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Pédalons l’hiver grâce au cyclo-cross

Daniel Gousseau, dont on retrouvera le nom tout à l’heure, ne montait pas à bicyclette durant l’été. Il trouvait cela trop pénible, surtout par la chaleur. Par contre, l’hiver, il usait deux bicyclettes. Le plus curieux est qu’il courait, souvent, à côté d’elle ... ou marchait ... pour se réchauffer.

Autant vous dire qu’en sa personne on trouve l’inventeur du cross- country cyclo-pédestre ; ce que nous appelons, à présent, le cyclo-cross ...

Voilà qui remonte loin et nous dispense d’écrire l’histoire de ce sport d’hiver du cycliste. Sachons seulement que Gousseau ne songea point, d’origine, à lui donner la forme compétitive. Il le considérait comme un exercice salutaire et hygiénique d’entraînement, comme une promenade mixte de course à pied et de pédalage, comme un dérivatif au cruel ensevelissement des jours courts et une transition été-hiver. C’est le temps, lui-même aidé par les hommes toujours avides de s’entre-battre et d’arriver l’un avant l’autre, qui fit apparaître la course possible et le championnat certain. Le spectacle onéreux venant, en ces dernières années, y ajouter sa patine commerciale et sa déformation.

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À l’heure où la piquette — ce matin peut-être — est venue vous surprendre alors que vous serriez le guidon, il n’est pas inutile, croyons-nous, d’ouvrir un prêche en faveur de l’activité cycliste qui devrait se réclamer, sans doute, du plus pur esprit sportif en même temps que de la meilleure philosophie touristique.

Que se passe-t-il, dès octobre venu, pour le cycliste ?

Celui-ci, qui en a assez de courir ou de voyager par les routes, envisage nettement de placer son vélo au reposoir et, lui-même, de procéder à d’autres divertissements, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas toujours recommandables pour la santé.

Si, tout au contraire, la perspective s’offre à lui de pratiquer le cyclo-cross, il exclura ipso facto de ses programmes gastronomiques ou artistiques le nuisible excès ...

Et sa bicyclette continuera de rouler, ce qui sera un bienfait à nombre d’autres points de vue.

« Oh ! mais salut ! pensez-vous ! je ne me vois pas trottant et courant, fangeux et frigorifié, à travers champs, bois et fourrés, à la conquête d’une relative gloire sportive ... »

Halte-là !

S’il est permis et recommandé aux coureurs de prendre part, durant l’hiver, à quelques compétitions, afin d’entretenir leur souffle et leur souplesse, sans tomber dans l’excès que nous condamnons, il est plus encore conseillé aux simples sportifs, aux cyclotouristes, comme aux promeneurs, de consacrer la matinée de leur dimanche aux sous-bois, en suivant les sentiers tapissés de feuilles mortes.

La voilà bien la santé en bouteille !

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Il faut sortir le dimanche matin et, entre 9 heures et 12 heures, rayonner plus ou moins benoîtement par la campagne, à petite allure, en alternant le pédalage avec la marche ou le trot, ce qui écarte, inévitablement, le froid aux pieds et réduit l’onglée ...

La campagne est bien plus pratiquable l’hiver que l’été, car l’ensemencement ne gêne en rien.

Quant aux bois ou forêts, il faut les hanter pour y croire.

En octobre et novembre, la feuillée or et roux est un enchantement et donnerait du lyrisme à l’âme la plus passive.

En décembre et janvier, le givre ou la neige transportent l’élu, qui a su se lever, dans un décor des mille et une nuits ...

Avec février et mars, c’est déjà le bourgeon et l’espoir ...

Ce qu’on ne fait pas en forêt l’été, avec l’épaisseur des feuilles et des branches, on le fait l’hiver.

Et alors, sur le coup de midi, inutile de vous dire que ledit pratiquant saura se tenir à table, qu’il soit ancêtre ou benjamin, senior ou junior, bambin ou fillette, grand’mère ou cousine ...

À vous donc, les clubs, de réunir en un quelconque endroit tous les cyclistes du cru et de les emmener à travers bois, sans négliger au besoin le petit arrêt casse-croûte.

Formule ? Petit développement, pignon fixe si possible, deux bons freins, des garde-boue larges, des pneus sérieux, la selle baissée d’un centimètre, des moufles, la tête et les oreilles couvertes, une pèlerine, un gros maillot, des chaussures assez larges permettant d’envelopper les pieds dans du papier par-dessus les bas de laine ... Certains mettent des guêtres.

On part vers 9 heures, on revient à midi, ainsi que je l’ai dit, par groupes ou, selon le cas, au moyen de rallyes organisés à l’avance.

Voilà pour dix millions de cyclistes !

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Et voici pour les autres, c’est-à-dire les coureurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs.

Ils auront tout d’abord intérêt à procéder comme les dix millions de pédaleurs moyens et de se promener, ce qui les reposera et les désintoxiquera d’une saison toujours lourde pour les nerfs et les muscles. Et ce pendant deux mois.

Puis, en décembre, janvier et février, ils prendront part avantageusement aux compétitions officielles, d’où la trop longue distance (maximum 20 kilomètres) sera exclue, ainsi que le tracé acrobatique et dangereux (marches à descendre ou à monter notamment). Ils choisiront volontiers les parcours athlétiques faits de sous-bois, de champs, et non pas d’artères pavées ou de voies de tramway, un tiers de routes et deux tiers de terrains variés.

Équipement ? Maillot à manches, sous-vêtements de laine, gants, casquette, collant de laine assez long, jambes graissées et, au besoin, corps enduit de révulsif. Chaussures parfaitement serrées, passées au noir de fumée pour éviter que la boue n’y colle, lacets noués solidement, avec crampons selon le temps.

Vélo ? Deux bons freins (patins toujours neufs) avec poignées bien en mains. Haubans arrière et fourches larges ; boyaux striés ou pastillés ; selle quelque peu basse, mais guidon monté d’un centimètre sur la normale. Manivelles de 16 centimètres et demi.

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Il y aurait long à écrire sur le sport que Robert Oubron, venant après Christophe, Foucaux, les Pélissier, a élevé à hauteur d’une institution.

Le cadre de la présente rubrique n’y suffirait pas.

Ce que nous voudrions qui soit retenu, c’est que tous les cyclistes, quels qu’ils soient, ont intérêt physique à ne pas cesser de pratiquer en toutes saisons ; c’est que le cyclocross doit être considéré comme le plus merveilleux adjuvant à toute préparation, à toute désintoxication dont la nécessité est une évidence dès octobre, à toute recherche, enfin, de l’équilibre entre tous les centres dont notre organisme est constitué.

La froidure n’a, en rien, a être considérée, dès l’instant qu’il y a exercice physique rationnel et protection vestimentaire adéquate.

Et, sur ce chapitre, il n’est pas un détail que nous ne pourrons fournir à qui sera intéressé par la question sous l’angle touristique (rallyes ou sorties organisés) ou sportif (compétition).

René CHESAL.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 740