Le problème de la mise en valeur des sols calcaires
superficiels par le boisement est actuellement à l’ordre du jour :
d’immenses étendues de sols calcaires, superficiels et secs, sont en effet
improductives. Citons les friches calcaires de Lorraine et du plateau de
Langres, la Champagne, la Champagne berrichonne, etc. ; on n’y trouve que
de maigres savarts à moutons. Dans les régions méridionales, les garrigues
provençales et les Causses ajoutent l’aridité de leur climat à celui de leur
sol, ce qui augmente encore la difficulté.
Les défauts des sols calcaires (sols de rendzines).
— Ces sols présentent d’abord de graves défauts
physiques : ce sont des sols superficiels et secs :
l’absence complète de nappe d’eau, donc de réserves d’eau, rend les conditions
de vie particulièrement difficiles pour les végétaux en saison sèche :
seuls les plus xérophiles (herbes dures des pelouses) peuvent y vivre ;
cette sécheresse est aggravée par la température très élevée qu’atteignent les
sols calcaires lorsqu’ils sont dénudés et exposés au soleil d’été.
Les sols calcaires offrent également des inconvénients
d’ordre chimique ; si l’excès de carbonate de chaux empêche toute
acidification, par contre il nuit à la nutrition minérale des plantes ;
l’absorption des éléments indispensables (phosphore, calcium) est gênée par la
présence du calcaire ; c’est ainsi que certaines plantes, « les
calcifuges », ne peuvent pas vivre sur ces sols ; de plus, la
nutrition azotée, normalement assurée par une bonne décomposition de l’humus en
sels ammoniacaux, est elle-même compromise ; l’humus, très énergiquement
floculé, résiste à l’activité microbienne et se détruit très lentement. On voit
que les conditions de vie sont très défavorables à la végétation forestière, et
le problème du reboisement de ces sols est particulièrement délicat à résoudre.
Le choix des essences.
— Pour un premier boisement, il est bien entendu
impossible de faire appel à des essences spontanées, car le milieu leur est
trop défavorable : il importe de créer d’abord une ambiance forestière qui
favorise ensuite le retour progressif des espèces spontanées.
Dans ce but, il faut faire appel à des essences
particulièrement xérophiles, susceptibles de résister à la grande sécheresse et
aux coups de chaleur dans le jeune âge ; il faut également s’adresser à
des essences frugales, en particulier à des fixatrices d’azote, soit à l’aide
de mycorhizes (résineux), soit par des nodosités (aunes, légumineuses) :
ces dernières espèces sont particulièrement aptes à surmonter la « faim
d’azote » qui sévit normalement sur les terrains calcaires.
Sans abri, le pin noir d’Autriche est l’essence qui
réussit le mieux sur ce type de sol ; si on dispose d’un certain abri
(broussailles, ancienne forêt dégradée), le sapin de Nordmann peut être
conseillé ; lorsque les grands froids ne sont pas trop à craindre, sur les
collines bien exposées, le cèdre constitue une essence très précieuse
pour la mise en valeur de ces types de sol. Enfin, nous ne saurions trop
insister sur l’intérêt présenté par la réalisation d’un boisement mixte
résineux-feuillus obtenu par exemple en alternant les lignes de résineux avec
des lignes de feuillus fixateurs d’azote (aulne blanc, aulne à feuilles en
cœur). Le feuillu « nourrira » en quelque sorte le résineux en azote
et la croissance de ce dernier sera beaucoup plus rapide. De plus, il couvrira
et améliorera rapidement le sol ; lorsque les gelées printanières ne sont
pas trop à craindre, l’aulne à feuilles en cœur est particulièrement
intéressant par sa grande rapidité de croissance et les belles dimensions qu’il
peut atteindre.
Pour la réalisation pratique, la plantation au printemps
s’impose, car les gelées d’hiver, en terrain calcaire, déchaussent les
plants ; en raison des difficultés de reprise, la plantation doit être
particulièrement soignée ; il faut creuser des potets, aussi profonds que
possible, et praliner les racines ; il convient d’éliminer les cailloux,
toujours abondants, et de remplir le potet avec de la terre fine, après la mise
en place du plant. La reprise est souvent compromise par les sécheresses de
printemps et d’été, consécutives à la plantation : il faut alors pratiquer
de fréquents regarnis.
L’influence des plantations sur le sol ; le
maintien de l’ambiance forestière.
— Les espèces ligneuses agissent très favorablement sur
la structure des sols calcaires : les racines agissent mécaniquement et
approfondissent le sol ; la grande quantité de matière organique fournie
par les feuillus décompose progressivement le carbonate de chaux, et la nutrition
tant azotée que minérale s’améliore progressivement ; le sol de
« rendzine » devient un sol brun forestier, analogue à d’autres sols
forestiers formés sur des roches mères pourtant différentes (schistes,
argiles). Mais il s’agit toujours de sols instables, pour la conservation
desquels la présence de la forêt est nécessaire : il faut donc se
garder de les déboiser inconsidérément ; le plus souvent, les feuillus des
forêts avoisinantes s’installent spontanément sous le couvert des résineux
lorsque l’ambiance forestière (sol et climat local) est reconstituée ; il
est alors possible de réaliser progressivement le peuplement résineux qui
fournira des bois de mine, sans dénuder le sol, le peuplement feuillu de
remplacement existant sur place et assurant l’avenir de la forêt ; si
cette substitution d’essence ne se produit pas spontanément, il faut la
provoquer en introduisant sous les essences de ce premier boisement, en coupe
d’abri, des essences d’ombre (hêtre, sapin de Nordmann) ; toute dénudation
préjudiciable pourra ainsi être évitée.
LE FORESTIER.
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