Voici une année, sur l’ensemble des résultats sportifs
internationaux, la France occupait sans contestation possible la première place
du classement européen. Depuis une année, nous accumulons avec une déplorable
régularité les défaites et les déroutes.
Deux effondrements, dans les deux sports les plus populaires
de France, sont les événements les plus marquants de cette régression
d’ensemble. Le football et le cyclisme, qui enrichirent si souvent notre palmarès,
ne nous ont apporté que de brûlantes déceptions.
La saison de notre équipe nationale de football nous reporte
vingt ans en arrière, à l’époque où nous encaissions 13 buts à 1 par la
Hongrie, 8 à 0 par l’Espagne. Tour à tour, la Hollande, l’Écosse, l’Angleterre
ont surclassé un « onze » français apathique, sans âme, sans volonté.
À croire que le professionnalisme a apporté à nos athlètes une résignation de
fonctionnaires.
En cyclisme, sport qui tient le haut des rubriques et
passionne les foules (80 p. 100 des Français, selon Gallup, s’intéressent
au Tour de France), nous avons obtenu, à Copenhague, la huitième place du
Championnat du monde au classement par nations, loin derrière des pays comme la
Hollande, le Danemark et le Luxembourg.
Pour la première fois depuis quinze ans, nous n’avons pas
obtenu une seule victoire individuelle. Pour la première fois depuis quinze
ans, nous avons réussi à accéder en finale de la zone européenne de la Coupe
Davis. Nous avons dû nous y incliner devant l’Italie.
En rugby à XV, où nous espérions enlever — enfin !
— le Tournoi des Cinq Nations, nous avons dû nous contenter d’une
troisième place.
En escrime, où nous avions acquis de haute lutte le premier
rang mondial à Lisbonne en 1947, puis aux Jeux Olympiques en 1948, nous avons
baissé pavillon devant l’Italie aux Championnats du monde au Caire.
C’est encore au Caire que s’est effondrée notre suprématie
en basket-ball, si durement acquise à Londres.
En natation, où nous luttions depuis trois ans à égalité
avec les U. S. A., la seule apparition du phénomène japonais Furuashi
nous fait rentrer dans le rang. En aviron, les championnats d’Europe à
Amsterdam ne nous ont apporté que des déboires. Nous sommes écrasés par
l’Italie, la Suède, l’Angleterre.
En boxe, nous tenions, il y a un an, le haut du pavé :
trois champions d’Europe, un champion du monde en puissance : Sandeyron,
un en fait : Marcel Cerdan.
Las ! Sandeyron battu sans rémission, Cerdan, blessé,
abandonnant devant La Motta, notre poids lourd no 1, Olek,
maltraité par des « seconds plans » ; nous n’avons plus de titre
mondial et il ne nous reste qu’un seul titre européen : Ray Famechon.
En athlétisme, où nos progrès semblaient sensibles, nous
avons subi une lourde défaite devant l’Angleterre, qui occupe la quatrième ou
cinquième place d’Europe.
Ajoutons, à ce regrettable bilan, la retraite ou le déclin
de quelques-uns des plus grands noms du sport français : Deglane, Rigoulot,
Hansenne, Jany, Séphériadès, Micheline Ostermeyer. Jusqu’à l’invincible Urruty,
grand maître de la pelote basque, qui succombe sous l’assaut des Espagnols.
Ajoutons enfin la malchance qui s’est abattue sur nos
représentants : Accidents graves : Bergougnan, Cerdan, Thiétard,
Danguillaume, Jean Blanc. Accidents mortels : Level, Paul Chocque,
Jean-Pierre Wimille.
Mais il ne suffit pas d’accuser le mauvais sort. Cette somme
de revers ne peut être imputée à un seul concours de circonstances
défavorables.
Elle est le signe d’un fléchissement d’ensemble. Elle
apporte surtout la confirmation de ce que nous savions déjà : nous avons davantage
un sport d’élite qu’un sport de masse. Et il suffit de la défaillance de
quelques vedettes pour faire apparaître la pauvreté de nos réserves. C’est donc
sur le travail en profondeur que doivent se pencher les responsables du sport
français. C’est par l’initiation de la masse et non par la culture de quelques
champions que nous reprendrons notre véritable rang.
Gilbert PROUTEAU.
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