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Chronique ménagère

Les bons potages

Voici venir l’hiver. Tandis qu’en été nous ne rêvions que plats froids et salades, la bonne soupe chaude, le potage odorant nous tentent davantage quand vient le froid.

Alors que, affamés et glacés par la pluie, la neige et le vent, nous nous mettons à table, au retour du travail, n’est-ce pas un spectacle réjouissant qu’une soupière fumante ? Et quel bien-être répand en nous son contenu odorant et chaud !

Un potage, c’est à la portée de toutes les bourses, de toutes les dentures, facile à faire et à composer. Que la ménagère ne jette d’abord jamais l’eau de cuisson de ses légumes : choux-fleurs, haricots verts, artichauts, pommes de terre, carottes, épinards, poireaux, céleri, etc. — L’eau des artichauts ? Non, c’est trop amer ! — Goûtez-la donc avant de faire la grimace ! Faites-en du potage, et ce sera excellent pour votre foie. — L’eau des choux-fleurs ? Mais elle sent mauvais ! — D’accord, lorsque le chou-fleur cuit à la cuisine, une odeur nauséabonde se répand dans toute la maison. Mais goûtez donc cette eau. Sa saveur est une des plus agréables.

Gardez donc toute l’eau de cuisson de vos divers légumes (ne salez pas trop par exemple, car le sel reste davantage dans l’eau de cuisson que ne paraît en prendre le légume cuit dedans). Cette eau renferme une grande quantité des sels minéraux contenus dans le légume. Ce serait un gaspillage impardonnable de la jeter, car, en donnant au potage son arôme particulier, elle lui fournit également une valeur nutritive intéressante. Ajoutons aussi une chose qui peut paraître stupide au premier abord : n’avalons pas le potage à toute vitesse, comme on le fait trop souvent, mangeons-le lentement, en le mâchant en quelque sorte, pour le bien imprégner de salive. Sa digestion en sera favorisée et aussi son utilisation nutritive, car n’oublions pas que la nourriture qui profite n’est pas celle que nous absorbons, mais celle que nous digérons, celle qui est utilisée par notre organisme.

Vous employez ensuite cette eau de cuisson pour n’importe quel potage au lieu et place d’eau ordinaire salée ; il suffit d’y ajouter du tapioca, des pâtes, du vermicelle, des flocons de céréales diverses (avoine, blé vert, orge, riz, etc.), de la semoule, de l’orge perlée, voire des farines de céréales ou de légumineuses : farine d’avoine, d’orge, de blé, de lentilles, de pois, de haricots, de fèves, de châtaignes. Mais, si l’on emploie une farine quelconque, il faut avoir la précaution de la délayer au préalable avec très peu d’eau froide, de façon à former une pâte lisse et sans grumeaux, capable de couler. On ajoute peu à peu un peu de bouillon chaud dans le bol où on a délayé ; puis on verse le tout dans la casserole de bouillon en ébullition. On délaie plus ou moins de farine selon la consistance que l’on désire obtenir ; si l’on se contente d’une petite quantité de farine, donnant un simple velouté, on peut corser le potage en le versant sur des tranches de pain ou des croûtons frits.

Que mettre comme assaisonnement ? Rien si vous voulez, le potage ainsi préparé est fort acceptable et de bon goût. Mais vous pouvez, pour en augmenter la valeur nutritive, mettre un morceau de beurre frais dans la soupière avant d’y verser votre potage, ou bien de la crème, ou bien un peu de jus de cuisson d’une viande quelconque qui peut vous rester d’un repas précédent, ou bien un ou deux œufs battus en omelette dans la soupière même (veillez, quand vous verserez le potage, à le faire petit à petit, en remuant constamment, sinon vos œufs risquent de se cuire et de se mettre en grumeaux : on dit alors que le potage est « brossé ») ; votre potage devient alors aussi nourrissant qu’un potage fait avec un morceau de viande.

Mais n’utilisez pas cette eau de cuisson de légumes pour faire une soupe dans laquelle vous ajouterez d’autres légumes tels que pommes de terre, haricots verts, carottes, poireaux : votre soupe atteindrait alors une trop forte concentration en sels minéraux et ne serait pas agréable au goût.

