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La leçon du rouge-gorge.

La leçon du rouge gorge.

— Quand je jardine, en novembre, j’ai toujours près de moi un petit rouge-gorge. Je ne sais si c’est le même qui, comme l’hirondelle au printemps, revient à l’automne ; mais toujours il est fidèle. Il se met en observation à quelques mètres sur une branche, sur la haie, sur le bout du manche d’un outil planté en terre, sur l’anse de l’arrosoir, tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre. Ses petits yeux noirs scrutent la terre que je pêle, verse ou que je ratisse, puis semble m’interroger. Il est familier, n’a point peur. Je me garde bien de l’effaroucher, je sais ce qu’il veut. Il veut que je travaille, il m’encourage de son joli petit chant qu’il envoie au soleil, perché alors sur les hautes branches d’un acacia.

Quand il aperçoit, de son œil vif, un insecte, invisible pour moi, il descend le cueillir rapidement, en sautillant, puis se reperche après avoir avalé le petit ravageur de mon jardin. Je lui dis merci ! Quand je découvre moi-même quelque parasite, ver blanc ou ver gris, perce-oreille ou nymphe de papillon ou larve de tipule, je le lui envoie ou le mets en évidence. Il ne gobe pas toujours l’insecte du premier coup. S’il est gros, il le détaille pour l’avaler. S’il est petit mais dur, comme la larve de tipule, je le vois de son bec le serrer, le comprimer à un bout puis à l’autre, au milieu, le tourner, le retourner, le ramollir, le tuer enfin et l’avaler.

Je le vois aussi très souvent dégorger une petite boule blanche qu’il ne peut ou ne veut ingurgiter, parce qu’indigeste sans doute.

Alors, le vieux pêcheur que je suis se réveille.

Avez-vous vu le chevesne sous un arbre à lierre, au bord de la rive, attendant une proie ? Il arrive que les palombes ou les grives fassent tomber à l’eau la graine noire qu’elles cueillent au printemps. Il s’en empare, la conserve quelque temps dans sa gueule, puis, lui aussi, la rejette.

Conclusion : ne laissez pas longtemps votre mouche dans son bec.

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 740