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Utilisation rationnelle
des feuilles des arbres

Il ne viendrait à l’idée de personne de dépouiller les arbres de leurs feuilles quand ils sont en pleine végétation. Mais par contre, quand elles tombent d’elles-mêmes, comme en cette saison, on s’empressera de les ramasser quand elles jonchent le sol, car elles sont alors précieuses.

Pour bien comprendre toute l’importance jouée par les feuilles mortes, dans le jardin, il est d’abord utile de savoir que, bien que privées d’une partie de leurs éléments minéraux, elles contiennent en produits nutritifs pour la terre : azote, quelques faibles quantités ; et, par leurs cendres : acide phosphorique (3 à 8 p. 100), potasse (3 à 11 p. 100), chaux (de 25 à 50 p. 100). Les cendres de feuilles tombées les plus riches sont : en azote : chêne (8,08 p. 100), châtaignier (8,35 p. 100) ; en potasse : châtaignier (10,52 p. 100), merisier (11,82 p. 100) ; en chaux : châtaignier (49 p. 100), bouleau (50,75 p. 100).

Ajoutons qu’aucune matière fermentescible n’est obtenue plus facilement que celle produite par les feuilles de nos arbres et que, cependant, les unes sont à décomposition lente (marronnier, platane, orme), tandis que d’autres restent longtemps poreuses (aiguilles de pin et sapin).

Comment utiliser pratiquement les feuilles tombées ?

— Un bon procédé consiste chaque année à remplacer par des feuilles fraîchement tombées celles qui ont servi, et, au lieu d’élever les feuilles en tas et d’établir ainsi des couche ; assez hautes, il est préférable de les placer dans un trou abrité d’où elles puissent être enlevées facilement ; de cette façon, leur chaleur se conserve beaucoup mieux.

Utilisation des feuilles en couverture.

— Les feuilles à décomposition lente donnent une couverture excellente pour les végétaux frileux : rosiers, artichauts, que l’on butte pendant l’hiver ; pour les légumes que l’on veut arracher au cours de l’hiver même : carottes, salades, brocolis, etc. Les aiguilles de pin et de sapin, en raison de la conservation de leur état poreux de façon assez prolongée, pourront assurer la protection des petites plantes. Mais, dans tous les cas, ces feuilles à utiliser comme couverture seront recueillies par temps sec et conservées à l’abri de la pluie et de l’humidité.

Utilisation des feuilles pour l’obtention de terreau.

— Grâce à la cellulose qu’elles contiennent, les feuilles donnent, en se décomposant, un bon terreau pour la culture des légumes et de bon nombre de plantes à feuillage : les bégonias, par exemple. Cette décomposition est plus ou moins lente suivant la nature des feuilles employées : celles du hêtre, par exemple, ne conviennent pas pour l’obtention de terreau : elles sont sèches et dures, ne fermentent pas facilement et présentent de plus cet inconvénient que les enveloppes de faînes produisent toujours, dans le terrain, un mycélium de champignon dont il est impossible de se débarrasser. Mais toutes celles de nos arbres donnent un excellent terreau qui, employé seul, peut même remplacer la terre de bruyère.

Mais, comme le produit de décomposition obtenu est toujours acide, on le neutralisera par l’adjonction de sable calcaire dans la proportion de 10 à 15 p. 100, ou mieux, si l’on peut, de scories qui le rendent plus actif.

Utilisation des feuilles dans la confection des couches.

— Si aucune matière fermentescible ne s’obtient plus facilement qu’avec les feuilles de nos arbres, aucune n’est plus convenable pour la confection des couches : non seulement ces feuilles mortes produisent une élévation considérable de température, mais, comme elles ne fermentent pas brusquement, elles conservent leur chaleur pendant beaucoup plus de temps que ne le feraient n’importe quelles autres matières, et cela sans qu’il soit nécessaire de les retourner ni d’en ajouter pendant un certain temps.

Pour obtenir le maximum de chaleur, on doit les recueillir au moment où elles tombent des arbres, et, en formant la couche, il est nécessaire de les étendre régulièrement et de les tasser ensuite (pieds ou batte).

Cette chaleur, douce et longtemps soutenue, est beaucoup plus favorable à la végétation que celle que l’on demande au thermo-siphon. D’ailleurs, beaucoup d’horticulteurs n’emploient ce dernier système que pour chauffer l’atmosphère des serres et préfèrent les feuilles pour produire la chaleur du fond. De plus, l’emploi des cloches pour les primeurs et les semis produirait un bien meilleur résultat si ces appareils étaient placés sur une couche de feuilles de cinquante à soixante centimètres d’épaisseur.

Telles sont les différentes manières d’utiliser pratiquement les feuilles qui, pendant la belle saison, ont fait la parure de nos jardins et qui, l’automne arrivé, ne coûtent que la peine de les ramasser.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 746