rivières à truites et
saumons si dépeuplées en géniteurs à la fin de chaque saison de pêche. Il n’y
aura plus dorénavant de Société de pêche éloignée des centres de salmoniculture
qui ne pourra, peu ou prou, aleviner ses lots.
DELAPRADE.
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