Vous n’avez pas d’eau de cuisson d’un légume et, autour de vous, tel n’aime pas les poireaux, tel autre n’aime pas les oignons, tel autre n’aime pas les carottes, ou la courge, ou les choux ? Faites-leur manger de tout cela (il est bon de varier l’alimentation) sans qu’ils s’en aperçoivent, en les passant au moulin à légumes. Voici quelques recettes à cet effet :

Potage aux légumes variés.

— Pour 6 personnes, peler 1 kilogramme de pommes de terre, deux carottes moyennes, un oignon, une gousse d’ail, une branche de céleri ; faire cuire le tout à l’eau salée. Au moment de servir, passer au moulin à légumes au-dessus de la soupière contenant ou non un morceau de beurre.

Si le liquide paraît trop épais, on peut ajouter un peu d’eau ; s’il ne paraît pas assez épais, on peut ajouter des tranches de pain ou des croûtons frits.

Potage eux lentilles.

— Faire cuire un bon verre de lentilles pour 6 personnes avec un oignon, une gousse d’ail. Trois quarts d’heure avant de servir, ajouter 500 grammes de pommes de terre pelées et coupées en gros morceaux. Passer au moulin à légumes au-dessus de la soupière. Ajouter à volonté un morceau de beurre. On peut remplacer les lentilles par des pois ronds, ou des pois cassés, ou des haricots.

Potage avec résidus d’autres légumes.

— Vous préparez un chou-fleur : gardez-vous de jeter les feuilles qui l’entourent, les côtes et le trognon. Coupez le tout en morceaux, ajoutez des pommes de terre et, si vous en avez, un oignon, une gousse d’ail, quelques feuilles de poireaux. Passez le tout au moulin quand c’est cuit.

Au lieu de choux, vous pouvez employer de la même façon les feuilles de salades trop vertes, trop dures du pourtour, ou bien la tige d’une salade qui commence à monter ; vous pouvez ajouter un peu de persil, d’ail, d’oignon, de feuilles de poireaux, pour relever le goût, et tous restes de légumes.

Potage à la citrouille.

— Couper la citrouille en gros dés. Mettre dans la casserole avec un oignon coupé et quelques pommes de terre. Ajouter l’eau nécessaire et du sel. Laisser bien bouillir, puis passer au moulin à légumes. Servir avec quelques tranches de pain et, si possible, de la crème fraîche.

Potage cresson et pommes de terre.

— Étuver une botte de cresson avec un corps gras quelconque. Mouiller de ¾ de litre d’eau environ. Ajouter 300 grammes de pommes de terre coupées en petits dés. Passer au moulin à légumes quand c’est cuit ; mettre au point de consistance voulu avec eau ou lait.

Soupe paysanne.

— Les potages aux légumes passés au moulin, c’est très bien ! mais ne craignons pas de revenir de temps en temps à la soupe paysanne, où nous trouverons des légumes à mastiquer. « Manger mou, manger mort » seraient les deux grandes plaies des habitudes modernes, dit Beltrami dans sa Révolution alimentaire. Revenons de temps en temps aux coutumes de nos pères !

Dans une casserole, mettre de l’eau, du sel, un petit morceau de lard. Faire bouillir un bon moment (au moins ½ heure) avant d’ajouter les légumes.

S’il s’agit de haricots verts et de pommes de terre, mettre les haricots verts au moins ¼ d’heure avant les pommes de terre : une poignée de haricots verts, 1 kilogramme de pommes de terre coupées en tranches minces ; faire bouillir à gros bouillons au début (les pommes de terre en bouillant fort se démolissent peu à peu, donnant un bouillon blanc très savoureux), puis à petit feu pendant ¾ d’heure. Servir. (On peut enlever le lard que l’on pourra rajouter à une soupe de légumes passés au moulin à légumes le lendemain.)

On peut remplacer les haricots verts par des feuilles de poireaux coupées en petits morceaux.

On peut remplacer les haricots verts par des feuilles de chou tendres, vertes ou mieux blanches (n’en pas trop mettre pour que la soupe ne soit pas trop « forte »). Mais les ajouter en même temps que les pommes de terre.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 763