Un principe général, applicable à la conservation des
légumes de toute nature : c’est la réunion des trois conditions
suivantes : absence de lumière, de chaleur et d’humidité, combinée avec la
circulation d’air à la fois frais et sec. En remplissant ces conditions, on
réussira toujours à préserver les produits du jardin de quelque nature qu’ils
soient. Dans cet article nous envisagerons, en raison de son importance
primordiale, en premier lieu, la conservation de la pomme de terre de
consommation, puis celle des tubercules destinés à la plantation.
Pratique de la conservation des pommes de terre de
consommation.
— La pomme de terre demeure la base de l’alimentation
pendant la période hivernale, aussi est-il nécessaire d’en conserver pour les
besoins culinaires, selon la quantité de personnes à nourrir : on peut
tabler, pour un ménage de deux personnes, sur 100 kilos de tubercules
blancs pour potages et sur 100 kilos de rouges pour tous autres usages.
Le premier point est de les rentrer par un temps bien sec ;
on les laisse sécher quelque peu au soleil et on procède au triage : les
tubercules blessés seront consommés dès l’automne (personnes ou poules et
lapins) ; les petits tubercules recevront la même destination dans tout le
courant de l’hiver ; les moyens (40 à 50 grammes), exempts de toute
souillure, serviront de plants, et enfin les gros seront destinés à la
consommation courante.
D’après le principe général indiqué plus haut et appliqué à
ce légume :
1° Pour éviter une pourriture, nous ferons en sorte que la
température du local ne dépasse jamais 15° et qu’elle ne s’abaisse jamais
au-dessous de 0°. Il est recommandé d’éviter que la température ne s’abaisse
au-dessous de +4°, car, entre +4° et 0°, les tubercules prennent un goût
désagréable (sucré). La meilleure température du local oscillera entre 5° et
8°.
2° Une bonne aération du milieu permet d’évacuer l’humidité,
de régulariser ou d’abaisser la température du lieu.
3° Enfin on veillera à l’obscurité pour éviter le
verdissement, chose facile par camouflage des soupiraux.
Dans la conservation dite en magasin (cave, grenier ou
cellier), une précaution utile consiste à bien nettoyer le local préalablement
en pulvérisant sur le sol, sur les murs, sur les parois de bois, de la bouillie
bordelaise ou une solution formique titrant au plus 2 p. 100. On laissera
convenablement sécher avant de procéder à l’emmagasinement de la récolte. On
peut parsemer également de poudre de charbon de bois ou de chaux en poudre
récemment éteinte le sol ou emplacement du tas futur. Les tas seront isolés
des murs et du sol même (couche de paille, ou de brindilles bien sèches, ou de
sable) de façon à permettre l’aération. D’ailleurs ces tas ne devront pas être
trop épais, environ 0m,80 de hauteur, sauf au cas où, par manque de
place, on doit les élever à lm,50, sans jamais dépasser 2 mètres ;
dans ce dernier cas, établir des cheminées d’aération avec des fagots, des
brindilles d’arbustes en vue de prévenir tout échauffement et, par voie de
conséquence, toute cause de fermentation et de pourriture.
Pendant la saison hivernale, on ne craindra pas de remuer
mensuellement le ou les tas pour trier les tubercules gâtés et d’aérer
largement par temps sec. Si la température venait à s’abaisser fortement, on
couvrirait de paille sèche et on calfeutrerait toutes les ouvertures.
Enfin, pour encore diminuer les chances de fermentation et
de pourriture, on saupoudrera le ou les tas légèrement avec de la chaux vive (5
à 10 kilos pour 1.000 kilos de tubercules), de la poudre de charbon
de bois, de la tourbe pulvérisée, mais à condition qu’elle soit bien sèche.
Tous ces produits agissent préventivement en absorbant, de
par leurs propriétés caractéristiques, l’humidité, le gaz carbonique dégagé, et
détruisent les germes malfaisants et éloignent pucerons et insectes.
Pratique de la conservation des tubercules destinés à la
plantation.
— Il est évident que les mêmes précautions que
précédemment sont à prendre, c’est-à-dire qu’il faut les préserver de la
pourriture en les entreposant en milieu sec, ventilé, à l’abri de la gelée,
mais froid. Mais, ici, la lumière n’est plus à redouter comme plus haut, elle
sera même utile lors de la germination et il faudra, plus encore que pour les
pommes de terre de consommation, réaliser une large aération en ayant, à cet
effet, des tas épais, tout au plus de 50 centimètres. Enfin, si la
protection contre la gelée est aussi nécessaire, il sera bon d’entretenir une
température aussi voisine que possible de 5°.
Le procédé le plus pratique, le plus simple et à meilleur rendement
consiste à placer, dès la récolte, les tubercules sur des clayettes, dans un
local un peu plus éclairé que celui destiné à conserver les tubercules de
consommation. Les Hollandais utilisent des germoirs de 8 mètres sur 4 mètres
et hauts de 3 mètres, dont les murs sont constitués par une double paroi
de verre armé. Mais, à défaut de cette installation, l’amateur peut se
contenter d’un local sain, aéré et éclairé.
L’exposition à la lumière paraît nous étonner. Or, exposés
ainsi à la lumière, celle-ci limite le développement des germes qui restent
courts et trapus (c’est la chaleur qui les fait développer exagérément) et ils
ne sont pas fragiles au moment de la plantation. Elle permet, en outre,
d’éliminer les tubercules qui, en dépit de ces circonstances, donneraient des
germes grêles. On ne saurait trop apporter de soins tant à la conservation des
pommes de terre de consommation qu’à celles de semences, élément principal de
la réussite de cette culture fondamentale.
BOILEAU.
|