Daniel Gousseau, dont on retrouvera le nom tout à l’heure,
ne montait pas à bicyclette durant l’été. Il trouvait cela trop pénible,
surtout par la chaleur. Par contre, l’hiver, il usait deux bicyclettes. Le plus
curieux est qu’il courait, souvent, à côté d’elle ... ou marchait ...
pour se réchauffer.
Autant vous dire qu’en sa personne on trouve
l’inventeur du cross- country cyclo-pédestre ; ce que nous appelons, à
présent, le cyclo-cross ...
Voilà qui remonte loin et nous dispense d’écrire l’histoire
de ce sport d’hiver du cycliste. Sachons seulement que Gousseau ne songea
point, d’origine, à lui donner la forme compétitive. Il le considérait comme un
exercice salutaire et hygiénique d’entraînement, comme une promenade mixte de
course à pied et de pédalage, comme un dérivatif au cruel ensevelissement des
jours courts et une transition été-hiver. C’est le temps, lui-même aidé par les
hommes toujours avides de s’entre-battre et d’arriver l’un avant l’autre, qui
fit apparaître la course possible et le championnat certain. Le spectacle
onéreux venant, en ces dernières années, y ajouter sa patine commerciale et sa
déformation.
* * *
À l’heure où la piquette — ce matin peut-être
— est venue vous surprendre alors que vous serriez le guidon, il n’est pas
inutile, croyons-nous, d’ouvrir un prêche en faveur de l’activité cycliste qui
devrait se réclamer, sans doute, du plus pur esprit sportif en même temps que
de la meilleure philosophie touristique.
Que se passe-t-il, dès octobre venu, pour le cycliste ?
Celui-ci, qui en a assez de courir ou de voyager par les
routes, envisage nettement de placer son vélo au reposoir et, lui-même, de
procéder à d’autres divertissements, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils
ne sont pas toujours recommandables pour la santé.
Si, tout au contraire, la perspective s’offre à lui de
pratiquer le cyclo-cross, il exclura ipso facto de ses programmes
gastronomiques ou artistiques le nuisible excès ...
Et sa bicyclette continuera de rouler, ce qui sera un
bienfait à nombre d’autres points de vue.
« Oh ! mais salut ! pensez-vous ! je ne
me vois pas trottant et courant, fangeux et frigorifié, à travers champs, bois
et fourrés, à la conquête d’une relative gloire sportive ... »
Halte-là !
S’il est permis et recommandé aux coureurs de prendre part,
durant l’hiver, à quelques compétitions, afin d’entretenir leur souffle et leur
souplesse, sans tomber dans l’excès que nous condamnons, il est plus
encore conseillé aux simples sportifs, aux cyclotouristes, comme aux
promeneurs, de consacrer la matinée de leur dimanche aux sous-bois, en suivant
les sentiers tapissés de feuilles mortes.
La voilà bien la santé en bouteille !
* * *
Il faut sortir le dimanche matin et, entre 9 heures et
12 heures, rayonner plus ou moins benoîtement par la campagne, à petite
allure, en alternant le pédalage avec la marche ou le trot, ce qui écarte,
inévitablement, le froid aux pieds et réduit l’onglée ...
La campagne est bien plus pratiquable l’hiver que l’été, car
l’ensemencement ne gêne en rien.
Quant aux bois ou forêts, il faut les hanter pour y croire.
En octobre et novembre, la feuillée or et roux est un
enchantement et donnerait du lyrisme à l’âme la plus passive.
En décembre et janvier, le givre ou la neige transportent
l’élu, qui a su se lever, dans un décor des mille et une nuits ...
Avec février et mars, c’est déjà le bourgeon et
l’espoir ...
Ce qu’on ne fait pas en forêt l’été, avec l’épaisseur des
feuilles et des branches, on le fait l’hiver.
Et alors, sur le coup de midi, inutile de vous dire que
ledit pratiquant saura se tenir à table, qu’il soit ancêtre ou benjamin, senior
ou junior, bambin ou fillette, grand’mère ou cousine ...
À vous donc, les clubs, de réunir en un quelconque endroit
tous les cyclistes du cru et de les emmener à travers bois, sans négliger au
besoin le petit arrêt casse-croûte.
Formule ? Petit développement, pignon fixe si possible,
deux bons freins, des garde-boue larges, des pneus sérieux, la selle baissée
d’un centimètre, des moufles, la tête et les oreilles couvertes, une pèlerine,
un gros maillot, des chaussures assez larges permettant d’envelopper les pieds
dans du papier par-dessus les bas de laine ... Certains mettent des
guêtres.
On part vers 9 heures, on revient à midi, ainsi que je
l’ai dit, par groupes ou, selon le cas, au moyen de rallyes organisés à
l’avance.
Voilà pour dix millions de cyclistes !
* * *
Et voici pour les autres, c’est-à-dire les coureurs, qu’ils
soient professionnels ou amateurs.
Ils auront tout d’abord intérêt à procéder comme les dix
millions de pédaleurs moyens et de se promener, ce qui les reposera et les
désintoxiquera d’une saison toujours lourde pour les nerfs et les muscles. Et
ce pendant deux mois.
Puis, en décembre, janvier et février, ils prendront part
avantageusement aux compétitions officielles, d’où la trop longue distance
(maximum 20 kilomètres) sera exclue, ainsi que le tracé acrobatique et
dangereux (marches à descendre ou à monter notamment). Ils choisiront
volontiers les parcours athlétiques faits de sous-bois, de champs, et non pas
d’artères pavées ou de voies de tramway, un tiers de routes et deux tiers de
terrains variés.
Équipement ? Maillot à manches, sous-vêtements de
laine, gants, casquette, collant de laine assez long, jambes graissées et, au
besoin, corps enduit de révulsif. Chaussures parfaitement serrées, passées au
noir de fumée pour éviter que la boue n’y colle, lacets noués solidement, avec
crampons selon le temps.
Vélo ? Deux bons freins (patins toujours neufs) avec
poignées bien en mains. Haubans arrière et fourches larges ; boyaux striés
ou pastillés ; selle quelque peu basse, mais guidon monté d’un centimètre
sur la normale. Manivelles de 16 centimètres et demi.
* * *
Il y aurait long à écrire sur le sport que Robert Oubron,
venant après Christophe, Foucaux, les Pélissier, a élevé à hauteur d’une
institution.
Le cadre de la présente rubrique n’y suffirait pas.
Ce que nous voudrions qui soit retenu, c’est que tous les
cyclistes, quels qu’ils soient, ont intérêt physique à ne pas cesser
de pratiquer en toutes saisons ; c’est que le cyclocross doit être
considéré comme le plus merveilleux adjuvant à toute préparation, à toute
désintoxication dont la nécessité est une évidence dès octobre, à toute
recherche, enfin, de l’équilibre entre tous les centres dont notre organisme
est constitué.
La froidure n’a, en rien, a être considérée, dès l’instant
qu’il y a exercice physique rationnel et protection vestimentaire adéquate.
Et, sur ce chapitre, il n’est pas un détail que nous ne
pourrons fournir à qui sera intéressé par la question sous l’angle touristique
(rallyes ou sorties organisés) ou sportif (compétition).
René CHESAL.
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