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L’œil électronique

contre les incendies de forêts.

Le patrimoine forestier de notre pays vient de se trouver amputé par des incendies d’une ampleur sans précédent, qui ont causé de nombreuses victimes. L’insuffisance des moyens de combat, celle de l’organisation se sont révélées avec évidence. Les mêmes errements recommenceront-ils l’été prochain, ou nous déciderons-nous à nous outiller contre l’incendie forestier ? Jetons un coup d’œil sur l’organisation des pays étrangers.

Un verre cassé met le feu.

— Le principe fondamental est la détection précoce du feu. Dans l’immense étendue de matières combustibles constituée par des broussailles, des aiguilles de pins, des bruyères sèches, il est inévitable que le feu prenne plusieurs fois au cours d’une saison. Cinquante pour cent des sinistres sont attribués à l’imprudence, 10 p. 100 à la malveillance, 40 p. 100 à des causes diverses, parfois curieuses. Une carafe pleine d’eau, voire un tesson, un verre cassé suffisent, en concentrant les rayons du soleil, pour provoquer un incendie !

Ce feu insignifiant, qu’un seau d’eau suffirait pour éteindre, il s’agit de le repérer précocement. Si les fourrés sont denses, le sinistre prendra un grand développement en quelques minutes ; si la forêt est bien débroussaillée, coupée par des tranchées coupe-feu et de larges avenues, les sauveteurs auront une marge de temps raisonnable pour intervenir. Si le vent est fort et surtout s’il tourne, l’extension du feu peut être catastrophique et les sauveteurs peuvent se trouver cernés.

Des « miradors » à yeux électriques.

— Aux États-Unis et au Canada, où les étendues boisées sont gigantesques, on utilise des miradors, ou tours de guet, analogues à ceux que nous possédons en France ; mais le guetteur dispose d’un véritable équipement d’officier télémétriste qui lui permet de localiser rapidement toute fumée suspecte.

L’aviation a évidemment un rôle primordial à jouer dans la surveillance des forêts. En France, les crédits manquent (?). Les pilotes de lignes et les membres des aéro-clubs se font, bien entendu, un devoir de signaler les incendies qu’ils aperçoivent. L’école d’aviation de Cazaux effectue des rondes aériennes pour sa propre sécurité.

Un brevet américain prévoit l’emploi de cellules photoélectriques tournantes (yeux électriques), dont le « regard » balaie l’horizon. Installé au sommet d’un mirador en compagnie d’un émetteur automatique à ondes courtes, la cellule signale par radio, à une station centrale, la direction dans laquelle elle aperçoit la chaleur du feu. Les émissions des différents miradors-robots se recoupent à la station centrale et font apparaître, sur une carte, un point lumineux correspondant à l’emplacement de l’incendie.

Un pompier volant : l’hélicoptère à pulvérisation.

— Pour l’attaque du feu, des engins motorisés s’imposent. Par « bon » vent, la progression du feu peut atteindre 30 kilomètres à l’heure. En outre, il est indispensable de transporter, sur tous terrains, des quantités de liquide d’au moins une demi-tonne.

L’agent extincteur le plus employé pour les incendies de forêt demeure l’eau. Les Américains l’emploient en bombes de 2.000 litres, lancées par avion ; mais l’utilisation la plus rationnelle se fait sous forme de « poudrin », autrement dit de brouillard fortement pulvérisé. La lance à poudrin classique projette un cône de brouillard d’eau d’une ouverture de 60 centimètres à une distance de 6 mètres, qui éteint le feu en le refroidissant et en l’isolant de l’air ambiant.

Un produit nouveau, l’« eau mouillée », s’obtient en dissolvant dans l’eau ordinaire certaines substances chimiques. Le liquide obtenu est quatre à cinq fois plus efficace que l’eau ordinaire. D’autres produits chimiques : tétrachlorure de carbone, trichlorure de phosphore, agissent à sec, à dose extrêmement faible, comme « poisons du feu » : bien que l’air et le combustible demeurent en présence, leur union devient impossible et la combustion s’arrête.

Des lances à eau, montées sur des véhicules de l’armée, ayant donné de bons résultats, des véhicules spéciaux ont été étudiés. Un tracteur à chenilles très écartées, capable de monter des rampes de 40 p. 100 et emportant 500 litres d’eau, s’est montré apte à éteindre une ligne de feu de 2 kilomètres par heure.

Si l’avion semble peu opérant pour combattre le feu, à cause de sa vitesse, il n’en est pas de même de l’hélicoptère, capable de ralentir autant qu’on le désire, voire de plafonner au point fixe. Des problèmes difficiles de stabilité ont été résolus ; l’hélicoptère est entré dans la vie courante, aux États-Unis, pour le transport du courrier, les patrouilles de police, l’enlèvement des blessés, de nombreux travaux agricoles : semailles, projection d’engrais ou d’insecticides. Il semble que l’hélicoptère, équipé de lances à poudrin, constituerait une arme de choix contre l’incendie de forêt.

Tout dernièrement, après les incendies des Landes, un moyen grandiose a été expérimenté : la pluie artificielle ! Un avion, projetant des produits chimiques en fines particules : anhydride carbonique, iodure d’argent, voire de l’eau pure, peut provoquer la chute de pluies relativement importantes, à la condition que l’état de l’atmosphère s’y prête. Tel n’est peut-être pas le cas au-dessus d’un brasier ... On affirme toutefois que le passage successif de deux « avions saupoudreurs » permettrait d’obtenir de la pluie presque en toute circonstance. Des recherches sont en cours.

Pierre DEVAUX.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 765