Depuis une vingtaine d’années, la culture de la pomme de
terre s’est considérablement améliorée, et nombreux sont les producteurs qui
obtiennent des champs aux pieds réguliers, vigoureux et productifs. Mais on
rencontre aussi des cultures maladives, irrégulières et chétives, qui ne
sauraient donner que de bien médiocres rendements et ne paient guère la peine
que se donnent ceux qui les font venir.
Les ennemis de la pomme de terre sont nombreux et sa
productivité est étroitement conditionnée par les conditions climatiques, qui
font varier, d’une année sur l’autre, les rendements de 30 à 40 p. 100,
pour ne pas dire davantage. Là contre, nous sommes à peu près désarmés
actuellement, mais contre ses ennemis il n’en va pas de même, et n’en sont plus
victimes que ceux qui le veulent bien.
Les principaux d’entre eux, les plus redoutables sont :
les maladies de dégénérescence, le doryphore et le mildiou.
Le doryphore et le mildiou sont trop connus, leurs dégâts
sont trop spectaculaires pour qu’il soit nécessaire d’insister sur leur
importance et la nécessité d’y mettre fin. Rappelons simplement que la lutte ne
doit pas se relâcher, notamment en ce qui concerne le doryphore, même si la
pullulation semble se ralentir certaines années peu favorables pour son
évolution, et qu’on y parvient de façon fort efficace avec les bouillies
arsenicales, les poudres de pyrèthre ou de roténone, le D. D. T.,
etc. Le mildiou, lui, est tributaire des bouillies cupriques. Il est
recommandable, en outre, de brûler les fanes après la récolte, au lieu de les
enterrer ou de les mettre au fumier ou au compost.
Sous le nom, d’ailleurs impropre, de maladies de
dégénérescence on groupe diverses maladies contagieuses et héréditaires :
frisolée, mosaïque, enroulement, etc., dont les symptômes se manifestent au
cours de la végétation. Les feuilles sont déformées : enroulées, gaufrées
ou tachées, semblables à une mosaïque, d’où les noms donnés à ces maladies. Les
tubercules issus des pieds malades ne portent cependant pas de marques
visibles. Ils sont, dans l’ensemble, plus petits que ne le seraient ceux qui
proviendraient de pieds sains, mais, mis en tas avec les autres, on ne saurait
guère les en distinguer. Ils sont malades cependant, ils donneront des pieds
malades, plus malades même que ne l’étaient les pieds dont ils sont issus. Au
bout de trois, quatre ou cinq ans, la production tombera pratiquement à zéro.
Le seul moyen de lutte efficace à ce jour est la sélection
sanitaire, qui permet d’obtenir des pieds sains, ou du moins pour lesquels la
proportion de pieds malades est infime. Toutefois, si ces plants sont indemnes
de maladies, ils restent susceptibles d’être contaminés, ce qui arrive
fatalement dès qu’ils ne bénéficient plus des conditions d’isolement, de climat
et d’habitat indispensables. Il devient donc nécessaire de renouveler le plant
au bout d’un temps plus ou moins long selon les régions et les circonstances.
C’est une opération coûteuse assurément, mais beaucoup moins onéreuse,
cependant, que la perte de récolte qui résulte de l’utilisation de tubercules
dégénérés.
Pendant longtemps, les pays étrangers, la Hollande
notamment, furent en avance sur nous pour la production du plant de pomme de
terre sélectionné sanitairement, mais un gros effort a été fait en France
depuis quelques années, particulièrement en Bretagne, et actuellement la
production y est bien organisée, bien contrôlée, et le plant produit y est
d’excellente qualité.
Actuellement, toutes les cultures de pommes de terre
destinées à la semence sont obligatoirement soumises au contrôle de la
« Commission officielle de Contrôle » (C. O. C.) qui en a
confié l’organisation et l’administration à la Fédération nationale des
Producteurs de Plants. Le contrôle comporte des visites et notation des
cultures en cours de végétation. Après quoi, celles-ci sont classées en cinq
catégories : Élite, classe A, classe B, classe C, classe D.
Seules les trois premières catégories ont droit à l’appellation « sélectionné » ;
les deux autres : classes C et D, constituent le plant dit de « reproduction ».
Il serait fastidieux d’entrer dans le détail des conditions
imposées pour l’admission dans chacune des cinq catégories.
Rappelons seulement que le plant de la classe D
doit :
a. Être issu de plants des classes
sélectionnées : élite A ou B.
b. Être cultivé à une distance minimum de 10 mètres
de toute culture non épurée.
c. Subir une épuration après chacun des trois
contrôles.
d. Ne pas compter plus de 12 p. 100 de pieds
chétifs ou manquants lors du premier contrôle. Lors du dernier, on ne doit pas
trouver plus de 1 p. 100 de pieds étrangers et plus de 3p. 100 de
pieds atteints de maladies de dégénérescence.
La classe dite « Élite » est soumise, elle, à des
conditions beaucoup plus dures, ce qui est parfaitement normal :
Le plant doit provenir de familles de moins de six ans,
produites sur place et classées « Élite » ou A. Ils doivent être
cultivés à 50 mètres de toute culture de pommes de terre épurées et à 100 mètres
de toute culture non épurée. Il y a quatre contrôles pour les variétés tardives
et l’épuration se fait tous les cinq jours. Lors du dernier contrôle, il ne
doit pas y avoir plus de 0,2 p. 100 de pieds atteints de maladies de
dégénérescence.
Tel est le but à atteindre par la sélection sanitaire, qu’il
ne faut toutefois pas confondre avec le calibrage des plants. Un lot de pommes
de terre peut être de qualité parfaite au point de vue sélection sanitaire et
comporter des tubercules de toutes tailles. Par contre, un lot peut être
parfaitement calibré et ne contenir que des tubercules dégénérés. L’acheteur a
tendance, et c’est bien naturel, à attacher une grosse importance au calibrage,
et on ne saurait trop insister auprès des producteurs pour qu’ils tiennent
compte de cette exigence de leurs clients, mais il est bon de noter que la
sélection sur pied est la plus importante.
L’usage d’un plant sain permet seul de tirer le profit
maximum des soins apportés à la culture, et il est vain d’attendre un rendement
intéressant avec une culture dégénérée. Le gros danger des maladies de
dégénérescence vient de ce qu’elles se remarquent peu à leur début, mais elles
sont bien connues aujourd’hui, et la diffusion des plants
« sélectionnés », ou tout au moins « de reproduction », est
un des principaux facteurs du progrès actuel du rendement des cultures de
pommes de terre.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
|